A l'instar des rapports annuels précédents de la Cour des comptes (2016 et 2017), celui au titre de 2018, rendu public le 11 septembre 2019, comprend une synthèse sur l'exécution du budget de l'Etat pour l'année 2017, ainsi que des données préliminaires autour de l'exécution de celui de 2018. Ce dernier fera l'objet d'un rapport exhaustif qui sera publié dans les semaines qui viennent, annonce la Cour. Constats soulevés par l'exécution du budget de l'année 2017 D'emblée, la Cour pointe une amélioration du déficit accompagnée d'une progression continue de la dette. L'exécution du budget de l'Etat au titre de l'année 2017 s'est soldée par un déficit de 37.843 MDH. Par rapport à 2016, le déficit budgétaire a poursuivi sa trajectoire d'amélioration, entamée depuis 2012, avec une baisse de 6.053 MDH, soit 13,87%. Cette amélioration est due, selon le rapport, à une évolution favorable de 56,1% du solde ordinaire qui s'est établi à 24.125 MDH, contre 15.545 MDH à fin 2016. Ceci s'explique par une augmentation des recettes ordinaires (+11.464 MDH) plus importante que celle des dépenses globales (+6.021 MDH). La dette du Trésor a, quant à elle, poursuivi sa trajectoire haussière avec un volume additionnel de 34.860 MDH, soit un accroissement de 5,3% par rapport à 2016. Cette progression continue du volume de la dette du Trésor a été atténuée, en 2017, par une augmentation significative du PIB de 4,9% par rapport à 2016. Ainsi, le ratio de la dette du trésor par rapport au PIB a connu une légère hausse, passant de 64,9% en 2016 à 65,1% en 2017. Néanmoins, la charge de la dette a continué de régresser depuis le pic enregistré en 2013. Ainsi, en 2017, elle s'est établie à 127.871 MDH en diminution de 1.105 MDH par rapport à 2016 ayant enregistré une charge de 128.976 MDH. Ce niveau d'endettement du Trésor n'intègre pas les créances de l'Etat envers les établissements et entreprises publiques (EEP) et les autres entreprises du secteur privé en matière de la TVA et de l'IS, prévient la Cour. En effet, malgré les efforts entrepris par le gouvernement, ces dernières années, pour apurer ces créances, les dettes de l'Etat vis-à-vis des EEP et du secteur privé s'élèvent à 51.800 MDH, dont 32.200 MDH au titre du crédit de TVA des établissements et entreprises privées, poursuit le rapport, qui conclut que "la situation de la dette montre globalement une continuité dans l'accroissement de l'endettement du Trésor et celui des EEP". Progression des rentrées de l'IS et de la TVA En termes de recettes ordinaires, le rapport relève leur progression avec une forte concentration sur certains types d'impôts. En 2017, les recettes ordinaires du budget général se sont élevées à 229.886 MDH, en progression de 5,2% par rapport à 2016. Cette progression s'explique principalement par l'évolution des recettes fiscales nettes qui sont passées de 188.958 MDH à 200.535 MDH, alors que les recettes non fiscales réalisées sont restées quasi-stables en s'établissant à 25.809 MDH contre 25.896 MDH. En effet, l'augmentation des recettes fiscales est due principalement à la progression des recettes collectées au titre de l'impôt sur les sociétés. Ces dernières ont rapporté un surplus de 7.009 MDH par rapport à 2016, et ce grâce aux résultats des entreprises du secteur financier, des sociétés pétrolières, de l'agence nationale de la conservation foncière, des cimenteries, des sucreries et des sociétés de télécommunications, détaille la Cour. Les recettes de la TVA se sont également améliorées, de 4.037 MMDH pour leur part, en raison de l'augmentation de la consommation des ménages. Néanmoins, les recettes fiscales provenant de certains impôts présentent un risque de pérennité en raison de leur concentration sur un nombre restreint de contribuables, est-il expliqué. C'est le cas, notamment, de l'impôt sur les sociétés qui présente un des taux de concentration les plus élevés. En effet, en 2017, la moitié du produit de l'IS a été payée par seulement 74 contribuables, soit moins de 2‰ des assujettis à cet impôt. De même, 75% du produit de ce même impôt a été payé par seulement 654 contribuables et 80% par 1.069, alors que le nombre d'entités soumises à l'IS, ayant au moins déposé une déclaration pendant les quatre dernières années, est de 338.779. Dépenses globales en hausse, contre un niveau d'exécution "modeste" des dépenses d'investissement