Le mardi 21 septembre 2021, marquera la Journée Mondiale de l'Alzheimer. C'est une occasion pour les médecins traitants et chercheurs scientifiques de sensibiliser la population aux différents enjeux de la maladie et au rôle essentiel pour dépister de façon précoce les premiers signes de ces troubles de la mémoire pour mieux les prévenir. Pour percer le mystère de cette pathologie multifactorielle, 2M.ma a contacté la neurologue Dr. Safaa Zahlane. Interview. Pouvez-vous nous dévoiler quelques chiffres concernant le nombre de personnes atteintes d'Alzheimer au Maroc ? La maladie d'Alzheimer est une pathologie neurodégénérative évolutive qui s'exprime par des troubles de la mémoire avec un déclin des fonctions cognitives et évolue vers une perte progressive d'autonomie fonctionnelle. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la maladie d'Alzheimer est la forme la plus courante de démence au niveau mondial (60 à 70 % des cas). Le nombre de personnes qui en sont atteintes dans le monde est estimé actuellement à 36 millions et devrait doubler pour atteindre 75 millions en 2030 et 131,5 millions en 2050. Selon les principales études internationales, la maladie d'Alzheimer toucherait environ 0,5 % des personnes de moins 65 ans et entre 2 et 4 % de plus après 65 ans. Au-delà de 80 ans, ce pourcentage atteindrait 15%. Au Maroc, la maladie d'Alzheimer reste la première cause de démence dégénérative suivie des démences vasculaires. Elle touche environ 150.000 personnes, et 30.000 nouveaux cas sont recensés chaque année. En l'absence de données officielles précises sur la prévalence de la maladie au Maroc, les organismes internationaux l'estimeraient à 8,76 %, en prenant en considération que sa prévalence augmente avec l'âge. Selon l'Association Espoir Maroc Alzheimer, ce nombre estimé est appelé à augmenter proportionnellement au vieillissement de la population et en l'absence de recensement au Maroc, on peut multiplier ce chiffre par trois. A quoi est due la maladie d'Alzheimer ? A ce jour les causes de la maladie d'Alzheimer restent encore mal connues. Par ailleurs, ce sont les neurones localisés dans la région de l'hippocampe, siège de la mémoire, qui sont atteints en premier. Mais ce n'est pas tout. Au fur et à mesure de son évolution, la maladie touche d'autres zones du cerveau, compliquant la capacité à communiquer, à réaliser plusieurs choses en même temps ou les actes de la vie quotidienne. La maladie d'Alzheimer entraîne deux types de lésions du système nerveux central ; le dysfonctionnement d'une protéine essentielle aux neurones appelée "Tau" et l'apparition de plaques dites « séniles » due à une autre protéine "bêta amyloïde". Peu à peu, ces lésions se multiplient et envahissent les régions supérieures du cerveau. La maladie devient alors de plus en plus visible. C'est généralement à ce stade que le diagnostic est posé. Ceci dit, les origines exactes de la maladie demeurent incertaines et hypothétiques. On parle alors davantage en termes de facteurs de risque que de causes directes. En effet, les chercheurs ont identifié plusieurs éléments ou facteurs qui semblent jouer un rôle important dans l'apparition de la maladie, qui plus est lorsqu'ils sont combinés : L'âge (la fréquence augmente avec l'avancée en âge) ; Le sexe féminin ; Les facteurs de risque génétiques; Les maladies cardiovasculaires ; Le diabète, l'obésité, l'hypertension artérielle, ainsi que le tabac ; Le manque d'activités physiques et cognitives.
