Hatim Souktani, médecin et président de l'Institut Méditerranéen des sciences criminelles vient de faire paraître son nouvel ouvrage : " La Covid-19 au Maroc : entre les mesures sanitaires et la gestion sécuritaire". A l'occasion, l'auteur a accordé une interview à 2M.ma, autour de la rétrospective à laquelle il se livre dans son ouvrage, à propos de la pandémie et les aspects de sa gestion au Maroc. 2M.ma : Comment évaluez vous la gestion de la pandémie ? Hatim Souktani : Tout d'abord, nous sommes devant un travail prospectif durant la période étalée entre mars 2020 et mars 2021. Pendant cette période la gestion de la pandémie, d'une façon globale, est très satisfaisante voire exemplaire malgré quelques incidents et flambées épidémiques relatives à un certain relâchement des citoyens et aux mouvements des familles lors des fêtes religieuses, notamment celle du sacrifice, et le début de l'automne où le Maroc déplorait des dizaines décès par jour. Le rôle axial et primordial de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a permis avant et pendant la recrudescence de la pandémie de limiter les pertes en mobilisant les forces vives de la nation, les ressources du pays et la création d'un fond de solidarité qui a permis l'adhésion de toutes les composantes de la société aux mesures liées au confinement général adopté pendant plus 100 jours. La créativité, la conversion de certaines industries au profit de la pandémie, notamment celle des masques, des visières ainsi que l'autosuffisance en denrées alimentaires et en médicaments ont permis une certaine autonomie et par la suite ont fait du Maroc un fleuron dans la gestion de cette pandémie qui a ravagé un grand nombre de pays indépendamment de leurs degré de progrès et d'industrialisation. La gestion sécuritaire est un modèle à enseigner et à suivre. Quelles sont, selon vous, les lacunes qu'a révélées la pandémie sur les plans sociétal, sanitaire et sécuritaire ? La première des lacunes est l'absence d'une haute autorité de santé et l'absence de couverture sociale généralisée, ainsi que l'existence d'un grand nombre de salariés non déclarés. Cela dit, la dernière initiative Royale de généralisation de la protection sociale permettra prochainement aux citoyens de bénéficier d'une couverture sociale et une retraite et naturellement, d'une déclaration et d'une prise en charge des maladies. La gestion sécuritaire est sans doute très positive mais la pandémie accélèrera sans doute la naissance du Conseil national de la sécurité. Les agents de sécurité sont confrontés au paradoxe respect des droits de l'Homme et la restriction de certaines libertés.
Idéalement, quels sont les changements qu'il faudrait opérer pour remédier à ces lacunes ? Les lacunes observées et répertoriées lors de la gestion de la Covid-19 au Maroc peuvent êtres comblées facilement grâce à l'amélioration du plan de communication de crise du gouvernement. Il faut un plan clair, précis, sans ambiguïté, sans contradiction et sans improvisation. Le discours parental est à bannir au profit d'un véritable contrat entre le gouvernement et le citoyen afin que ce dernier adhère aux décisions prises d'une façon active et non passive ouvrant la voie à un véritable débat sociétal même en temps de crise. Nous sommes confrontés à une pandémie qui s'étale dans le temps et qui perdure nécessitant ainsi une approche participative incluant le citoyen dans les décisions prises par le biais de ses représentants. La sanction des contrevenants devra être précédée par une sensibilisation de qualité en insistant sur la prévention. Les mesures de sûreté et de sécurité devront être davantage renforcées au sein des entreprises. Les textes relatifs à l'Etat d'urgence sanitaire peuvent être améliorés après plus d'une année d'application afin de combler les lacunes apparues lors de son application. Quelles leçons le Maroc devrait-il tirer de cette pandémie bien qu'elle ne soit pas encore finie, et quelles recommandations livrez-vous pour une meilleure gestion des crises sanitaires dans le futur? Les multiples initiatives royales, les chantiers ouverts en concomitance avec la gestion quotidienne de la pandémie et la réactivité à chaque nouvel incident avec anticipation ainsi que la gestion des risques imminents ou probables dans le cadre d' une coordination intersectorielles sous la supervision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI sont capables de combler toutes les lacunes. Le fond de solidarité, les mesures sécuritaires et celles de sûreté, le renforcement des attributions des Walis et gouverneurs prouvent que le choix stratégique de la régionalisation a été judicieux. La conversion de l'industrie marocaine en une industrie créative et salvatrice la pandémie, les mesures d'appui des entreprises prises par Bank Al Maghrib, le soutien de la CNSS en faveur des salariés déclarés ou non ont permis la limitation des pertes et permettront une relance économique rapide. L'industrie pharmaceutique marocaine est en train de vivre ses années les plus glorieuses avec l'autosuffisance en médicaments pendant toute la durée de la crise mais également l'amorce d'une future fabrication des vaccins anti-Covid-19. De même, la gestion des frontières a permis au Maroc d'éviter le pire et leurs ouvertures en temps opportuns ont permis de booster l'économie et le tourisme nationaux. Le Maroc est conscient plus que jamais que cette success-story et ce combat sans pitié contre la Covid-19 ne doit pas nous encourager à baisser la garde et la vigilance car il s'agit d'une maladie capricieuse, mutante et fatale qui nécessite la conjugaison de tous les efforts et la mobilisation de toutes les compétences et forces vives de la nation.