En 2017, les dépenses globales, hors amortissement de la dette à moyen et long terme, se sont établies à 272.640 MDH, dépassant les recettes ordinaires de 42.754 MDH, soit 18,6%. Elles se composent à hauteur de 38,4% de dépenses du personnel, 24,5% de dépenses d'investissement, 21,6% de dépenses en biens et services, 9,9% des intérêts de la dette publique et 5,6% de dépenses de compensation, poursuit le rapport. Ainsi, par rapport à 2016, les dépenses globales ont augmenté de 6.021 MDH, soit 2,3%. Cette augmentation est imputable essentiellement aux dépenses d'investissement (+3.228 MDH), ainsi qu'aux dépenses de "Matériel et Dépenses Diverses" (+1.841 MDH), et aux dépenses de compensation (+1.233 MDH) et aux charges d'intérêts (+142 MDH), alors que les dépenses de personnel, premier poste de dépenses budgétaires (104.598 MDH en 2017) ont baissé de 261 MDH. Lors de la même année, le niveau d'exécution des dépenses d'investissement reste modeste. En effet, même s'il affiche des taux d'émission et de réalisation respectivement de 83% et 79%, ces derniers sont substantiellement dopés par l'importance des transferts des budgets des ministères et du chapitre des charges communes (investissement) vers les comptes spéciaux du Trésor et les EEP, précise le rapport. Persistance des comptes d'affectation spéciale à accumuler des soldes reportés considérables Rapportées aux recettes et aux dépenses ordinaires du budget général, les recettes et les dépenses des comptes spéciaux du Trésor ont représenté en 2017 respectivement 33,9% et 25,9%, informe la Cour. Les recettes des comptes spéciaux du Trésor se sont, ainsi, établies à 77.871 MDH et les dépenses à 70.672 MDH. Certains comptes d'affectation spéciale sont dotés de recettes dont les montants dépassent significativement ceux de leurs dépenses. Cette situation reflète une carence dans le processus d'allocation des ressources, avise la Cour, en partie car cet excès de recettes sur les dépenses conduit à l'accumulation de soldes créditeurs importants. Ainsi, au titre de la gestion de l'année 2017, les comptes d'affectation spéciale ont dégagé un solde excédentaire de 12.823 MDH, contre une prévision de 8.237 MDH, soit un écart de 56%. De ce fait, le solde cumulé des comptes spéciaux du Trésor a poursuivi sa tendance haussière, en atteignant à fin 2017 un montant total de 130.835 MDH, en augmentation de 6,6% par rapport à 2016, précise le rapport. Données préliminaires autour de l'exécution du budget 2018 Dans ce cadre, l'exécution de la loi de finances de l'année 2018 a connu l'enregistrement d'un déficit budgétaire atteignant 41.353 millions de dirhams, contre des prévisions de l'ordre de 33.274 millions de dirhams,soit une différence de 8.079 millions de dirhams, relève la Cour en se basant sur des informations rendues par le ministère des Finances. L'aggravation du déficit budgétaire est principalement due, selon le rapport, à la croissance des dépenses globales (+2.777 millions de dirhams), à la diminution du produit des recettes ordinaires (-2.891 millions de dirhams), ainsi qu'à la diminution du résultat net des comptes spéciaux du Trésor (- 2.411 millions de dirhams). Par rapport au produit intérieur brut (PIB), la Cour avise que le taux du déficit budgétaire a été de l'ordre de 3,7%, synonyme d'une croissance d'environ 0,2% comparativement avec l'année 2017, "et par conséquent, une inflexion de sa tendance caractérisée, durant les années précédentes, par sa trajectoire baissière, puisqu'il avait passé de 6,8% en 2012 à 3,5% en 2017", est-il expliqué. Par ailleurs, le rapport met en exergue d'autres difficultés dont souffrent les finances de l'Etat, "dont la plus saillante est la non maîtrise de la croissance des dettes du Trésor". Ces dernières ont atteint, à fin 2018, un total d'environ 722,6 milliard de dirhams, soit un taux de croissance avoisinant 4,4% en comparaison avec l'année 2017. De plus, l'encours de la dette du Trésor a doublé plus de deux fois entre les années 2009 et 2018, enregistrant, de ce fait, une moyenne de croissance annuelle d'environ 8,6%. Dans ce cadre, la Cour suggère la nécessité de "mettre en place une bonne gouvernance au niveau de toutes les fonctions de l'Etat, à savoir la planification, la programmation, l'exécution, le contrôle, et l'évaluation des programmes et opérations effectués par les organismes publics".