Les pharmaciens d'officine commencent à avoir le souffle court. La tutelle refuse encore et toujours de s'asseoir à la table avec eux pour régler les différentes problématiques que connait le secteur de la pharmacie dans le Royaume, et mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour juguler « l'anarchie » qui y sévit. Dans une lettre adressée au ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens à demandé « la mise en oeuvre des conclusions des travaux des trois commissions« , créées sous la direction de l'ex-ministre de la Santé Anass Doukkali, à savoir la commission juridique, la commission de traçabilité des médicaments et les sanctions disciplinaires et la commission chargée de la révision du décret sur les prix du médicament. Des conclusions qui sont sorties en septembre 2019 et qui n'ont toujours pas été mises en oeuvre, nous fait savoir Dr. Hamza Guedira, président du Conseil de l'Ordre des pharmaciens. « Il y a une congestion au sein de la profession, et un manque de visibilité. Et ça serait utile qu'il y ait une continuité du travail qu'on a d'ores et déjà commencé avec la direction du ministère de la santé », a déclaré Dr. Guedira à Hespress Fr. Et d'ajouter « qu'il y a urgence de passer à la mise en œuvre des conclusions des trois commissions parce qu'il y a de grandes perturbations au niveau de la disponibilité des médicaments, il y a un chaos dans le secteur et quelques infractions et le citoyen marocain risque d'être victime de tout cela ». Parmi les exemples avancés par Dr. Guedira quant aux perturbations que connait le secteur de la pharmacie au Royaume, il y a le problème des médicaments qui sont hors circuit, comme le cas des communes qui distribuent par exemple l'insuline alors qu'ils n'ont pas le droit, des vaccins qui échappent aux pharmaciens d'officine, des ruptures de stocks de médicaments comme le cas du « Levothyrox », nous a-t-il indiqué. Il y a également la falsification des données, poursuit notre interlocuteur, en ce sens que les laboratoires injectent dans le marché une quantité de médicaments qui doit normalement subvenir aux besoins des citoyens, sauf qu'on se retrouve face à une pénurie de certains médicaments. «Et cela pose beaucoup de problèmes et pour les pharmaciens et pour le citoyen, alors que ce dernier n'est pas responsable de tout ça», s'insurge le président de l'Ordre des pharmaciens. «On est devant un sérieux problème de gouvernance du secteur pharmaceutique. Aujourd'hui, gouverner un secteur pharmaceutique avec une direction au ministère de la santé c'est quelque chose de caduc. Il faut passer immédiatement à l'agence nationale du médicament, d'autant plus que le Maroc a ratifié la création de l'agence africaine de médicament. Et je peux vous dire que plusieurs pays africains font les mains et les pieds pour avoir cette agence, et le Maroc a sa position, il y a une stratégie royale, et de ce fait, le ministère de la santé doit bouger un peu», a-t-il martelé. Ainsi, Dr. Guedira souligne qu'il a énormément de points à voir avec le nouveau ministre de la Santé, qui a décliné, jusqu'à présent, deux demandes d'audience de la part du Conseil de l'Ordre des pharmaciens, mais qui a par ailleurs rencontré l'Ordre des médecins. « On a beaucoup d'informations qui pourront être utiles au ministre pour le développement et l'amélioration du secteur. Et puis le secteur du médicament connait beaucoup de difficultés en ce moment. Donc il est urgent que la tutelle se mette à la table avec les professionnels du secteur pour échanger positivement» indique Dr. Guedira soulignant qu'il est de son côté « dans l'esprit de la construction et de la dynamique positive, et il faut que cette vision soit commune». «Je représente le Conseil de l'ordre des pharmaciens qui est un prolongement de l'administration. Je considère qu'il a peut-être un agenda chargé, même si j'estime que quand il s'agit de travailler sur un sujet important, on peut se réunir même à minuit. Ca ne me dérange pas. Et moi, en tant que président de l'ordre des pharmaciens, j'ai beaucoup d'informations utiles à lui fournir. Et le secteur est dur et difficile et il n'y a que ses professionnels qui assimilent ses spécificités», a-t-il fait valoir. A cet effet, Dr. Guedira a déclaré à Hespress Fr qu'il laisse au ministre de la Santé « le bénéfice du doute sur le fait qu'il a un agenda serré» ce qui le pousse à ne pas recevoir les professionnels du secteur de la pharmacie au Royaume qui représente un secteur stratégique dans le système de santé. Toutefois, notre interlocuteur estime que «le ministre est là pour parler avec les partenaires. Parce que le concept de ministre d'il y a des décennies a changé. Un ministre doit être disponible pour les professionnels du secteur. Moi je fais du bénévolat, on gaspille notre énergie au quotidien pour le secteur, donc si le ministre n'estime pas notre travail, à quoi bon?».