Le retour en Algérie le 11 décembre, du général à la retraite et ancien ministre de la Défense algérien Khaled Nezzar, fait couler beaucoup d'encre. Alors qu'il était en exil en et condamné à 20 ans de prison par le Tribunal militaire, l'ancien général est revenu en Algérie sans être inquiété. « Le général Khaled Nezzar vient de retrouver l'Algérie de façon aussi mystérieuse qu'il fut obligé de la quitter. Des indices annoncent qu'un autre officier, le général Mediene (dit Toufik), serait sur la voie d'être élargi pour des raisons aussi opaques que celles qui ont provoqué son internement » a déclaré Saïd Sadi, le membre fondateur et ancien président du parti RCD, sur Facebook. Alors qu'il est condamné à 20 ans de prison, le voilà qu'il retourne en Algérie sans être inquiété, dans un procès passé à la trappe. C'est un nouvel épisode incompréhensible de la scène politique et juridique algérienne qui marque l'après 22 février 2019. Depuis la chute de l'ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika, poussé à la porte par un mouvement de rébellion civil, la situation en Algérie fait froid dans le dos. Le système a mis en place une purge générale qui a ciblé des centaines de personnes en allant du simple citoyen qui s'exprime sur les réseaux sociaux, jusqu'aux plus hautes sommités de l'Etat en passant par des personnages clés du pouvoir en Algérie, qui, étaient jusqu'alors intouchables. Parmi elles, Said Bouteflika, le frère du président, Louisa Hanoune, l'opposante la plus connue du paysage politique, les anciens patrons des services secrets algériens Mohamed Mediene alias « Toufik » et Athmane Tartag alias « Bachir », qui ont tous été condamnés à 15 ans de prison pour « complot contre l'Etat » et « atteinte à l'autorité de l'armée » après avoir organisé une rencontre pour parler de la situation du pays. Khaled Nezzar, 83 ans, a également été condamné, à 20 ans de prison par coutumace, par le tribunal militaire de Blida étant donné que celui-ci s'est évaporé d'Algérie du jour au lendemain et s'est retrouvé en Espagne. Lotfi, le fils de l'ancien général a été condamné aussi. Toutes ces condamnations interviennent dans un même contexte, celui de la prise du pouvoir par le général Gaid Salah, chef d'etat-major, qui s'est rangé du côté des revendications du peuple en affirmant à l'époque qu'il fallait appliquer l'article 102 de la Constitution qui déclare l'incapacité du président. Depuis, Gaid Salah qui a flairé un complot contre sa personne, a organisé cette purge pour régler ses comptes personnels et en donnant au peuple à voir, prétextant une purge de la « Issaba » (la bande) qui pillait les deniers publics et cherchait à conduire le pays vers la ruine. En juillet 2019, Khaled Nezzar commence à publier un flot d'attaques contre Gaid Salah depuis Twitter. Il avoue avoir adressé une correspondance en 2015 à Abdelaziz Bouteflika pour le mettre en garde contre Gaid Salah et qu'il fallait le remplacer par quelqu'un de plus méritant et plus jeune. Le hirak pacifique a poussé Bouteflika à démissionner. Pouvoir usurpé manu militari et la Constitution violée par des injonctions illégitimes. L'Algérie est prise en otage par un individu brutal qui a imposé le 4e et inspiré le 5e mandats. Il faut y mettre fin ! Pays en danger. — Khaled Nezzar (@KhaledNezzar8) July 15, 2019 « Le hirak pacifique a poussé Bouteflika à démissionner. Pouvoir usurpé manu militari et la Constitution violée par des injonctions illégitimes. L'Algérie est prise en otage par un individu brutal qui a imposé le 4e et inspiré le 5e mandats. Il faut y mettre fin ! Pays en danger. » Nezzar a poursuivi en affirmant que les attaques le visant étaient claires et qu'il ne fallait pas se tromper à son sujet: Il s'est retiré de l'armée en 1993 pour signifier son désaccord sur l'accession de l'institution militaire aux fonctions politiques suprêmes, et a commencé à critiquer Bouteflika en 1999. Il a ainsi ajouté que c'était Gaid Salah le fidèle du clan Bouteflika. S'attaquer politiquement à Gaid Salah est pour lui une affaire de sécurité nationale, c'est ce que lui dicte le pois chiche qu'il a dans la tête. Ce sont des jours sombres qu'il réserve à l'Algérie. — Khaled Nezzar (@KhaledNezzar8) August 6, 2019 « S'attaquer politiquement à Gaid Salah est pour lui une affaire de sécurité nationale, c'est ce que lui dicte le pois chiche qu'il a dans la tête. Ce sont des jours sombres qu'il réserve à l'Algérie », a-t-il tweeté en décrivant Gaid Salah comme un personnage machiavélique. Mais, la purge au sommet de l'Etat algérien de s'est pas terminée avec l'arrivée au pouvoir d'Abdelmadjid Tebboune, un proche de Gaid Salah. Alors que l'élection présidentielle a eu lieu le 12 décembre 2019, et le nouveau chef d'Etat a été investi le 19 décembre, Gaid Salah, sa mission terminée est subitement décédé le 23 décembre. Depuis, face aux tensions et critiques provoquées par des rapports d'ONG internationales dressant un tableau sombre de la situation des droits de l'Homme en Algérie avec ce nouveau pouvoir incarné par Tebboune, l'appareil judiciaire s'est montré un peu plus clément. Plusieurs affaires ont été rejugées, les peines raccourcies, dont certaines se sont contentées de comptabiliser les mois purgés comme ferme et le reste des peines en sursis. Cela a été notamment le cas pour Louisa Hanoune qui a été blanchie des accusations de complot contre l'Etat en février. Khaled Nezzar, a de son côté regagné l'Algérie et n'est plus sous le coup d'un mandat d'arrêt international. Selon le quotidien Liberté Algérie citant une source judiciaire, Khaled Nezzar a été entendu par un juge du Tribunal militaire qui abandonné les charges pesant contre lui et l'a acquitté. Pour Saïd Sadi, un retournement de situation serait en train de mijoter dans les dessous du pouvoir algérien qui dénote de la partialité du pouvoir judiciaire. « Sans préjuger du contenu des dossiers des uns et des autres et en attendant de connaître les dessous et conséquences de ces tractations, on peut supposer que la justice qui fut activée par Gaïd Salah pour éliminer ses adversaires se soumettra avec la même docilité devant les nouvelles instructions qui pourraient blanchir des personnages qui furent ses victimes hier encore », a-t-il déclaré.