Le blocus commercial imposé à Sebta et Melilla a mis au grand jour la dépendance des deux enclaves à l'égard du Maroc. Eau, électricité, fruits, légumes et même le pain... jusqu'où va cette dépendance ? Le poste-frontière entre le Maroc et Melilla est fermé depuis août 2018 et celui de Sebta depuis octobre 2019. Cette fermeture prise unilatéralement par le Maroc est inédite par sa durée. Chaque semaine écoulée depuis a fait perdre des milliers d'euros aux deux enclaves dont l'activité principale est le commerce transfrontalier. Pour rappel, 80% des produits transitant par les deux enclaves sont destinés au marché marocain, ce qui représente un volume d'affaires annuel compris entre 15 milliards et 20 milliards de dirhams, indiquait le directeur général de l'Administration des douanes et impôts indirects (ADII), Nabyl Lakhdar. Les deux enclaves ne sont qu'un point de transit et figurent parmi les villes espagnoles les moins industrialisées, où le taux de chômage bat des records. Avec à peine 84.829 habitants à Sebta et 84.689 pour Melilla, ces villes ont toujours été tournées vers le Maroc.
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Les modestes chiffres réalisés par le tourisme sont presque exclusivement réalisés grâce aux Marocains. Face au blocage, Melilla comptait même ouvrir une liaison maritime avec l'Algérie, pour sauver son tourisme et son économie, mais cette liaison semble avoir déjà sombré dans l'abîme… Une dépendance à tous les niveaux Cette dépendance est palpable au quotidien pour les résidents de la ville. Fruits et légumes importés du Maroc s'arrachent dans les deux enclaves comme. Et bien que situées en front de mer, les deux villes ne consomment pratiquement que du poisson pêché sur les côtes marocaines. En février dernier, Sebta a été privée de poisson marocain durant quelques jours. Le désarroi des poissonniers et consommateurs n'a pas tardé à se manifester. Relativement plus cher en Espagne, le carburant est lui aussi très prisé par les habitants de l'enclave, qui sont nombreux à traverser la frontière pour faire le plein. Mieux encore, même le pain est importé très discrètement depuis le Maroc à des prix imbattables, 20 centimes d'euros au lieu d'un ou deux euros dans une boulangerie espagnole. Et ce n'est pas tout, les des villes enclavées ne peuvent subvenir à leurs besoins en électricité et eau potable. En 2019, la ville de Sebta étudiait à peine la possibilité de se passer des eaux en provenance des communes voisines marocaines dont elle s'alimente depuis 1911. Même cas de figure à Melilla, où 5% de l'eau consommée par la ville provient directement du Maroc, confie le président de la ville.
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Outre l'aspect économique, de nombreuses familles vivent séparées des deux côtés de la frontière. Plusieurs manifestations ont été organisées dans les deux villes depuis le blocage, appelant à l'ouverture des frontières et demandant une intervention du roi Mohammed VI sur ce dossier. Mais le Maroc qui ne reconnaît pas la souveraineté espagnole sur les deux villes ne l'entend pas de cette oreille. Le président du gouvernement, Saad Eddine El Othmani affirmait à la télévision que le Maroc reprendra un jour le contrôle sur les deux villes. Des propos soutenus par l'ambassadrice au Maroc à Madrid, Karima Benyaich convoquée par le ministère espagnol des Affaires étrangères et qui avait alors affirmé que «la position du Maroc n'avait pas changé par rapport à Sebta et Melilla les considérant comme des villes occupées».