C'est toujours le même scénario à l'approche de Ramadan: les prix des différents produits alimentaires s'envolent, avec à leur tête, le poisson. Dans plusieurs marchés de gros, les consommateurs dénoncent une inflation pouvant parfois atteindre le double pour certaines espèces. Et malgré les nombreux communiqués des autorités pour rassurer sur l'abondance de l'offre, le circuit des intermédiaires et autres spéculateurs installés fausse le calcul. Eclairages. La flambée des prix du poisson est devenue une triste habitude lors du mois de Ramadan. Et qu'importe les différentes communications des responsables pour rassurer, un simple tour au marché de gros de poisson de Lahraouiyine suffit pour donner le ton. Ainsi, la sardine est proposée à la vente à plus de 20 dirhams le kilo, la sole à plus de 60 dirhams le kilo et la crevette dépasse les 150 dirhams le kilo. On est bien loin des prix annoncés par la Chambre des pêches maritimes de l'Atlantique Nord qui a assuré que le prix rendu marché de la sardine allait osciller entre 5 et 7 dirhams le kilo à Casablanca, et celui de la sole de dépasserait les 40 dirhams le kilo. Pourquoi alors une telle différence dans les prix ? « Ce n'est un secret pour personne aujourd'hui: ce sont les intermédiaires et les spéculateurs qui font la pluie et le beau temps dans les marchés de poisson », nous affirme un mareyeur connecté aux marchés de Casablanca. Cet état des lieux est même reconnu par Amina Figuigui, directrice générale de l'Office national des pêches (ONP) qui avait avoué lors d'un entretien que les mécanismes de l'offre et la demande n'expliquaient pas à eux seuls la flambée du prix du poisson durant le ramadan. Cette hausse étant surtout le fruit de la spéculation et de la multiplicité des intermédiaires.
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Prenons le cas de la crevette. À leur entrée au port de Casablanca, les bateaux qui en ont pêché apportent leur cargaison pour la proposer aux enchères. C'est ce qu'on appelle la première vente qui se fait lors de la criée au niveau de la halle du port. Selon le règlement, seuls les acheteurs déclarés auprès du ministère de tutelle ont le droit d'y accéder. Il s'agit notamment de représentants des restaurateurs, hôtels et autres traiteurs, de fournisseurs des marchés de gros et détaillants et des fournisseurs d'usine. Le prix de vente du poisson à ce niveau doit donc s'autoréguler selon l'offre et la demande. Sauf que ce n'est pas forcément le cas. « Les premières irrégularités de prix commencent dès la première vente », nous assure notre mareyeur. Selon lui, les personnes présentes lors de la criée sont déjà en contact avec les intermédiaires et les spéculateurs. Ces derniers leur fournissent par téléphone toutes les informations sur l'état du marché, les arrivées des autres ports du royaume, notamment Laayoune et Agadir. « S'il n'y a eu aucune vente de crevettes dans ces ports et que la seule crevette disponible est celle proposée à la halle de Casablanca, les intermédiaires, financièrement très puissants, optent pour une approche d'achat très hostile en faisant monter les prix afin de s'arroger l'ensemble de l'offre », nous explique notre source. Une stratégie favorisée par le fait que la dernière criée est celle du port de Casablanca.
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Toute l'offre crevette au Maroc pour ce jour-là se retrouve ainsi aux mains de quelques personnes qui imposent alors leurs prix. « Ce qui peut donner des prix avoisinant les 1.500 dirhams par caisse de 16 kilos avant même l'arrivée du produit au marché de gros ». Là encore, d'autres circuits d'intermédiaires, parfois connectés aux premiers, entrent en jeu pour se répartir la crevette disponible et la revendre aux détaillants. Mais ces derniers n'ont pas les reins assez solides pour se permettre d'acheter de grosses quantités et éviter l'intermédiation. « Globalement, poursuit notre source, ces intermédiaires et spéculateurs jouent sur deux leviers pour garantir des marges indécentes: soit les périodes de forte demande, car ils savent que le consommateur achètera, quel que soit le prix, soit lorsqu'il y a une pénurie de produit, car ils savent qu'il n'y a pas assez de poisson pour tout le monde et que l'offre finira par trouver acquéreur. » Or, durant le mois de Ramadan, il y a une combinaison de ces deux facteurs qui font que les prix atteignent des plafonds et les consommateurs n'ont pas vraiment le choix…