La 14 ème édition du festival Gnaoua a été une belle réussite, avec un grand retour à la source avec une belle programmation des Gnaoua dans sa version originale sans trop de fusion. Le festival qui prône la diversité culturelle a croisé les publics, les âges et a sollicité rythme des rituels africains, influence des musiques méditerranéennes, afro-américaines et européennes... a pour une fois encore été au bon rendez vous de ses fans et du grand public souiri et autre. Cette année, l'événement s'est concentré sur six scènes. Un choix délibéré qui a pour but de recentrer l'univers du festival, son univers musical en particulier. Un retour aux sources voulu et assumé. Cette 14ème édition a le mérite d'avoir retenu des oeuvres singulières qui reflètent l'essence première du festival, être un véritable laboratoire d'expérimentations musicales. Rares sont les lieux qui permettent de telles connections artistiques. Essaouira détient cette place privilégiée et la défend tous les ans à travers sa programmation. La presse l'a compris et ce sont quelques 200 journalistes nationaux et étrangers, représentant 110 médias, qui ont fait le déplacement pour couvrir l'événement, ils sont venus du Maroc, de France, d'Angleterre, d'Espagne, de Turquie, d'Arabie Saoudite, d'Algérie, d'Allemagne, de Norvège, d'Irlande, de Belgique, d'Italie et d'Espagne… On l'avait promis et la promesse a été tenue encore une fois ! Le festival Gnaoua et Musiques du Monde n'est pas un festival comme les autres. La preuve a été apportée lors de cette nouvelle édition par la magie sans cesse renouvelée de ces rencontres humaines et musicales. Du 23 au 26 juin, le public était au rendez-vous, les artistes aussi ainsi que les nombreuses surprises qui ont jaillies de leurs instruments, tels des tours de magiciens. Dès jeudi à 17h, l'émotion était là, palpable lors de la procession d'ouverture où tous les maâlems et les troupes présentes ont traversé la médina, habillés de mille couleurs, après la bénédiction rituelle. Lors du concert d'ouverture, ce 23 juin, le ton a été donné avec les Baba Sissoko et Mali Tamani Révolution place Moulay Hassan. La formation malienne est rentrée en résonance avec celle du Maâlem Kbiber, amorçant une nouvelle forme musicale, fruit d'une des résidences du festival.Le concert de Trilok Gurtu était un autre temps fort de cette soirée d'ouverture. L'immense énergie dégagée par le jazz hybride du musicien indien était contagieuse. Des rythmes puissants qui n'ont cessé de se renouveler, offrant un moment musical unique. Héritier d'un large spectre d'influences musicales, Trilok Gurtu a fusionné naturellement ses compositions avec celles du Maâlem Mohamed Kouyou à la fin du concert, et ce à la surprise de tous. Saxophone, piano, basse, ... La formation de Jacques Schwartz-Bart et Jazz-Racines Haïti a offert un de ces instants de pure création proposées par le festival : une musique organique, profonde où se sont mêlés les rythmes guadeloupéens et haïtiens pour accueillir les danses vaudous endiablées d'Erol Josué. Le concert conduit par Jacques Schwartz-Bart était aussi celui du partage dont s'est nourri la résidence artistique qui l'a unie à la formation du talentueux Maâlem Hassan Boussou, vendredi 24. La deuxième soirée du festival a évolué sous le signe de la fascination. Fascination par le son, par l'instrument et par la danse aussi. Comme celle, étonnante, qui a rassemblé les breakdanseurs de La Halla Kingzoo aux danseurs du Maâlem Omar Hayat, sur la scène Méditel de la plage. Les vibrations musicales de la soirée du samedi ont été menées par l'enchanteur malien Salif Keita, maître incontesté de la plus pure musique africaine. Autre cadeau du festival, Salif Keita a fini son concert en invitant sur scène les Gnaoua, pour un morceau repris en choeur par tout le public. Between Worlds ont exploré, quant à eux, une musique extraordinairement riche, qui prend racine en Asie Mineure et dont le rayonnement traverse les continents. Les programmateurs ne se sont pas trompés en invitant le duo irano- afghan à partager la scène avec le maâlem à la voix d'or, Hamid El Kasri. Il a encore une fois enchanté les festivaliers, en donnant vie à une fusion envoûtante au Bastion Bab Marrakech. S'inscrivant dans cette même veine de musiques recherchées, la terrasse du Bastion de Bab Marrakech, constitue un plateau à part, où se sont succédées des oeuvres singulières. C'est d'ailleurs dans ce nouveau lieu que le jeune talentueux Tigran Hamasyan a offert un doux poème musical. Le prodige du jazz a confirmé son sens aigu pour la précision. Une expérience qui s'est renouvelée place Moulay Hassan : un véritable moment de grâce lorsque les touches du piano de Tigran ont répondu au guembri et aux crotales du Maâlem Mustapha Baqbou. Un des autres temps forts de cette édition a été les performances artistique et scénique, à chaque fois impressionnantes, du charismatique Maâlem Mahmoud Guinea, qui a conquis une foule de plus de 50 000 spectateurs, et ce pendant plus de trois heures. Clou du spectacle et de quatre jours de communion, le concert de clôture a fait vivre un moment fort de symboles avec quatre grands maâlems partageant la scène de la place Moulay Hassan : Mahmoud Guinea, Abdelkebir Merchane, Mohamed Kouyou et Hassan Boussou. Les Maâlems All Star ont reçu les Issaoua de Fès lors du morceau final : la paix a envahi les coeurs et les dernières notes de musique de cette 14ème édition ont été empreintes de cette spiritualité toujours présente à Essaouira. Le festival s'achève et laisse derrière lui toutes ces images transcendantes, dont une en particulier : le festival Gnaoua et Musiques du Monde a cette formidable capacité à réunir toutes les sensibilités du Maroc et les échos du monde qui ont encore une fois investi la cité des Alizées. Rendez-vous l'année prochaine du 21 au 24 juin 2012 pour de nouveaux instants de partage et de découvertes musicales. Signalons enfin que le festival s'est déroulé dans une belle ambiance festive sans grand événement majeur perturbateur à signaler. Les éléments de la sûreté, de la sécurité, de la protection civile, les Forces Auxiliaires, la gendarmerie et les autorités locales ont fait un grand effort de mobilisation qui a permis de bien maîtriser la situation. A cause des examens du Bac et de la tenue du festival Timitar d'Agadir, les festivaliers ont été moins nombreux, ce qui a laissé une ambiance d'un festival à la mesure de la petite ville d'Essaouira, connaissant un franc succès. Bravo enfin à A 3 com et sa junte féminine qui a brillé comme à l'accoutumée, à la bonne organisation et à la 15 ème édition, in challah.