* Une intelligence artificielle détecte le risque d'Alzheimer grâce à un simple dessin (chercheurs) Quels sont les premiers signes de cette pathologie ? Il faut savoir qu'il est essentiel de diagnostiquer au plus tôt la maladie d'Alzheimer. Pour cela, il est nécessaire d'être attentif aux premiers symptômes. Plus la maladie est repérée tôt, plus il est possible de mettre en place une prise en charge et un accompagnement adapté. La maladie d'Alzheimer est une pathologie évolutive. La progression est fonction des zones du cerveau touchées. Les symptômes sont donc très variables d'une personne à l'autre. Malgré les idées reçues, la maladie d'Alzheimer ne se limite pas à des pertes de mémoire, même si la région de l'hippocampe, siège de la mémoire, est la première atteinte. La maladie d'Alzheimer peut s'accompagner de symptômes cognitifs, comportementaux ou psychologiques, tels que la perte de mémoire qui nuit aux activités quotidiennes de la personne. Difficultés à exécuter des tâches familières. Il peut arriver qu'une personne atteinte de la maladie se perde dans sa propre rue, ne sachant plus comment elle s'est rendue là, ni comment rentrer chez elle. Autre symptôme, le malade peut oublier des mots faciles ou les substituer par des mots qui rendront ses phrases difficiles à comprendre. Il arrive également que la personne utilise un mot incorrect de même consonance que le mot correct (par exemple lion à la place de violon). Quand faut-il consulter ? Pour beaucoup, avoir une maladie d'Alzheimer, c'est souffrir de troubles de la mémoire suffisamment importants pour retentir sur la vie quotidienne. Sauf que cela ne se produit pas du jour au lendemain. Ce sont d'autres petits troubles insidieux donneraient l'alerte et ce d'autant qu'ils sont associés, répétés, au point de devenir gênant. J'en cite quelques-un qui pourraient alerter la personne atteinte ou on entourage. Par exemple quand l'information qui nous a fait défaut ne nous revient guère en mémoire, quelque temps plus tard. S'il nous arrive de plus en plus de poser des objets courants dans des endroits inappropriés (comme les clés dans le four). A côté de ces troubles initialement discrets de la mémoire, d'autres symptômes peuvent s'installer, comme le fait de substituer un mot par un autre, au point de rendre une phrase incompréhensible. Ou bien ne plus reconnaître un chemin pourtant emprunté plusieurs fois. Y a-t-il un traitement pour retarder la maladie ? A ce jour, il est impossible de guérir la maladie d'Alzheimer. Toutefois des traitements susceptibles de modifier le cours de l'évolution de la maladie font actuellement l'objet de protocoles de recherche et sont porteurs d'espoir. Les traitements prescrits à ce jour sont des traitements symptomatiques, ils agissent sur les conséquences de la maladie et non sur la cause elle-même. Les traitements médicamenteux disponibles visent à essayer de stabiliser ou d'améliorer transitoirement les fonctions cognitives et de contrôler les troubles du comportement.
* USA: un nouveau médicament contre Alzheimer limité aux cas modérés (FDA)
Quatre médicaments spécifiques sont commercialisés. Ils appartiennent à deux familles : -Les anticholinestérasiques (donepezil, galantamine et rivastigmine). Il est recommandé de les prescrire en première intention, dès les stades débutants de la maladie. -Les antiglutamates (la mémantine) qui a montré une certaine efficacité dans les formes avancées de la maladie. A côté de ces médicaments, le médecin peut être amené à prescrire certaines molécules comme des antidépresseurs, des anxiolytiques, des somnifères ou parfois des antipsychotiques (quand les troubles du comportement sont importants). De nombreuses thérapies non médicamenteuses sont également proposées au patient et font partie intégrante de la prise en charge thérapeutique. Elles visent à maintenir le plus longtemps possible les capacités restantes du patient. Différents types d'interventions sont possibles comme les prises en charge orthophonique, psychologique, neuropsychologique, ergothérapique.. Peut-on prévenir la maladie ? Selon plusieurs études, l'apparition des symptômes de la maladie d'Alzheimer pourrait être retardée dans 30% des cas grâce à une prévention de certains facteurs de risques. Alors comment peut-on contribuer à retarder l'apparition de la maladie ? Il est important de prévoir des consultations de routine, auprès de votre médecin. Egalement, il faut pratiquer une activité physique régulière afin de stimuler la circulation sanguine. Des études scientifiques récentes ont montré que l'exercice physique intense (30 mn par jour) stimule la formation de nouveaux neurones, et ce tout au long de la vie. Pour développer une mémoire d'éléphant, il faut, opter pour une bonne hygiène de vie et d'entraîner sa mémoire, la faire travailler pour l'améliorer.
* Alzheimer : une découverte suscite l'espoir chez les malades
Quelle espérance de vie avec la maladie d'Alzheimer ? L'espérance de vie d'une personne malade d'Alzheimer varie de huit à douze ans à partir du moment où le diagnostic est établi. Mais il ne s'agit que d'une moyenne. Il est important de considérer l'âge de la personne au moment du diagnostic. Quels conseils pour les proches d'une personne atteinte de cette maladie ? En fait, personne n'est préparé à faire face à la maladie mentale d'un proche. C'est tout un quotidien qu'il faut repenser en fonction de la personnalité et des besoins du malade. Le plus difficile et de communiquer avec une personne atteinte d'Alzheimer. Parmi les conseils que je peux vous livrer afin d'améliorer vos communications c'est d'éviter les sources de distraction comme la télévision ou la radio lorsque vous lui parlez. En cas d'incompréhension de sa part, répétez calmement votre phrase, rassurez-la et passez à autre chose s'il n'y a pas d'amélioration. Ne haussez surtout par la voix et ne montrez pas de signes d'agacement. Il faut également veiller à la sécurité de la personne malade, par exemple envisager l'achat d'équipement de sécurité pour la salle de bain comme une barre de soutien ou un tapis antidérapant. Toutefois, il ne faut pas oublier que même le proche du malade se trouve souvent épuisées, aussi bien sur le plan physique que sur le plan mental. Il est donc indispensable pour eux de prendre conscience et connaître leurs limites et se faire aider quand il le faut.
* Un centre d'accueil de malades atteints d'Alzheimer voit le jour à Rabat (VIDEO)