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8 mars : Ne le dites plus avec des fleurs mais avec des actes !
Publié dans Hespress le 08 - 03 - 2020

Ce dimanche on célèbre la 43ème Journée internationale des droits des femmes ou Journée internationale des femmes (appellation ONU) et comme chaque année, marketing oblige c'est plus à coup d'épines de roses que de fleurs que l'on tentera de la faire gober à nos dames. Un petit bouquet et puis s'en vont, histoire d'attendrir des incrédulités bien féminines quant à l'égalité des genres. En cette année 2020 on célèbrera également les 25 ans de la Déclaration du programme d'action de Beijing.
La journée internationale des droits des femmes le 8 mars de chaque année est l'occasion de s'arrêter dans le temps pour faire un bilan de ce qui a été réalisé et ce qui reste à faire et de de raviver les ambitions des femmes à travers le Monde. Sous le thème « Je suis de la Génération Egalité : Levez-vous pour les droits des femmes ». L'année 2020 se veut être propice au lancement d'une action d'une envergure mondiale pour les filles et les femmes dans la perspective de l'égalité des genres, l'objectif étant de réaliser l'égalité des sexes et l'autonomisation de toutes les femmes et les filles, une priorité absolue à l'horizon 2030 pour l'ONU Femmes (UN Women).
Le bémol c'est que d'après le Forum Economique Mondial, au rythme actuel et sans vouloir noircir le tableau, « il faudrait 108 ans pour combler les inégalités entre les femmes et les hommes et 202 ans avant de parvenir à la parité dans le monde du travail ». Le chemin à parcourir parait donc bien long au regard de ces prédictibilités chiffrées et la lutte de nos dames n'en devient que plus rude et dans l'espace et dans le temps. Respect Mesdames !
Un malheur n'arrivant jamais seul en général, la soixante-quatrième session de la Commission sur le statut des femmes ou Commission on the Status of Women (CSW) a été annulée pour cause du « coronavirus. Prévue au siège des Nations unies à New York, du 9 au 20 mars 2020, elle avait pour objectif l'examen et l'évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d'action de la Conférence internationale de Pékin.
Dans ce contexte hespress.fr a contacté Madame Khadija Rebbah, l'experte internationale en égalité des genres, membre fondatrice de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) et coordinatrice nationale du Mouvement pour la démocratie afin de recueillir son avis à propos.
Elle n'en démord pas de rancœur quant à cette annulation ! « Cette année, la 43ème journée internationale des droits des femmes est exceptionnelle parce qu'elle coïncide avec les 25 ans de la Déclaration du programme d'action de Beijing, une plate-forme qui comme vous le savez comprend douze domaines qui sont liés et qui traitent de volets d'intervention tels que, culturel, social, économique, politique, civil et autres ».
Regrettant l'annulation de la manifestation Onusienne, Madame Rebbah poursuit : « C'est dommage parce que cette plate-forme est un espace où 25 ans durant, les femmes du Monde se sont données rendez-vous à des fins de partage, pour s'exprimer, plaidoyer, plaider, réfléchir mais aussi pour faire du lobbying avec la société civile à l'échelle mondiale. On aurait pu au lieu d'annuler cette manifestation, la reporter. C'est un an de travail de perdu et c'est le monde féministe qui s'en ressent ».
Puis se recroquevillant si l'on peut dire, sur le thème national, l'experte internationale en égalité des genres met en avant le travail réalisé par l'ADFM : « A notre niveau, celui de notre association, nous avons produit un rapport qui analyse les efforts fournis et qui fait également état de l'énorme chemin à accomplir avant que de prétendre à l'égalité. Nous voulions le présenter à New York mais cela ne sera pas le cas ». Toujours est-il que d'autres occasions se présenteront pour mettre en valeur le travail associatif de l'ADFM et Madame Rebbah d'ajouter.
« Au Maroc, il y a une prise de conscience, on l'a vu à travers les mouvements sociaux qui ont secoué le Royaume à Al-Hoceima, à Zagora (eau), aux frontières de l'est Jerrada et Ahfir où la femme marocaine a défendu et réclamé mordicus ses droits. Et puis on assiste aussi à l'émergence de nouvelles générations féministes très jeunes ce qui est réconfortant pour l'avenir. On peut le constater à travers divers domaines, économique, social, politique, culture (l'écriture, la peinture, l'art en général, etc.) ».
Madame Rebbah en revenant sur la journée du 8 mars proprement dit, décrie la teinte que l'on a bien voulu lui donner à travers le marketing « Journée de la femme ». « Un marketing qui imprègne fortement notre société, notre mode de consommation ainsi que nos mœurs dont plus particulièrement, ces fleurs ou chocolat que l'on offre un peu comme pour nous dévier de la lutte pour les droits des femmes, telle qu'à l'origine elle a été pensée ou conçue. Pour moi le 8 mars est une Journée de bilan, point barre et pas celle de la journée de la femme qui de par le singulier peut être interprété péjorativement ».
Effectivement il est important de savoir faire la différence entre « la Femme » et le fantasme qui correspond à des images stéréotypées et réductrices, et « les femmes » qui sont des personnes réelles aux identités plurielles et représentatives d'un groupe hétérogène à l'image de grandes dames que renferme d'exemple l'ADFM entre autres associations et ONG.
Pour madame Rebbah le côté glorieux de la lutte des femmes quant à leurs droits se situe dans la première décennie du 21ème siècle. « Pourquoi ? Parce qu'entre 2000 et 2011 il y a eu le changement des codes de la famille, du travail. On s'en souvient on s'est attaqué au harcèlement sexuel dans le cadre du travail et puis le changement majeur d'après moi est intervenu par rapport à la représentativité politique des femmes ». L'experte internationale en égalité des genres nous détaille ensuite.
« En 1997 il n'y avait que deux femmes au Parlement soit 0,54% et pareil dans les communes. En 2002 le Maroc a fait un pas de géant en sautant de 0,54% à 10,80%. Nous sommes passées de deux femmes à plus d'une trentaine de parlementaires, nous étions le premier pays du Mechrak /Maghreb ou MENA si vous voulez. Le Royaume était également le premier pays à avoir utilisé le système des quotas. Au niveau des communes nous sommes passées de moins de 1% à plus de 12,38% en 2009. Mais à cette époque il y avait la gauche et une volonté politique, El Youssoufi était alors Premier ministre puis est venu le parti de l'Istiqlal qui avaient des égards vis-à-vis de la société civile ».
Puis moins nostalgique, la coordonnatrice nationale du Mouvement pour la démocratie fait un constat moindre et peu flatteur pour la décennie qui s'en suivra. Après cela nous dit-elle « est arrivée la réforme constitutionnelle et l'on a eu une période de stagnation. On ne peut pas parler de progrès entre 2011 à 2020. Pourquoi ? Parce que si la Constitution a donné registres pour réformer les lois discriminatoires histoire de faire des pas vers l'avant on s'est retrouvées en 2020 avec des régressions car qui n'avance pas recule. On peut le constater à travers la loi 103-13, qui ne présente pas de mécanisme de protection d'où des inégalités femmes-hommes bien ancrées dans notre système au niveau des violences de tous genres (économique, physique, psychologique ou sexuelle etc.) à l'encontre des femmes, filles, mineures ».
Madame Khadija Rebbah nous quittera sur ce constat quelque peu amer : « Nous avons une décennie à rattraper au niveau de la législature malheureusement pour l'heure elle est aux mains des conservateurs ». Au sortir de cet entretien on peut dire que l'avenir de l'homme est entre de bonnes mains, celui de femmes conquérantes.


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