Philosophe et naturaliste français, amoureux du Maroc où il séjourne depuis plus de 30 ans, Michel Tarrier se dit, dans ces circonstances très particulières de Coronavirus, « admiratif de l'efficience du plan d'urgence sanitaire » déployé par le pays, avec « son approche pro-active pour contrer la pandémie du Covid-19 ». Craignant de devoir rentrer tôt ou tard en Europe, ce biologiste-chercheur, spécialiste de la faune et de la flore endémique de l'Atlas, envisage de demander l'asile sanitaire au Maroc. Et pourquoi donc ? « Lorsque les frontières rouvriront, je n'aurai vraiment aucune envie de rentrer en Europe où la plupart des pays enregistrent plus de 20.000 décès, dont l'Espagne où je réside et la France d'où je suis originaire !« , déclare Michel Tarrier, présentement confiné, du coté de l'Anti-Atlas à Tafraout, où la crise pandémique l'a surpris tandis qu'il prospectait la biodiversité du Jbel Lekst, à 2359 mètres d'altitude. « Alors que je me rendais à Tafraout depuis Demnate, c'est dès le 19 mars et juste avant le confinement que j'avais déjà pu acheter mes premiers masques et un litre de gel hydro-alcoolique à des prix subventionnés dans une pharmacie, laquelle n'avait pas attendu pour aménager un périmètre de distanciation », raconte l'homme de science, pour qui « mieux que tout autre pays, le Maroc a su appliquer le légitime principe de précaution ». Et de s'exclamer: « Quand je pense qu'en France les populations attendent encore la disponibilité des masques, après que le Président Macron en ait proclamé l'inutilité du port, tout simplement parce qu'il n'y en avait pas en stock ! ». Michel Tarrier rappelle qu'ici au Maroc, son pays adoptif, la chloroquine fut de suite adoptée, avec le protocole du Pr Raoult, et estime qu'en France, « on a préféré commencer par polémiquer inutilement pendant des semaines sous le prétexte surréaliste que la chloroquine pouvait être contre-indiquée à quelques patients cardiaques ». Aujourd'hui, après plus d'un mois de confinement, il dit avoir « comme l'impression que certains pays d'Europe se complaisent dans l'incurie », en supposant que « sans doute que ces pays ont les moyens de s'offrir une contamination exponentielle et un nombre record de morts ». « En France, en Espagne, les personnes âgées sont en première ligne de l'hécatombe parce qu'elles sont abandonnées de façon inhumaine dans des maisons de retraite et autres hospices, à tel point qu'on se demande s'il ne s'agit pas d'une purge de personnes devenues inutilement coûteuses ! Au Maroc, on ne se débarrasse pas irrespectueusement des Anciens, on les garde à la maison ! », témoigne-t-il. Passionné par la faune et la flore des montagnes marocaines, Michel Tarrier est en effet le découvreur d'innombrables espèces venues enrichir le biopatrimoine marocain. Il est aussi l'auteur de plusieurs livres et de centaines d'articles parus dans des revues savantes. Tant de chercheurs marocains, cadres des Eaux et Forêts, et autre engagés sincères dans la défense du patrimoine écologique des chaînes de l'Atlas ont appris de ses travaux de terrain, singuliers et pionniers pour leur plus grande part. Sur moults sujets connexes, il a été parmi les premiers à entrevoir la catastrophe écologique engendrée par le déboisement et la cupidité des hommes. « Depuis 1990, toutes les fins d'hiver, je commence mon périple annuel au Maroc par la région de Tafraout dont la prospection des paysages sauvages réserve toujours d'intéressantes surprises », relate Michel Tarrier, « et puis les gens y sont d'une extrême gentillesse, et il est plaisant de savoir que de nombreuses personnalités du monde intellectuel, politique, économique sont natifs de cette superbe région« . Le scientifique pense s'installer définitivement au Maroc, « quelque part dans une petite ville entourée d'une nature encore bien conservée« . Il hésite entre Tafraout, Azrou, Chefchaouen et quelques autres villes, et pense n'en avoir que l'embarras du choix. Si l'avenir est désormais incertain pour une part considérable des habitants de la planète, lui, déclare avoir surtout « peur de retrouver l'Espagne ou la France« .