A l'occasion des Nocturnes du Patrimoine organisées les 15 et 16 avril, l'association Casamémoire nous a permis de (re)découvrir les multiples trésors urbains du quartier centre-ville, parmi lesquels les différents bâtiments administratifs de la place Mohammed V et les immeubles Art Déco des boulevards mitoyens. Suivez le guide... Après deux ans d'absence dues à la pandémie, les Nocturnes du Patrimoine renouent cette année avec leur public qui fut au rendez-vous par centaines ces 15 et 16 avril. Organisé par l'association de protection du patrimoine architectural casablancais Casamémoire, l'événement a permis de (re)découvrir « by night » des quartiers emblématiques de la ville blanche: les Habous, la médina, le Centre ville et le Parc de la Ligue arabe, récemment rénové et ajouté pour la première fois à la liste. Ce vendredi 15 avril à 21h, nous nous sommes greffés au groupe de Yacine Benzriouil, guide bénévole à Casamémoire, pour visiter le quartier du Centre ville, anciennement occupé par les Européens au temps du protectorat. Au début du XXe siècle, Casablanca attire de nombreux architectes du Vieux continent, venus s'exercer sur cette terre étrangère et la hissant au rang de véritable laboratoire de la modernité. La particularité de ce quartier réside dans « sa diversité de styles architecturaux pour la même époque », explique Yacine, au commencement du circuit. Ce dernier prend départ sur la place Mohammed V, anciennement place de la Victoire. Connue aujourd'hui pour sa fontaine et les pigeons qui gravitent tout autour, elle regroupe surtout un ensemble de bâtiments administratifs remarquables pour leur style néo-marocain, recommandé par Lyautey pour allier tradition et modernité. Lire aussi : Le Casablanca Hotel: une oasis Art déco au cœur de la Ville blanche Ils reprennent ainsi les éléments décoratifs de l'architecture traditionnelle: arcades, frises et panneaux recouvert de zelliges, tuiles vertes, plafond en bois, pierre sculptée, tout en arborant une conception simple et rationnelle dans les volumes. L'idée était de maintenir discrète la présence militaire concentrée à cet endroit. Pensée dans le plan d'urbanisme de Henri Prost, la « place administrative » voit le jour en 1915. Dans l'ordre des constructions, on note d'abord le consulat de France (1916, Albert Laprade); au nord-ouest de la place, la Poste (1916, Adrien Laforgue); à l'est, le palais de justice (1918, Joseph Marrast); plus bas, l'Hôtel de ville (actuellement wilaya) avec sa tour-horloge de 50 mètres de hauteur (1918, Marius Boyer). Enfin, la banque du Maroc (Bank Al-Maghrib) est achevée en 1930 (Auguste Cadet et Edmond Brion). La visite se poursuit le long des boulevards Driss Lahrizi et Mohammed V, temple à ciel ouvert de l'architecture Art Déco, un style caractérisé par des formes et décors géométriques, stylisés, débarrassés des ordonnances classiques et des ornementations réalistes. L'Art Déco se mêle à d'autres types tels que cubiste, fonctionnaliste, paquebot, parfois aussi néo-classique et néo-mauresque, ce qui rend ce quartier si spécial d'un point de vue architectural. Lire aussi : Vidéo. Casablanca: l'origine insoupçonnée du quartier des Habous On passe d'abord par le célèbre cinéma Rialto (1929) qui présente un style Art Déco et fonctionnel. En rupture avec le style Art nouveau (absence de décorations florales), on note quelques touches marocaines et l'aspect monumental du bâtiment qui comptait 1300 places dont 400 au balcon d'une longueur de 22 mètres sans aucune poutre pour le supporter. « Une prouesse très complexe et novatrice à cette époque », souligne le guide. Cinéma Rialto (1929) Puis la balade se poursuit les yeux rivés vers d'autres pépites d'architecture: le bâtiment de la Société générale (1913, plus ancien bâtiment du Centre ville) avec son architecture néo-mauresque (tuiles vertes, stuc…); celui de sa consoeur du Crédit du Maroc, plus moderne et fonctionnaliste; l'immeuble du Grand Bon Marché (1929), qui concentre très bien à lui seul les éléments du style Art Déco: aspect monumental, travées, balcons avec du fer forgé, formes géométriques…et qui compte également des spécificités néo-mauresques ou néo-marocaines comme l'ornementation des frontons et les coupoles en zellige. Autres édifices notables de la visite: l'immeuble Glaoui, l'un des sièges de Attijariwafa Bank, les passages du Grand Socco et Sumica, la coupole « Kora Ardia » et son passage souterrain réouvert l'an dernier, l'hôtel Excelsior (premier hôtel construit en dehors de la médina) et pour finir la Tour de l'horloge de Bab Marrakech (copie du début des années 1990 alors que l'originale datait de 1908). « Le but est de faire ressortir la diversité et la richesse architecturale du centre ville », conclut Yacine qui informe que les Journées du Patrimoine auront lieu également mi mai. Une bonne nouvelle pour ceux qui ont raté l'événement.