Au lendemain de l'adoption du Projet de loi de finances (PLF) 2020 par la Chambre des conseillers, l'antenne marocaine de l'Oxford Committee for Famine Relief, plus communément appelée Oxfam, a donné son avis sur le texte de loi, l'estimant notamment en deçà des attentes. Un avis essentiellement axé sur la politique fiscale, quelques mois après la tenue des Assises sur la fiscalité, où l'ONG dénonce une « absence du principe d'équité ». Oxfam a relevé un certain nombre d'observations par rapport au projet de loi voté à la deuxième Chambre. Le parcours législatif du texte de loi entre en effet dans sa phase finale avant son approbation, sa publication dans le Bulletin officiel et son entrée en vigueur. L'ONG assure avoir participé à de nombreuses discussions au Parlement. Les attentes ayant suivi le grand débat national dans le cadre des Assises sur la fiscalité sont mises en évidence par l'organisation, considérant qu'« il ressort du PLF que la restructuration globale de la politique budgétaire sera reportée ». Ajoutés à l'investissement, les trois piliers du budget général de l'Etat que sont la politique fiscale, la gestion des dépenses et l'allocation des ressources, « restent fidèles au modèle de développement actuel », selon Oxfam. L'antenne marocaine note ainsi un « ralentissement des taux d'investissement public », passé de 18,7% à 16,3% du PIB en 2020, ce qui « ne peut pas réduire les disparités sociales, territoriales et de genre ». Elle définit le régime fiscal comme « moyen essentiel de réduire les différences, car il contribue à répartir les revenu primaires et peut également affecter l'avenir des individus en libérant des ressources suffisantes pour financer les infrastructures et les services ». Selon l'organisation, l'évolution des recettes fiscales souffre d'une « récession », pour preuve que le taux de croissance s'annonce faible par rapport à l'année précédente, et ce malgré les années de croissance économique. Elle en déduit que « les ressources financières ne sont toujours pas suffisantes pour réduire les inégalités ». Elle a souligné que les recettes fiscales au Maroc sont trois points de moins que la Tunisie et deux points par rapport à l'Afrique du Sud. C'est également environ huit points de moins que les recettes moyennes des Etats membres de l'OCDE. Ces derniers ayant un système fiscal plus efficace et plus moderne que celui adopté par le Maroc. Absence de justice sociale Concernant la répartition des revenus, Oxfam affirme que sur le plan régional, le Maroc a le « taux d'inégalité sociale le plus élevé », ajoutant sur le plan international que nous sommes « parmi les pays où il y a absence de justice sociale ». L'organisation a commenté la situation en alertant sur le fait que « la montée des inégalités sociales entrave la lutte contre la pauvreté et limite le développement. De toute évidence, le modèle actuel ne répond pas aux aspirations de la population, en particulier des jeunes et des femmes, car il centralise la richesse d'une minorité alors que des millions de personnes vivent dans une situation dysfonctionnelle et injuste ». Oxfam a par ailleurs indiqué que « le manque de coordination dans de nombreux programmes sociaux fait que de nombreuses ressources n'atteignent pas leur destination en raison de l'absence de bonne gouvernance, de corruption ou autres. Cela explique, d'après l'association, le classement du Maroc au 123ème rang de l'indice de développement humain (IDH pour 2018), et qui pourrait empirer dans les années à venir ». Et de souligner que le Maroc « doit réduire cet écart et obtenir les moyens nécessaires pour financer des politiques publiques plus justes, ambitieuses et durables en adoptant un régime fiscal plus progressif qui repose sur une assiette fiscale plus large », et en conclut que « la justice fiscale est un moyen efficace de maintenir la cohésion sociale« . L'organisation a mentionné un certain nombre de recommandations issues du débat fiscal organisé en mai dernier. Elle y met l'accent sur un bon nombre de projets de réformes pas incluses dans le PLF 2020, dont les plus importantes consistent à « consacrer le principe de l'Impôt progressif sur les sociétés », et à « revoir les taux d'imposition sur le revenu en réduisant les taux d'imposition sur certaines parties afin de réduire la pression fiscale sur les faibles salaires et sur la classe moyenne ».