l Si la retraite complémentaire est commercialisée depuis plusieurs années et génère 4 milliards de primes collectées, son développement doit se faire de manière plus structurée. l Un intérêt particulier sera accordé à la retraite des indépendants au travers dune législation obligeant à la retraire et à une meilleure fiscalité. l Ne faisant pas partie de la Commission technique de la réforme de la retraite, les acteurs privés sétonnent du scénario rendu public par voie de presse. l Si lALE avec les USA ninquiète pas le secteur, celui avec lUE fera lobjet dun débat avec les pouvoirs publics. l Bachir Baddou, DG de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances, livre en toute franchise lavis des acteurs sur les différentes problématiques auxquelles ils doivent faire face. - Finances News Hebdo : La problématique de la retraite se pose actuellement avec acuité. Dans ce sens, quel rôle doivent jouer les compagnies dassurances, notamment concernant la retraite complémentaire? - Bachir Baddou : Il faut savoir que la retraite complémentaire est un produit que nous commercialisons depuis de longues années. Aujourdhui, les produits qui sont destinés aux indépendants et qui sont aussi des retraites complémentaires pour les salariés du secteur privé, représentent quelque chose comme 4 milliards de DH de primes de collecte annuelle chez nous. Donc, cest une réalité ! Le développement de la retraite pour les indépendants, et celui de la retraite complémentaire pour les salariés, se fait donc depuis plusieurs années. Mais faut-il le reconnaître, ce développement ne se fait pas de manière structurée puisquon ne fait essentiellement que la bancassurance. - F. N. H. : Faudrait-il alors repenser les produits proposés ? - B. B. : Il faut surtout améliorer la sensibilisation et la vulgarisation à ces produits. Aujourdhui, nous avons un réseau extrêmement dynamique quest la bancassurance. Elle nous draine 80 à 90 % de lactivité commercialisée auprès du grand public. Il y a un effort important à fournir auprès des agents et des courtiers, notamment de formation et de support dans la commercialisation des produits. Et peut-être repenser avec eux les produits quils commercialisent par rapport à ceux commercialisés par les banques. Ensuite, il faut sensibiliser les indépendants. Pour cela, il faudra procéder de deux manière distinctes. Il y a dabord la sensibilité par limpôt. En effet, plus vous leur donnez un avantage fiscal, plus cela les encouragera à contracter des produits de retraite. Aujourdhui, lavantage fiscal qui leur est octroyé nest pas si attrayant. En fait, on leur permet de déduire 6 % de leur revenu imposable. Cela veut dire quune personne qui touche 100.000 DH par an, peut prendre 6.000 DH pour une retraite, et elle nest imposée que sur 94.000 DH. Alors que le salarié participe à une cotisation qui peut aller jusquà 100 % de son salaire de manière théorique. Pour commencer, on dit quil est important de porter cet avantage fiscal de 6 à 20%. - F. N. H. : Pourquoi 20 % ? - B. B. : Parce que si lon prend le secteur privé, la cotisation patronale plus la cotisation salariale tourne autour de 20 %. Dès lors, même lindépendant doit être dans la possibilité de prendre 20 de son revenu et le mettre sur une retraite. Si lavantage fiscal monte à 20%, il est certain que beaucoup dindépendants viendront souscrire à une retraite. - F. N. H. : Et quelle est la deuxième option pour mieux sensibiliser les indépendants ? - B. B. : : Il faut légiférer ! Parce que, demain, ces indépendants représenteront un fardeau pour la société. Ainsi, quand le médecin ou larchitecte aura 65 ou 70 ans, quil ne pourra plus travailler et quil na pas de revenu, il deviendra en effet un fardeau. Il est de la responsabilité du gouvernement de rendre la retraite obligatoire pour ces indépendants. Voici en quoi se résument ces deux mesures, dont celle plus rapide à mettre en place quest la mesure fiscale. - F. N. H. : Si lincitation fiscale est plus facile à mettre en place en un temps réduit, lobligation de la retraire ne sera-t-elle pas difficile à instaurer ? - B. B. : Lobligation de la retraite pose le problème du contrôle. Et à ce niveau, je peux citer une expérience quon a eu au Maroc au travers de lassurance maladie des indépendants baptisée Inaya. Cette assurance est obligatoire, mais peu de gens le savent. Un médecin, un architecte, un pharmacien, un artisan a lobligation, de par la loi, de contracter cette assurance