La polémique qui a suivi la (dé)-programmation du match Raja-DHJ ou son report, dont la date ne respecte pas l'esprit et la lettre de l'article 21 du Règlement des compétions de la FRMF selon les uns et reste conforme aux règlements selon les autres, a laissé libre cours aux interprétations. H24info a fait appel à un spécialiste des politiques publiques et des lois du sport qui n'est autre que Moncef El Yazghi. Dans cet entretien, l'auteur des livres «Les politiques sportives du Maroc 1912-2012» et «La makhzénisation du sport», met le doigt là où le bât blesse. H24info : En décidant de maintenir la rencontre Raja-DHJ le mardi 07 janvier, la LNFP s'est retrouvé au centre d'une polémique liée à son président qui est également président du Wydad, grand rival du Raja. Qu'en pensez-vous? Moncef El Yazghi: -D'abord, quand on parle de la Ligue nationale de football professionnel (LNFP), il faut rappeler qu'il s'agit d'une association créée par la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et régie par les statuts de la FRMF. Elle émane également d'élection. Le Président et les membres non désignés du Comité directeur sont élus par l'Assemblée générale au scrutin de liste. Donc, on ne peut pas résumer la ligue en la personne de Saïd Naciri et dire à chaque fois que la LNFP prend une décision c'est Naciri qui l'a prise. Sans personnifier l'instance, c'est bien la LNFP qui a pris une décision. Deuxièmement, la LNFP assure la gestion des activités du football professionnel en conformité avec les règlements de la FRMF et elle a compétence pour prendre toute décision concernant l'organisation et elle a pouvoir pour organiser et gérer la Botola Pro D1 (1re division) et D2 (2e division). Quand on parle de Naciri en personne, on annule toutes les instances dirigeantes et tous les règlements qui régissent le football national pour dire que «Naciri prend une décision à l'encontre du Raja». Le troisième point qu'il faut soulever est que cette problématique ne concerne pas que les supporters du Raja. Naciri ne fait pas l'unanimité même chez les supporters du WAC qui considèrent qu'il porte atteinte à leurs intérêts quand il est à la recherche de consensus avec les autres clubs. -Les supporters du Raja accusent le président de la LNFP de trafic d'influence qui menace les intérêts de leur équipe… -A mon sens, à l'origine de la création de la LNFP, l'idée était de désigner un technocrate à la tête de la ligue, qu'il soit un membre qui n'a aucune relation avec les clubs comme c'est le cas pour Hicham Amrani au niveau de la CAF ou d'autres gens qui ont de l'expertise en termes de gestion, des règlements et des lois et qui connaissent bien le football et qui n'ont pas pour autant une appartenance. Cela aiderait à ce que tout se passe dans la transparence et sans accusations. Il faut arrêter de dire que «Naciri a fait quoi que ce soit», car c'est la LNFP qui a pris la décision sur la base d'un règlement, avec une certaine interprétation. Il est temps de penser à mettre un technocrate à la tête de la LNPF. Ce que nous devons prendre en considération c'est que lorsqu'on garantit une bonne gouvernance à ses institutions on leur garantit un certain prestige et un certain respect par tous. Sans cela, on ne peut pas prétendre qu'une décision future de cette instance ne sera sujette à contestation. L'actuelle affaire pourrait être résumée en une phrase: parfois on ne pas faire montre de trop de rigueur en termes d'application de la loi et rester flexible. Le juge n'est pas tenu à chaque fois d'appliquer à la lettre la loi. Même quand il s'agit de crimes, il y a des circonstances atténuantes. -Est-ce que la décision de la ligue n'a pas pris en compte ces circonstances atténuantes concernant le Raja et légalement parlant, est-ce que la décision est juste? -Je n'ai pas dit ça. La Fédération a un règlement qui garantit son prestige et son statut, mais parfois il faut faire preuve d'une certaine flexibilité en tenant compte de certains éléments. Concernant la décision, il y a plusieurs lectures. Chaque partie interprète le règlement à sa guise. Chacun y va de la manière qui l'arrange. J'insiste à dire qu'on devrait tenir le bâton par le milieu. Pourquoi ? Parce qu'il y a une loi et il s'agit d'une affaire interne marocaine. Il ne s'agit quand même pas d'une décision de la CAF ou de l'Union arabe, qui vont nous imposer leurs conditions. Autrement dit, on devrait adapter le règlement en fonction de notre intérêt. Il ne s'agit pas de l'intérêt des Rajaouis, mais de l'intérêt du Maroc, du football marocain. Nous sommes face à une équipe qui a deux matchs en Algérie et en lui imposes de retourner jouer au Maroc avant de revenir en disputer un autre en Algérie. Ce match-là représente quoi par rapport aux relations Maroc-Algérie par rapport à la dimension politique et géostratégique si l'on veut dire ? Rien du tout. Cette rencontre ne devrait même pas créer toute cette polémique. Il fallait faire preuve de flexibilité. Ceux qui disent que le WAC est entré en compétition avec le Raja doivent savoir que le WAC n'a pas fait de déclaration dans ce cadre, aucun dirigeant n'est sorti faire une déclaration. Le problème est que c'est l'opinion publique sportive qui a créé cette polémique. Il y a un règlement qui garantit l'attrait et le respect par toutes les institutions sportives, mais il fallait faire montre de flexibilité et prendre en compte certaines conditions.