La Commission spéciale sur le modèle de développement, installée le 13 décembre 2019, est investie d'une double mission : Faire un diagnostic « précis et objectif » de la situation actuelle, en vue d'observer les dysfonctionnements à corriger pour déterminer les points de force, de manière à renforcer les acquis, et tracer les contours du nouveau modèle de développement qui «devrait permettre au Maroc d'accéder aux rangs des pays avancés». Pour ce faire, la commission, présidée par Chakib Benmoussa et composée de membre essentiellement de techniciens et technocrates, a choisi de travailler de manière inclusive, à la faveur d'une implication la plus large, l'objectif étant d'élaborer des initiatives concrètes à même d'adapter le modèle de développement. Dans le cadre de cette approche participative, la CSMD a entamé le 2 janvier, des séances d'écoute avec les différentes forces vives de la Nation : Partis politiques, syndicats, secteur privé et associations...etc. Cette écoute « large et ouverte » vise à recueillir les contributions et les avis des parties sollicitées en vue de l'élaboration d'un modèle de développement, avait expliqué la Commission. Cette même logique d'ouverture et d'inclusion, est partagée par Abdelhafid Adminou, Chef du département juridique à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-Souissi. «Associer les partis politiques est une bonne chose car cela permettra de donner une dimension politique à l'action d'une commission à dominance plutôt technique », estime l'universitaire au micro de Hespress FR. Pour notre interlocuteur, les partis politiques, essentiellement, « peuvent constituer force de proposition non négligeable, avec un bagage et un cumul politique qui ne peut être que d'un bon apport dans le cadre de cette approche participative ». Au regard des axes soulevés par chacune des parties ayant rencontré les membres de la CSMD, « toutes les propositions relatives semblent intéressantes et peuvent s'inscrire dans une stratégie à long terme qui ne dépend pas du mandat d'un gouvernement », a ajouté Abdelhafid Adminou. « La lutte contre les disparités, la priorisation de l'éducation et l'emploi, l'émergence et la valorisation des élites politiques, l'équilibre des pouvoirs, la rupture avec une gouvernance basée sur le clientélisme et le favoritisme pour se fonder sur l'efficacité, le ciblage, la globalité et l'inclusion dans les politiques appliquées, ou encore la nécessité de placer l'individu au cœur du processus de développement, sont des idées qui ne peuvent que fédérer, et méritent d'être développées dans le cadre de la réflexion autour du nouveau modèle de développement », a-t-il estimé. L'universitaire souligne à cet égard, qu'il s'agit là d'«un exercice démocratique sain qui intervient après deux expériences participatives similaires concluantes, à savoir la commission sur la régionalisation avancée et la commission Mennouni pour la révision de constitution de 2011». Ces deux exercices précédents ont été très positifs et permis d'élaborer des recommandations aussi intéressantes qu'enrichissantes, estime notre interlocuteur, qui en veut pour preuve « les recommandations issues des premières assises de la régionalisation avancées, tenues récemment à Agadir, et qui s'apparentent parfaitement à celles qui avaient été élaborées auparavant par la commission qui était en charge de la question ». « L'action de cette commission est très transversale, et permettra de se projeter dans l'avenir, à travers des choix stratégiques pour le pays », poursuit Abdelhafid Adminou qui rappelle dans ce sens que cette question de projection est très importante car permet d'avoir de la visibilité et d'élaborer des projets porteurs à long terme. « Nous voyons aujourd'hui les Emirats Arabes Unis qui se projeter en 2071 et les USA en 2070. Il faut faire des projets à long terme qui ne soient des programmes électoraux ni gouvernementaux », conclut l'universitaire. L'autre son de cloche Si l'adhésion à cet exercice est très importante, elle n'est pas totale. En effet, le son de cloche n'est pas partout le même. Des formations politiques ont effectivement décliné l'invitation qui leur a été adressée par la CSMD pour prendre part à ces consultations. Il s'agit notamment du parti marocain libéral (PML) de Mohamed Ziane, qui a estimé que sa participation à ces séances d'écoute « serait une contribution à la mise en place d'un nouveau système global qui viderait les institutions constitutionnelles élues de tout leur sens ». De son côté, Annahj Addimocrati de Mustpha Brahma, a fait valoir que ce qu'il a appelé +le modèle de développement makhzanien+ « ne sera pas plus qu'une incarnation de la politique libérale sauvage, de la poigne policière et de la démocratie de façade », affirmant qu'il « ne peut y avoir de démocratie tant qu'il y aura la corruption, la répression, la rente et l'hégémonie ». Pour rappel, une semaine après avoir démarré ses séances d'écoute (2 janvier), la CSMD a déjà rencontré les représentants de près d'une vingtaine de partis politiques, de syndicats et d'associations professionnelles, qui ont tous eu l'occasion d'exposer leurs visions du nouveau modèle de développement.