Le Conseil Supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique a publié ce mardi les détails de l'enquête relative au programme national d'évaluation des acquis des élèves (PNEA). Des résultats alarmants. L'enquête PNEA-2019 s'est déroulée sur le terrain fin mai 2019 et coïncide avec l'adoption de la Loi cadre relative au système de l'éducation, de l'enseignement, de la formation et de la recherche scientifique, qui sanctuarise les préconisations de la Vision Stratégique de la réforme 2015-2030. L'enquête PNEA évalue les acquis des élèves à la fin des dernières années du primaire et du secondaire collégial. Elle a ciblé les années charnières de l'enseignement fondamental, pour évaluer des acquis des élèves ayant terminé l'enseignement primaire et ceux qui ont achevé la scolarité obligatoire, avec un échantillon de 36.808 élèves dont 18.025 au primaire et 18.883 au secondaire collégial, dans les milieux rural et urbain et dans les établissements publics et le privés. Public-privé: un écart très inquiétant La conclusion qu'on peut tirer des scores des élèves de la 6ème année primaire et de ceux de la 3ème année collégiale est que, dans l'ensemble, il y a une faiblesse globale des acquis et qu'une bonne partie des apprenants n'a pas réussi à assimiler une part du programme prescrit traduisant les habilités et compétences correspondant à ce niveau d'étude. Ceci reflète un déficit au niveau des apprentissages. Seule une infime minorité est performante et maîtrise la totalité du programme prescrit, notamment dans les langues arabe et français. Ce qui ressort de manière saillante de l'enquête est la différence entre le public et le privé, en faveur du privé. Cet état de fait s'explique par l'importance du niveau socioéconomique des familles sur les acquis, constate l'étude. A titre d'exemple, 76% des élèves ont assimilé moins de 21% du programme de français prescrit en 3ème année secondaire collégiale et seuls 11% en ont assimilé plus de 91%. Par ailleurs, 41% des élèves n'ont pas acquis, au cours des années antérieures, les ressources linguistiques requises pour poursuivre les cours de français prescrit en 6ème année primaire et seuls 12% ont assimilé la totalité dudit programme. Il ressort de l'enquête que les écoles primaires privées devancent les écoles publiques urbaines en français avec un score de 293 contre 246. En outre, les élèves de la 6ème année primaire relevant des écoles privées performent nettement mieux en arabe (279) que ceux des écoles publiques urbaines (250). Plus globalement, peu importe la matière principale, seuls 8 à 9% des élèves de l'école publique ont un niveau satisfaisant contre une moyenne de 50% dans l'école privée. Des enseignants littéraires pour des matières scientifiques... Les données du PNEA-2019 révèlent quelques résultats qui remettent en question quelques lacunes du système. Les enseignants de l'éveil scientifique d'environ la moitié (48%) des élèves de la 6ème année primaire détiennent un baccalauréat littéraire et les enseignants des mathématiques pour près d'un tiers (31%) de ces élèves sont détenteurs d'un baccalauréat littéraire. On retrouve le même paradoxe dans d'autres matières. Les enseignants de français de la moitié des élèves de la 6ème année du primaire ont un baccalauréat scientifique. Il en est de même pour les enseignants d'arabe de près d'un tiers de ces élèves. C'est ainsi que l'attribution des matières aux enseignants n'est pas toujours conforme à leur formation. Une telle affectation des ressources humaines ne manquerait pas d'avoir des répercussions négatives sur la qualité des apprentissages scientifiques et linguistiques au primaire. "En d'autres termes, ce renversement d'affectation des enseignants ne serait-il pas parmi les facteurs à l'origine de la faiblesse notoire des acquis des élèves en langues et en mathématiques ?", s'interrogent les réalisateurs de l'étude. L'enseignant mal vu par l'élève Dans cette étude, des questions ont été posées aux élèves à propos de leurs perceptions sur la satisfaction qu'éprouvent leurs enseignants dans l'exercice de leur travail et leur façon de gérer les comportements en classe. Comment donc nos écoliers et nos collégiens perçoivent-ils leurs éducateurs ? La démotivation des enseignants et leur mauvaise gestion des comportements des élèves prédominent dans nos écoles. En effet, 44% des écoliers en moyenne jugent ces aspects d'une façon négative ou mitigée (21% les jugent d'une manière négative). D'une façon plus explicite, 25% des écoliers déclarent que leurs enseignants n'ont pas envie d'enseigner. Ces écoliers ont certainement l'impression que leurs enseignants exercent leur métier par une obligation plus subie que choisie. Aussi, un tiers (31%) des écoliers déclarent-ils que leurs enseignants ont l'air d'être découragés. Ce constat peut être expliqué, en partie, par les conditions d'exercice qui sont loin d'être favorables dans la plupart des unités scolaires, estime l'étude. * Maroc/Education: Voici ce que propose le PLF-2022 De plus, 37% des écoliers déclarent que leurs enseignants passent plus du temps à réprimander qu'à encourager ou féliciter et 43% des écoliers déclarent que leurs enseignants se focalisent plus sur ce qui va mal. De leur côté, un peu plus de la moitié (53%) des élèves de la 3ème année secondaire collégiale jugent d'une façon négative ou mitigée la motivation de leurs enseignants d'arabe et du français et leur gestion des comportements en classe. Le même jugement est porté par 44% des collégiens sur la motivation de leurs enseignants des mathématiques et des sciences de la vie et de la terre. Cette proportion atteint même 60% à propos des enseignants de physique-chimie. L'étude souligne enfin que le système éducatif marocain peine toujours à accomplir les objectifs qui lui sont assignés. Elle alerte sur "le faible niveau socio-économique et culturel de la famille continue à affecter les acquis scolaires des élèves (...) car l'école peine toujours à contrecarrer cet handicap et à instaurer l'équité qui ne signifie pas la nondifférenciation, mais une égalité des chances." * Nouveau modèle de développement : Comment la CSMD conçoit la "renaissance" de l'école marocaine