Avec l'apparition de variants de la covid-19 et les nombreuses vagues épidémiques qui se multiplient dans le monde, de nombreux pays ont commencé à explorer l'option du rappel vaccinal, ou une troisième dose pour renforcer l'immunité de leur population. Sauf que tous les vaccins ne sont pas les mêmes, qu'il s'agisse du degré d'efficacité ou du mode de protection. Débat sur la nécessité d'un rappel vaccinal De nombreux pays comme le Canada, l'Allemagne et la France se penchent actuellement sur la nécessité d'effectuer un rappel vaccinal auprès des populations vulnérables ou les personnes qui n'ont pas reçu de vaccin à ARN messager. Le ministère de la Santé allemand a déclaré qu'à partir du 1er septembre, "des rappels de vaccin seront réalisés avec l'un des deux vaccins à ARN messager (Pfizer ou Moderna), ajoutant que cette décision est «dans l'intérêt des soins de santé préventifs" et tient compte de préoccupations concernant «la réponse immunitaire réduite ou en déclin rapide» chez les personnes vulnérables. L'Allemagne, qui a vacciné sa population à l'aide des vaccins Johnson&Johnson et AstraZeneca, fait face actuellement à une recrudescence des cas de covid-19 liés au variant Delta. Selon les laboratoires Pfizer et Moderna, une troisième de dose de leur vaccin, quel que soit le vaccin administré auparavant, offre une meilleure protection contre le Delta. Une étude préliminaire de l'université américaine de Yale suggère que les vaccins à ARN messager susciteraient une immunité beaucoup plus durables chez les personnes parce que ceux-ci permettent d'identifier la protéine Spike présente sur les virus et qui leur permet d'entrer dans les cellules - et donc de générer une réponse immunitaire beaucoup plus durable que le reste des vaccins. Ils ne nécessiteraient donc pas de rappel annuel ou saisonnier. Concernant les vaccins inactivés, selon la plateforme mondiale d'informations autour des vaccins, InfoVac, les vaccins entiers inactivés nécessitent souvent plusieurs doses ou des rappels. Leur principal avantage est d'induire très peu d'effets secondaires, et de pouvoir être administré même aux personnes dont le système immunitaire est affaibli. Qu'en est-il du Maroc ? Le Maroc, qui mise sur sa campagne de vaccination nationale pour juguler la pandémie, utilise trois vaccins de vaccins : AstraZeneca et Johson&Johson (vecteur viral), et Sinopharm (virus inactivé). Contacté par 2M.ma, le Dr. Said Afif, membre du Comité technique et scientifique anti-covid et président de la Société marocaine des sciences médicales, affirme que la nécessité d'administrer une troisième dose n'est encore pas à l'ordre du jour au Maroc. "Nous sommes actuellement dans un contexte de hausse des cas d'infection et de décès surtout parmi les personnes non vaccinées, la priorité au Maroc est de vacciner 80% de la population de plus du 17 ans. Il faut déjà s'assurer que la majorité de la population a reçu les deux doses complètes du vaccin avant d'envisager un rappel vaccinal", indique-t-il. Cependant, ajoute Dr. Afif, "les données scientifiques présentes aujourd'hui montrent que, si jamais un rappel vaccinal devait être préscrit, il concernerait surtout les catégories vulnérables, à savoir les personnes âgées et les personnes immuno-déprimées (cancer, hémodyalise, transplantation d'organe, VIH)", explique-t-il. Livrant de plus amples explications, le Dr. Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques de santé affirme que "la réponse immunitaire chez les personnes âgées est, par fait médical avéré, moins importante que chez les personnes jeunes". Donnant l'exemple du vaccin contre la grippe, celui-ci suscite une réponse immunitaire de 45% chez les personnes âgées contre 75% à 80% chez les jeunes. "Aujourd'hui, de nombreuses études montrent que les variants ont le potentiel d'affaiblir les vaccins et qu'une troisième dose peut renforcer l'immunité des personnes à risque. La faible réponse immunitaire chez les catégories vulnérables et l'apparition de variants, combinés, constituent deux facteurs qui mettent la catégorie pré-citée à risque. Si jamais un nouveau variant devait apparaitre, cette catégorie vulnérable deviendrait ainsi le point de faiblesse du système médical puisque c'est elle que le variant ira chercher", élabore l'expert. "Heureusement, les catégories vulnérables au Maroc sont minoritaires puisque la démographie est jeune et les personnes immuno-déprimées sont peu nombreuses", selon lui. "Les données scientifiques actuellement s'accordent à dire que le virus pourra devenir endémique dans quelques années. C'est-à-dire que des cas seront enregistrés sporadiquement dans le monde, mais pour qu'il devienne bénin, cela prendra des années d'évolution immunitaire sur le plan humain", explique-t-il. En somme, pour évaluer la nécessité, ou pas, d'administrer des troisièmes doses, il faudra également recueillir diverses données, notamment : la fréquence des réinfections sévères chez les personnes vaccinées, le taux et la durée des anticorps chez les personnes vaccinées, ainsi qu'une vigilance accrue par rapport à l'apparition de nouveaux variants. Cependant, l'administration d'une troisième dose pourrait s'avérer efficace dans la protection des catégories vulnérables à l'infection. L'étude de cette option est toujours en cours au Maroc, confirment nos deux interlocuteurs.