L'Association nationale des cliniques privées (ANCP) a tenu, mercredi 13 novembre, une conférence de presse où elle a abordé plusieurs points qui touchent leur secteur, notamment la prise en charge (CNSS, CNOPS), l'investissement dans les cliniques privées, mais aussi la pénurie de médicaments et produits médicaux, indispensables pour le traitement d'un grand nombre de pathologies. Et c'est ce dernier volet qui a attiré l'attention de Hespress FR . Joint par notre rédaction, le Dr Hassan Afilal, vice-président de l'ANCP, en charge du volet de la pénurie des médicaments, nous a indiqué que « nous vivons un problème très grave qui met en danger les patients ». Comment ? Selon notre interlocuteur, il y a plusieurs produits qui manque au Maroc, à l'instar du « Levothyrox », qui, « dans le cas où il n'est pas donné pendant 15 jours à un enfant, ce dernier a une baisse de son quotient intellectuel de façon définitive et à vie », ou le « Syntocinon » pour les accouchements, qui est actuellement en rupture, et dont « l'indisponibilité peut conduire à un problème grave chez les femmes enceintes », ou encore « la vitamine K qui, si on ne la donne pas aux nouveau-nés à la naissance, cela peut entraîner une hémorragie cérébrale ». Il y a également pénurie pour ce qui est des produits de réanimation, poursuit notre interlocuteur, notamment la dopamine et les « anticonvulsivants », et « qui peuvent faire en sorte de ne pas contrôler toutes les convulsions chez les patients ». « Il y a des produits qui servent à maintenir la tension chez les patients qui sont dans un état grave en réanimation, telle que la dopamine, qui n'existe plus sur le marché. C'est-à-dire qu'il y a une pénurie générale de ces médicaments, ce qui est une perte de chance de survie pour certains patients », s'indigne le Dr Afilal. Même son de cloche du côté des médicaments pour le traitement de l'asthme. Selon le Dr Afilal, quand un patient a une crise d'asthme très sévère et qui nécessite une assistance respiratoire, les médecins ont recours à des produits comme la ventoline injectable, qui n'existe plus aujourd'hui sur le marché, comme c'est le cas des bêtabloquants injectables. « Et dans certaines pathologies, ça met en danger la vie des patients », souligne-t-il. La pénurie touche également les médicaments de psychiatrie, poursuit notre interlocuteur, indiquant que leur manque peut « mener, parfois, au suicide chez certains patients ». Interrogé sur la possibilité de remédier à cette pénurie, notamment en trouvant un substitut pour certains médicaments, notre interlocuteur nous a fait savoir « qu'il n'y a pas de moyens de remédier à ce manque. Il n'y a aucune possibilité de remplacer ces médicaments par d'autres. C'est une perte de chance de survie. Le patient est en danger ». Une situation que vivent très mal les médecins souligne le Dr Afilal. « Malheureusement, c'est nous qui sommes face à ce patient, et nous savons que ce patient mériterait qu'on lui donne plus de chance de survie et qu'il n'est pas de handicap », nous a-t-il déclaré, soulignant que les médecins du privé sont aujourd'hui « dans une impasse ». « Ce que nous faisons comme conférences, c'est pour justement défendre le citoyen. Le malade, le pauvre, il s'efface non seulement face à sa maladie, mais à la possibilité de ne pas être bien traité », soulève-t-il. Cela dit, cette pénurie de médicament et produits médicaux a été remontée, il y a un moment déjà, au ministère de la Santé par l'ANCP, avec la liste des médicaments inexistants ou en manque sur le marché. Mais aucune réponse n'a été donnée dans ce sens, nous indique notre interlocuteur. Les Marocains payent la TVA indirectement Le Dr Hassan Afilal a notamment abordé le point de la TVA, qui est payée par le patient à hauteur de 7 % par médicament, soulignant que « nous sommes le seul pays arabe à payer ce taux élevé en médicament », sachant que « le patient doit payer non seulement pour sa maladie, mais en plus, une taxe sur les médicaments ce qui est inadmissible ». « Nous avons parlé de cette taxe lors de la loi de cadrage, qui a été élaborée lors des assises de la fiscalité pour dire aux responsables que c'est une taxe impossible. Mais rien n'a été fait. Même chose pour le matériel acheté par les cliniques, que nous achetons en TTC. On nous a promis, que dans la loi de finances 2020, il y aura une neutralité de la TVA, mais toujours rien à ce niveau actuellement. Depuis la sortie de la dernière mouture du PLF 2020, on n'en parle plus. Et au final, c'est le patient qui paye la TVA indirectement », a-t-il indiqué. Pour être « honnête », le vice-président de l'ANCP a tenu a tiré au clair un point très important à savoir que le nouveau ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, n'a aucune responsabilité dans cet état de pénurie. « Le ministre a récupéré un énorme héritage des anciens ministres auxquels il a succédé. C'est un héritage qui plomb et qui demande beaucoup de temps pour le corriger. Mais je pense qu'il doit être conscient de la chose, puisque c'est un médecin et ça peut lui donner plus d'attitudes », a-t-il indiqué, soulignant que « les médecins du privé sont pour une collaboration ». « Nous sommes dans une perspective bien vaillante. Nous sommes marocains et patriotes. Les Marocains c'est nos enfants, nos parents, nos cousines, nos tantes, et nous sommes touchés par ce qui se passe, contrairement à la fausse image véhiculée sur les médecins. Et pour tout vous dire, moi, quand je suis en consultation, les gens sont respectueux. On traite avec eux avec respect, on les aide en cas de besoin, ils savent ce que nous endurons, que nous passons nos nuits en réanimation avec eux, et nous avons une reconnaissance. Et la meilleure preuve est que 30 % des enfants dans les écoles veulent devenir médecins. De plus, la plupart des patients, quand ils ont des enfants, veulent que ceux-ci deviennent médecins. Et là, il y a ambiguïté où le médecin est perdant », conclut-il dans sa déclaration à Hespress FR.