"La théorie des aubergines" de la jeune écrivaine franco-marocaine Leïla Bahsaïn est en compétition pour le Prix de la littérature arabe, unique récompense française distinguant la création littéraire arabe. A ce propos 2M.ma a contacté l'écrivaine pour en savoir davantage sur cet opus paru aux Editions Albin Michel en mars 2021, ainsi que sa sélection officielle pour le 9ème Prix de la littérature arabe 2021. Interview. Qu'est-ce que cela représente pour vous d'être en lice pour le prix de la littérature Arabe ? Quand j'écris, je ne pense pas à la question de la publication et encore moins à celle des prix. Lorsque le livre paraît, être reconnue, consacrée par un jury d'écrivains ou de lecteurs est un très beau cadeau ! J'y puise de l'énergie pour mes projets d'écriture.
Pouvez-vous présenter brièvement la trame de votre roman "La théorie des aubergines», sans trop en dévoiler ? Il m'est toujours difficile de présenter un roman en peu de mots. Ce livre-là raconte l'histoire de Dija, une rédactrice en agence de communication qui, suite à un licenciement, va rejoindre un projet original. Il s'agit d'une cuisine d'insertion qui réunit un groupe de personnes que la vie a malmené. Sous la houlette du Chef Achour - qui ne manque pas de répartie - cette belle assemblée va non seulement apprendre à cuisiner mais surtout apprendre à se reconstruire. La question du mépris, qu'il soit de race ou de classe, est au cœur de ce roman. L'injonction constante à la performance m'a donné envie de creuser ce qui se joue aussi sur le plan émotionnel dans nos rapports au travail, et comment la solidarité peut-être une réponse à nos aspirations individuelles.
Pourquoi le choix de ce titre ? Pour éviter de priver les lecteurs du plaisir de la découverte de cette théorie, je vais ruser pour vous répondre. J'ai construit ce roman avec l'idée d'un trompe-l'œil, ce jeu s'exprime aussi à travers ce titre. J'ai une véritable tendresse, une admiration pour la sagesse populaire et le bon sens des gens humbles. Loin des « grandes théories », la théorie des aubergines est souvent si modeste qu'elle passe inaperçue. Elle existe dans les faits, je lui ai donc inventé un nom. Car donner de la poésie à la grandeur humaine est un des rôles des écrivains. Dans le roman, c'est le Chef Achour qui inculque ses principes à son équipe, ce qui va beaucoup les aider à se reconstruire. Aimerais-tu que ton roman fasse l'objet d'une adaptation pour un téléfilm par exemple ? Si mon style personnel, mon univers intéresse un réalisateur au point de vouloir se l'approprier pour une création cinématographique, j'en serais ravie ! Quel regard portez-vous sur le secteur de l'édition et du livre au Maroc ? Quand j'étais élève au Maroc dans les années 90, nous souffrions beaucoup du manque d'accès aux livres. Aujourd'hui, les choses se sont améliorées mais il reste beaucoup à faire. Pour moi, l'urgence concerne l'éducation à la lecture, et il faut aussi faciliter l'accès à l'objet livre des enfants de toutes les catégories sociales, y compris dans le monde rural. J'ai beaucoup d'idées dans ce sens que je travaille à concrétiser avec l'association Zitoun que j'ai fondée dans la région de Marrakech. Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui veut publier un livre ? Ecrire n'est pas publier. Seule l'écriture devrait motiver cette activité. La publication vient après, lorsque l'on a terminé son texte et que l'on a envie de le partager avec d'autres. Il faut alors faire confiance aux éditeurs dont la publication est le métier. A quelqu'un qui voudrait écrire je conseillerai : Lire, lire, lire et écrire... Quels sont vos projets à venir ? Tout simplement écrire des textes, les offrir à l'autre que je ne connais pas. Si mon texte pouvait les aider, les divertir, les consoler ou les émouvoir, alors cela m'apporterait une satisfaction.