maladie; et pourtant tout le monde ne le fait pas ! Il ne le fait pas pour plusieurs raisons, la première étant que le produit pensé nest pas très bien élaboré, le réseau de distribution nétait pas très dynamique, parce que les soins devaient se faire dans les établissements de santé publics Mais lune des raisons qui nous intéresse concernant cette expérience est quil ny a eu aucun dispositif de contrôle mis en place avec cette assurance obligatoire. Donc, il ne faut pas quon réitère cette erreur pour lobligation de la retraite aux indépendants. - F. N. H. : Comment cela est-il possible ? - B. B. : Si on met en place lobligation davoir une retraite pour un indépendant, il faut également mettre en place un dispositif de contrôle. Ce sera difficile, certes, mais il y a des moyens dinstaurer un contrôle rigoureux, notamment par limpôt. En effet, au moment de la déclaration fiscale, on pourrait éventuellement demander à un indépendant une attestation prouvant quil a souscrit à une retraite. - F. N. H. : Vous, en tant que Fédération des acteurs privés, comment avez-vous accueilli le scénario que prévoit la Commission technique sur la réforme de la retraite ? - B. B. : Honnêtement, les grandes lignes de ce scénario, nous les avons apprises par voie de presse. Dabord, il nest pas normal que nous, acteurs privés de lassurance, nous ne fassions pas partie de cette Commission. Alors que nous sommes des acteurs majeurs et expérimentés dans le domaine. Après, nous nous plaçons selon deux axes : dabord, en tant quassurés, mais aussi en tant que Fédération membre de la CGEM et en tant quemployeurs et salariés, pour tirer la sonnette dalarme et dire quil nest pas question daller noyer la CIMR dans un autre régime pour sauver ce dernier. Nous ne voulons pas voir nos engagements futurs obérés. Le deuxième axe est quil faut mettre un socle assez bas obligatoire, comme le système de la CNSS, et mettre un régime complémentaire, qui puisse être obligatoire, qui, lui, vient en complément. À mon avis, cest le meilleur schéma quon pourra mettre en place à lavenir. - F. N. H. : Le contrat-programme attendu pour le mois de mars est fin prêt avec un peu de retard ; quattendez-vous pour son exécution ? - B. B. : A quelques détails techniques près, le contrat est quasi-finalisé. Certes, il a été prévu pour le mois de mars dernier, mais il faut noter quon avait neuf ministères à syndiquer, dont le ministre de tutelle. Il a fallu parfois faire bouger des lignes assez difficiles; donc, cétait un travail de longue haleine. Il fallait prendre le temps de le finaliser. Notre souhait est de pouvoir signer la mouture finale avant le 10 juillet 2010. Cest un souhait que nous espérons voir concrétisé, surtout si ce contrat-programme est signé par les plus hautes autorités. - F. N. H. : Pour conclure, certaines compagnies dassurances expriment leur appréhension concernant les ALE et la concurrence étrangère que ces accords vont impliquer. Dans quelle mesure faut-il craindre ces ALE signés avec les USA et lUE ? - B. B. : Les USA, on ne les appréhende pas de la même façon que lUnion européenne pour la simple raison quon voit mal une compagnie dassurance américaine venir sinstaller pour faire de la croissance sur notre marché qui est de petite taille pour ces mastodontes. Mais la problématique diffère sagissant de lEurope. Dabord, il y a des acteurs dassurance européens, Axa et Zurich, présentes sur notre sur marché quelles connaissent dune manière historique. Maintenant, lALE avec lEurope nous fait plus peur que celui signé avec les USA. Peur non pas de voir une grande compagnie venir sinstaller, demander un agrément et démarrer à zéro sur ce marché. Ni même de voir des acteurs européens prendre des prises de participation dans des compagnies marocaines, chose qui serait la bienvenue Mais de voir des compagnies européennes de taille moyenne qui, au Maroc, sembleraient de plus grande taille et qui sattaqueraient à certaines niches au moment où, nous autres acteurs nationaux, subissons aussi bien les beaux risques que les mauvais. Donc, le risque est de voir arriver des opérateurs qui feraient de lécrémage en ne prenant que les beaux risques et surtout sils amènent des business modèles que nous navons pas. Nous souhaiterions dailleurs nous entretenir avec les pouvoirs publics concernant cet ALE avec lUE pour voir quelle ouverture pourra être donnée à notre activité dassurance, puisquil y a une sérieuse préoccupation du secteur face à ces ALE.