La pandémie de Covid-19, génératrice de perturbations sans précédent dans l'éducation, source de fractures sociale et numérique, pourrait aggraver encore davantage les disparités dans l'éducation dans le monde, souligne l'Unesco à l'occasion de la publication d'un rapport mondial sur l'éducation. «La pandémie de Covid-19 a davantage révélé et accentué ces inégalités ainsi que la fragilité de nos sociétés. Plus que jamais, nous avons la responsabilité collective de soutenir les plus vulnérables et les plus défavorisés, en aidant à réduire les fractures sociétales persistantes qui menacent notre humanité commune », a affirmé la Directrice générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, Audrey Azoulay, dans l'avant-propos du rapport, intitulé "Inclusion et éducation - Tous, sans exception". Même avant le Covid-19, l'exclusion totale de l'éducation touchait un enfant, adolescent ou jeune sur cinq. Des millions d'autres sont marginalisés au sein même de leur salle de classe à cause de la stigmatisation, des stéréotypes et de la discrimination. « La crise actuelle va perpétuer ces différentes formes d'exclusion. Avec plus de 90 % de la population étudiante mondiale touchée par les fermetures d'écoles liées au Covid-19, le monde se trouve confronté à des perturbations sans précédent dans l'histoire de l'éducation », a averti Mme Azoulay. Et de souligner que les fractures sociales et numériques exposent les plus défavorisés au risque de perdre leurs acquis et d'abandonner leurs études, avant d'ajouter que les expériences du passé – comme avec Ebola – ont montré que les crises sanitaires pouvaient laisser un grand nombre de personnes sur le bord du chemin, en particulier les filles les plus pauvres, dont beaucoup risquent de ne jamais retourner à l'école. Faire de l'éducation un droit universel et une réalité pour tous est aujourd'hui plus crucial que jamais, affirme DG de l'Unesco, car « dans ce monde en mutation rapide qui est le nôtre, des défis majeurs ne cessent de se poser : des bouleversements technologiques aux changements climatiques, des conflits aux déplacements forcés de populations, de l'intolérance à la haine, tous entraînent dans leur sillage un creusement des inégalités et des effets qui se feront sentir durant des décennies ». « Face à ces défis, les messages du Rapport GEM 2020 sur l'inclusion dans l'éducation prennent une dimension encore plus importante. Le Rapport lance une mise en garde en soulignant que les possibilités d'éducation restent inégalement réparties. Trop d'apprenants demeurent privés d'une éducation de qualité, car les obstacles à surmonter sont encore trop hauts », souligne Mme Azoulay.
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La principale recommandation du présent Rapport, qui appelle l'ensemble des acteurs de l'éducation à élargir leur conception de l'éducation inclusive en vue d'englober tous les apprenants, indépendamment de leur identité, de leur origine ou de leurs aptitudes, arrive à un moment opportun, à l'heure où le monde cherche à reconstruire des systèmes éducatifs plus inclusifs, souligne-t-elle. Le présent Rapport identifie différentes formes d'exclusion, leurs causes et les moyens de les combattre. « Il est, de ce fait, un appel à l'action auquel nous devrions répondre pour ouvrir la voie à des sociétés plus résilientes et équitables à l'avenir. Un appel à collecter des données de meilleure qualité, sans lesquelles il est impossible de saisir la véritable étendue du problème et d'en prendre l'exacte mesure. Un appel à rendre les politiques publiques beaucoup plus inclusives, en s'inspirant d'exemples de politiques efficaces actuellement en vigueur, et en unissant nos efforts pour lutter contre les désavantages croisés, tout comme les ministères et les services gouvernementaux ont été capables de le faire dans la lutte contre le Covid-19 », a encore affirmé la DG de l'Unesco. Dans le monde, près de 260 millions de jeunes n'avaient pas accès à l'éducation, soit 17% de ceux en âge d'être scolarisés. Et parmi les premiers exclus figurent les enfants défavorisés, les fillettes et jeunes filles, les enfants en situation de handicap, ceux issus de minorités ethniques ou linguistiques, les migrants..., selon le Rapport mondial de suivi sur l'éducation 2020 de l'Unesco. En 2018, l'Afrique sub-saharienne abritait la plus grande cohorte de jeunes non scolarisés, dépassant pour la première fois l'Asie centrale et du Sud: 19% des écoliers, 37% au niveau du collège, 58% des lycéens potentiels. Et dans 20 pays au moins, pour la plupart situés en Afrique subsaharienne, pratiquement aucune jeune femme pauvre de milieu rural ne mène ses études secondaires à leur terme, relève le Rapport. La crise sanitaire actuelle a plus que jamais mis en évidence ces fractures : "les réponses à la crise de la Covid-19, qui a touché 1,6 milliard d'apprenants, n'ont pas accordé une attention suffisante à l'inclusion de tous les apprenants", soulignent les auteurs du rapport. « Alors que 55% des pays à faible revenu ont opté pour l'apprentissage à distance en ligne dans l'enseignement primaire et secondaire, seuls 12% des ménages des pays les moins avancés ont accès à l'Internet à domicile. Même les approches qui ne nécessitent que de faibles moyens technologiques ne peuvent garantir la continuité de l'apprentissage. Parmi les 20% de ménages les plus pauvres, seuls 7% disposent d'une radio en Ethiopie et aucun n'a de télévision », citent-ils à titre d'exemple. « Dans l'ensemble, environ 40% des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur n'ont pas réussi à soutenir les apprenants menacés d'exclusion », soulignent-ils, sans omettre de pointer les lacunes des pays riches : « en France, jusqu'à 8 % des élèves ont perdu le contact avec les enseignants après trois semaines de confinement ». Sur ces différents constats, le rapport élabore une série de recommandations pour une éducation inclusive, à commencer par des politiques volontaristes, car "de nombreux gouvernements" n'ont pas encore mis en œuvre de principe d'inclusion. L'Unesco juge aussi nécessaire des financements ciblés.