Un grand nombre de citoyens et de citoyennes, la société civile ainsi que des scientifiques et académiciens en plus des professionnels dans les médias au Maroc et à l'international, sont mobilisés pour défendre le site d'intérêt écologique de Daya Dar Bouazza aux environs de Casablanca. Ils se disent « outrés » par la décision de justice rendue dans le dossier n°2592/1403/2020 par la Chambre civile du Tribunal d'appel de Casablanca, qui déboute l'Agence du Bassin Hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia (ABHBC) dans sa demande d'enregistrement à la conservation foncière du dit site hydraulique. Quand le mercantilisme l'emporte sur la raison écologique Cela a ouvert la voie à deux promoteurs immobiliers pour devenir propriétaires du dernier lagon ou point d'eau naturel de la ville de Casablanca, qui couvre une superficie de 18 hectares et qui plus est, est alimenté par deux sources d'eau douce. En effet, à Dar Bouazza, ces propriétaires privés (promoteurs immobiliers et autres intermédiaires) qui avaient soumis une demande de réquisition d'un terrain relevant du domaine public, ont eu gain de cause auprès de la Justice. La réquisition (5425/63) se basant sur un acte adoulaire réalisé en présence de douze témoins et deux adouls et en l'absence d'un certificat administratif légal nécessaire à l'obtention d'un certificat de propriété délivré par la conservation foncière. Ils ont obtenu l'appropriation et du fait à ce que les titres fonciers puissent être inscrits à leurs noms ou celui de leurs sociétés, pour une propriété qui pourtant relève des ressources hydrauliques appartenant au domaine public (ministère de l'Equipement, du Transport de la Logistique et de l'eau et l'Agence du Bassin Hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia (ministère de l'Agriculture et des pêches maritimes)). « Les répercussions négatives de cette décision se reflètent d'une part, dans la destruction et la disparition délibérée d'un des derniers rares lacs d'eau de la région de Casablanca-Settat, située dans une région aride (plus de 93% de sa superficie), et elle contredit également les tendances, décisions et efforts de l'Etat marocain, dans le domaine », nous dit un document de l'Alliance Marocaine pour le Climat et le développement durable (AMCDD) que Hespress Fr a pu consulter . Cette Alliance, fondée au Maroc, fin mai 2015 regroupe, soi-dit en passant, plus de 800 associations et réseaux d'associations marocaines actives dans le domaine des changements climatiques et de développement durable. La loi marocaine préconise la conservation des milieux humides et hydriques Selon la Législation marocaine, le Dahir 1.95.154, datant de 1995, stipule que l'eau est un bien public que personne n'a le droit de se l'approprier. Or, c'est le contraire que ces promoteurs immobiliers et intermédiaires ont réalisé en s'appropriant légalement ces étangs et sources d'eau, dans la région de Nouaceur. La Daya en question, est une zone humide de 18 hectares qui se situe à 15 kilomètres au sud-ouest de Casablanca, à l'entrée de Dar Bouazza, entre l'océan et la route côtière d'Azemmour et considéré comme le dernier lac d'eau et réserve naturelle de la région de Casablanca-Settat. Elle se trouve sur des terrains appartenant au ministère de l'Equipement du Transport de la Logistique et de l'eau et fait partie du Bassin hydraulique du Bouregreg et de la Chaouia que nos bénéficiaires ont revendiqué à titre de terrain agricole. A cet égard, le président Abderrahim Ksiri de l'Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre (AESVT-Maroc) joint par Hespress Fr a souligne :«En tant que scientifiques et experts de la chose écologique et en tant que partie prenante à l'AMCDD, nous estimons cette situation spécifique des zones humides au Maroc très préoccupante ». Puis d'exprimer toute son amertume: « On constate qu'il n'y a pas de coordination entre les institutions publiques pour ce qui est des recommandations étatiques. Entre les projets et programmes des différentes structures gouvernementales et la réalité du terrain, c'est tout un monde ». Abderrahim Ksiri nous explique ensuite l'importance des zones humides. «En ce qui concerne ces zones humides dans un pays situé dans une zone du continent sujette aux aléas du climat méditerranéen de plus en plus en souffrance (stress hydrique, sécheresse, changement de climat...), ces petites étendues d'eau, sont « des oasis », et en soi un soulagement ». L'eau cet élément essentiel et l'appel à la plus haute autorité Il ne faut pas se leurrer, l'élément essentiel du futur à tous les niveaux et particulièrement économiquement et socialement bien plus que tout autre chose, c'est l'eau, ajoute-t-il. Puis de déplorer « Malheureusement quand on voit que des pays plus au nord comme l'Espagne dans leur lutte pour la préservation environnementale, créent dans les endroits arides des espaces verts avec des lagons, des lacs afin de lutter contre les aléas climatiques, on se désole de voir chez nous dans des zones ou la rareté de l'eau est manifeste comme la région de Casablanca, le contraire. On délaisse ces zones à bâtir je ne sais quoi, pour détruire à des fins mercantiles les zones humides et avec tout leur écosystème pour en faire des zones d'habitation parkings ou autres. C'est inadmissible » ! Il s'interroge à cet égard: « S'il y a du vide et que les lois sont disproportionnées, il faut que le Parlement les change, et si les moyens d'intervention étatique sont jonchées de difficultés il faut que cela change également parce que les directives de la plus haute autorité du Royaume sont claires et elles préconisent de préserver coûte que coûte nos ressources naturelles parce que c'est notre capital. Aussi on ne comprend pas ce qui se passe dans certaines régions du Royaume ». Se projetant vers les étapes à venir et l'action à tenir pour parer au contrecoup de Dayat Dar Bouazza, Aderrahim Ksiri nous confie: « Nous allons toucher les institutions concernées et nous demandons à la plus haute autorité du pays qui est Sa Majesté le Roi, d'intervenir dans ce dossier. De tels agissements ternissent l'image du Royaume, nationalement et internationalement et vont à l'encontre des recommandations des plus hautes autorités du pays ». « La préservation des zones humides entrent dans ce cadre et fait des projections climatiques globales et internationales dont le Maroc se veut être un exemple en la matière. D'ailleurs il le revendique à travers ses actions et réalisations. Notre pays est une référence, surtout depuis qu'il a entamé une politique d'adaptation au changement climatique sans précédent dont nous espérons des impacts probants quant aux volets socio-économique et environnemental », plaide notre interlocuteur. L'autre son de cloche, la mobilisation pour préserver notre environnement Pour sa part, le coordinateur national de la commission zones humides de l'AMCDD Ahmed Taheri, a déclaré à Hespress Fr que « la Daya de Dar Bouazza, est non seulement un point d'eau mais également un point d'espoir dont les Casablancais en particulier et les Marocains en général sont extrêmement fiers et attachés. Il reflète l'expression d'une volonté indéniable du citoyen envers la préservation de l'environnement au niveau national et local ». Puis mettant l'accent sur l'importance de ce site qui se trouve appartenir à une zone sensible et à proximité d'un centre civilisationnel et régional d'envergue du Royaume, à savoir la région de Casablanca-Settat, «cette étendue d'eau est d'une importance capitale parce qu'elle bénéficie toujours de son environnement naturel ou écologique depuis des siècles malgré des agissements contraires à la raison civique. Les services et utilités écosystémiques rendus par cette zone humide sont incontestables de par la biodiversité de sa faune sauvage et de sa flore qu'elle nous offre généreusement mais également de par sa capacité hydraulique. La biodiversité est telle, que nous l'avons, ces dernières années, étudiée et recensée ». « Daya de Dar Bouazza est sûrement la région de Casablanca où la faune est la plus disparate. Avec sa disparition ce sont d'innombrables espèces qui lui sont propres et parfois uniques au monde que l'on exterminera. C'est une constatation scientifique », souligne Ahmed Taheri. Et de développer l'apport et le rôle de la Daya de Dar Bouazza: « Ses apports sont énormes écologiquement, c'est un trésor de grenier environnemental, surtout quand on sait que cette région souffre d'un manque incontestable d'eau et de stress hydrique dûs au changement climatique. En outre ses apports sont inestimables, ils permettent l'amélioration du cycle de l'eau, du réapprovisionnement en eau souterraine, de la saisie des produits et des matières toxiques et de leur élimination naturelle (biologiquement), de la lutte contre le changement climatique, du stockage du carbone, de la régulation du climat et des phénomènes naturels et de l'atténuation de leurs effets, de l'atténuation des catastrophes naturelles, telles que les inondations, les sécheresses etc. On ne peut imaginer Casablanca sans ce poumon ». « Aussi, au regard des nouveautés dans le dossier, il est du devoir de tout à chacun dans le monde de la défense environnementale et de tous partisans de la protection de la nature, de faire front contre ces agissements qui consistent à exploiter des biens naturels et du domaine public à des fins mercantiles de spoliation immobilière », conclut-il.