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Entretien : « Il est hors de question de noyer la CIMR »
Publié dans Finances news le 18 - 06 - 2010

l Si la retraite complémentaire est commercialisée depuis plusieurs années et génère 4 milliards de primes collectées, son développement doit se faire de manière plus structurée.
l Un intérêt particulier sera accordé à la retraite des indépendants au travers d’une législation obligeant à la retraire et à une meilleure fiscalité.
l Ne faisant pas partie de la Commission technique de la réforme de la retraite, les acteurs privés s’étonnent du scénario rendu public par voie de presse.
l Si l’ALE avec les USA n’inquiète pas le secteur, celui avec l’UE fera l’objet d’un débat avec les pouvoirs publics.
l Bachir Baddou, DG de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances, livre en toute franchise l’avis des acteurs sur les différentes problématiques auxquelles ils doivent faire face.
- Finances News Hebdo : La problématique de la retraite se pose actuellement avec acuité. Dans ce sens, quel rôle doivent jouer les compagnies d’assurances, notamment concernant la retraite complémentaire?
- Bachir Baddou : Il faut savoir que la retraite complémentaire est un produit que nous commercialisons depuis de longues années. Aujourd’hui, les produits qui sont destinés aux indépendants et qui sont aussi des retraites complémentaires pour les salariés du secteur privé, représentent quelque chose comme 4 milliards de DH de primes de collecte annuelle chez nous. Donc, c’est une réalité !
Le développement de la retraite pour les indépendants, et celui de la retraite complémentaire pour les salariés, se fait donc depuis plusieurs années. Mais faut-il le reconnaître, ce développement ne se fait pas de manière structurée puisqu’on ne fait essentiellement que la bancassurance.
- F. N. H. : Faudrait-il alors repenser les produits proposés ?
- B. B. : Il faut surtout améliorer la sensibilisation et la vulgarisation à ces produits. Aujourd’hui, nous avons un réseau extrêmement dynamique qu’est la bancassurance. Elle nous draine 80 à 90 % de l’activité commercialisée auprès du grand public. Il y a un effort important à fournir auprès des agents et des courtiers, notamment de formation et de support dans la commercialisation des produits. Et peut-être repenser avec eux les produits qu’ils commercialisent par rapport à ceux commercialisés par les banques. Ensuite, il faut sensibiliser les indépendants. Pour cela, il faudra procéder de deux manière distinctes.
Il y a d’abord la sensibilité par l’impôt. En effet, plus vous leur donnez un avantage fiscal, plus cela les encouragera à contracter des produits de retraite. Aujourd’hui, l’avantage fiscal qui leur est octroyé n’est pas si attrayant. En fait, on leur permet de déduire 6 % de leur revenu imposable. Cela veut dire qu’une personne qui touche 100.000 DH par an, peut prendre 6.000 DH pour une retraite, et elle n’est imposée que sur 94.000 DH. Alors que le salarié participe à une cotisation qui peut aller jusqu’à 100 % de son salaire de manière théorique.
Pour commencer, on dit qu’il est important de porter cet avantage fiscal de 6 à 20%.
- F. N. H. : Pourquoi 20 % ?
- B. B. : Parce que si l’on prend le secteur privé, la cotisation patronale plus la cotisation salariale tourne autour de 20 %. Dès lors, même l’indépendant doit être dans la possibilité de prendre 20 de son revenu et le mettre sur une retraite. Si l’avantage fiscal monte à 20%, il est certain que beaucoup d’indépendants viendront souscrire à une retraite.
- F. N. H. : Et quelle est la deuxième option pour mieux sensibiliser les indépendants ?
- B. B. : : Il faut légiférer ! Parce que, demain, ces indépendants représenteront un fardeau pour la société. Ainsi, quand le médecin ou l’architecte aura 65 ou 70 ans, qu’il ne pourra plus travailler et qu’il n’a pas de revenu, il deviendra en effet un fardeau.
Il est de la responsabilité du gouvernement de rendre la retraite obligatoire pour ces indépendants. Voici en quoi se résument ces deux mesures, dont celle plus rapide à mettre en place qu’est la mesure fiscale.
- F. N. H. : Si l’incitation fiscale est plus facile à mettre en place en un temps réduit, l’obligation de la retraire ne sera-t-elle pas difficile à instaurer ?
