La crise d'apprentissage que traverse le Maroc est devenue flagrante. Dans un récent rapport, la Banque Mondiale a fait savoir qu'en 2019, 66 % des enfants marocains âgés de 10 ans n'étaient pas capables de lire et comprendre un texte simple, soit un pourcentage inférieur de 2,5 points à la moyenne régionale du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord et de 10,7 points à la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Le rapport intitulé « Maroc: Pour un système éducatif performant au sortir de la Covid-19″, souligne qu'un an plus tôt, soit en 2018, les années de scolarité des élèves marocains corrigées en fonction des acquis étaient estimées à 6,2 années. En procédant à un ajustement du nombre d'années effectives de scolarisation par rapport au volume des acquis, le rapport fait constater que la durée effective de la scolarité au Maroc était en moyenne inférieure de 4,4 ans au nombres d'années réelles. Selon la BM, « ces chiffres reflètent la crise des apprentissages que traverse le pays, tout comme plusieurs autres pays dans le monde, et l'urgence de résorber les lacunes du système éducatif, afin d'équiper chaque élève des compétences fondamentales nécessaires pour s'insérer à l'âge adulte dans la société et l'économie marocaines ». Pour pallier à cela, le rapport rappelle que le gouvernement s'est engagé à mener des réformes dans ce sens, dans le cadre de sa Vision stratégique pour l'éducation 2015-2030, notamment l'adoption en 2019 de la loi-cadre 51.17. Ainsi, ladite rapport revient sur le prêt de la BM accorder au Royaume de 500 millions de dollars, dans le cadre du programme d'appui au secteur de l'éducation au Maroc, et qui vient accompagner les efforts des autorités en s'attachant plus particulièrement à améliorer les acquis scolaires et la gouvernance du secteur. Au vu du contexte actuel de la crise sanitaire, la BM indique dans son rapport que cela menace aujourd'hui de fragiliser les avancées du Maroc en matière d'éducation, soulignant ainsi que les mesures de confinement, qui ont conduit à la fermeture des établissements scolaires, ont entraîné la perte d'au moins trois mois d'apprentissage chez environ 900.000 enfants d'âge préscolaire, 8 millions d'élèves du primaire et du secondaire, et un million d'étudiants du supérieur. Des simulations effectuées par la Banque mondiale mettent en évidence les répercussions plus larges de cette situation sur la croissance et la réduction de la pauvreté. La BM montre ainsi que, faute de mesures appropriées pour compenser le recul des acquis, les trois mois de fermeture des écoles et les coups portés à l'économie, l'apprentissage effectif d'un élève pourrait diminuer de 6,2 à 5,9 ans et l'apprentissage annuel moyen par élève de 2 %. Mais pas que ! La BM poursuit que la fermeture des écoles touche de manière disproportionnée les élèves les plus vulnérables, en particulier ceux dépourvus du matériel numérique ou de la connexion internet nécessaires pour bénéficier d'un enseignement à distance. Le rapport est néanmoins revenu sur les mesures rapides prises par le ministère de l'Education pour réduire au minimum les pertes d'apprentissage pendant la crise, mais il a tout de même souligné que les disparités d'accès à l'enseignement à distance risquent de creuser davantage les inégalités face à l'éducation. Ce que recommande la BM Ainsi, et dans un contexte de « contraintes budgétaires« , la BM recommande au Maroc de préserver les dépenses d'éducation pour limiter la transmission de la pauvreté d'une génération à l'autre. Pour ce faire, le rapport estime que le pays pourrait continuer de mettre l'accent sur les objectifs de sa Vision 2015-2030 et tirer les leçons de la crise du coronavirus pour accélérer les réformes, en livrant un aperçu des stratégies possibles. La première stratégie préconise l'apprentissage en présentiel (si possible), soulignant qu'il est important de maintenir les écoles ouvertes, dans la mesure du possible et dans le respect de règles sanitaires strictes, afin de donner aux élèves les meilleures chances d'apprentissage et de combler les lacunes. Prévenir le décrochage scolaire est également une stratégie possible pour une réforme du système de l'éducation. Pour lutter contre ce fléau, il est indispensable selon la BM de mener des campagnes de sensibilisation et étudier la possibilité de mettre en place des incitations aussi bien financières que non financières (des transferts monétaires, par exemple) ainsi que des cours de rattrapage. Il y a également le développement professionnelle des enseignants qui fait partie des stratégies préconiser par la BM. « Le renforcement des capacités des enseignants est essentiel, à l'heure où ces derniers ne doivent pas seulement faire évoluer leurs pratiques pédagogiques pour sortir de la mémorisation mais aussi perfectionner leurs compétences numériques et s'adapter aux méthodes d'enseignement à distance » explique le rapport de la BM. La BM avance pareillement comme stratégies, de nouer des partenariats public-privé (PPP) plus solides afin d'améliorer l'accès à une éducation de qualité pour tous, et d'adopter de nouvelles approches pour accélérer les réformes avec des interventions bien ciblées, privilégiant les enfants à risque qui permettra au pays d'accélérer l'atteinte de plusieurs objectifs tels que la généralisation de l'enseignement pré-primaire d'ici 2028 pour les enfants de 4 et 5 ans, la réduction de la pauvreté des apprentissages et le renforcement de la redevabilité le long de la chaîne de prestation de services éducatifs, en s'inspirant de méthodes innovantes. In fine, le rapport préconise comme autre stratégie, de s'inscrire dans des alliances internationales stratégiques pour exploiter les possibilités de coopération en matière d'innovation et d'échange de bonnes pratiques. « Ces interventions sont essentielles pour protéger les futures générations d'élèves marocains de l'impact de la pandémie et au-delà. La crise grèvera certainement les ressources financières du pays, mais le Maroc doit impérativement maintenir la dynamique enclenchée, en continuant à investir dans le capital humain et à œuvrer en faveur d'un système éducatif résilient« , conclut le rapport.