- B. B. : L’obligation de la retraite pose le problème du contrôle. Et à ce niveau, je peux citer une expérience qu’on a eu au Maroc au travers de l’assurance maladie des indépendants baptisée Inaya. Cette assurance est obligatoire, mais peu de gens le savent. Un médecin, un architecte, un pharmacien, un artisan… a l’obligation, de par la loi, de contracter cette assurance maladie; et pourtant tout le monde ne le fait pas !
Il ne le fait pas pour plusieurs raisons, la première étant que le produit pensé n’est pas très bien élaboré, le réseau de distribution n’était pas très dynamique, parce que les soins devaient se faire dans les établissements de santé publics…
Mais l’une des raisons qui nous intéresse concernant cette expérience est qu’il n’y a eu aucun dispositif de contrôle mis en place avec cette assurance obligatoire. Donc, il ne faut pas qu’on réitère cette erreur pour l’obligation de la retraite aux indépendants.
- F. N. H. : Comment cela est-il possible ?
- B. B. : Si on met en place l’obligation d’avoir une retraite pour un indépendant, il faut également mettre en place un dispositif de contrôle. Ce sera difficile, certes, mais il y a des moyens d’instaurer un contrôle rigoureux, notamment par l’impôt. En effet, au moment de la déclaration fiscale, on pourrait éventuellement demander à un indépendant une attestation prouvant qu’il a souscrit à une retraite.
- F. N. H. : Vous, en tant que Fédération des acteurs privés, comment avez-vous accueilli le scénario que prévoit la Commission technique sur la réforme de la retraite ?
- B. B. : Honnêtement, les grandes lignes de ce scénario, nous les avons apprises par voie de presse. D’abord, il n’est pas normal que nous, acteurs privés de l’assurance, nous ne fassions pas partie de cette Commission. Alors que nous sommes des acteurs majeurs et expérimentés dans le domaine.
Après, nous nous plaçons selon deux axes : d’abord, en tant qu’assurés, mais aussi en tant que Fédération membre de la CGEM et en tant qu’employeurs et salariés, pour tirer la sonnette d’alarme et dire qu’il n’est pas question d’aller noyer la CIMR dans un autre régime pour sauver ce dernier. Nous ne voulons pas voir nos engagements futurs obérés.
Le deuxième axe est qu’il faut mettre un socle assez bas obligatoire, comme le système de la CNSS, et mettre un régime complémentaire, qui puisse être obligatoire, qui, lui, vient en complément. À mon avis, c’est le meilleur schéma qu’on pourra mettre en place à l’avenir.
- F. N. H. : Le contrat-programme attendu pour le mois de mars est fin prêt avec un peu de retard ; qu’attendez-vous pour son exécution ?
- B. B. : A quelques détails techniques près, le contrat est quasi-finalisé. Certes, il a été prévu pour le mois de mars dernier, mais il faut noter qu’on avait neuf ministères à syndiquer, dont le ministre de tutelle. Il a fallu parfois faire bouger des lignes assez difficiles; donc, c’était un travail de longue haleine. Il fallait prendre le temps de le finaliser.
Notre souhait est de pouvoir signer la mouture finale avant le 10 juillet 2010. C’est un souhait que nous espérons voir concrétisé, surtout si ce contrat-programme est signé par les plus hautes autorités.
- F. N. H. : Pour conclure, certaines compagnies d’assurances expriment leur appréhension concernant les ALE et la concurrence étrangère que ces accords vont impliquer. Dans quelle mesure faut-il craindre ces ALE signés avec les USA et l’UE ?
- B. B. : Les USA, on ne les appréhende pas de la même façon que l’Union européenne pour la simple raison qu’on voit mal une compagnie d’assurance américaine venir s’installer pour faire de la croissance sur notre marché qui est de petite taille pour ces mastodontes.
Mais la problématique diffère s’agissant de l’Europe. D’abord, il y a des acteurs d’assurance européens, Axa et Zurich, présentes sur notre sur marché qu’elles connaissent d’une manière historique.
Maintenant, l’ALE avec l’Europe nous fait plus peur que celui signé avec les USA. Peur non pas de voir une grande compagnie venir s’installer, demander un agrément et démarrer à zéro sur ce marché. Ni même de voir des acteurs européens prendre des prises de participation dans des compagnies marocaines, chose qui serait la bienvenue… Mais de voir des compagnies européennes de taille moyenne qui, au Maroc, sembleraient de plus grande taille et qui s’attaqueraient à certaines niches au moment où, nous autres acteurs nationaux, subissons aussi bien les beaux risques que les mauvais.
Donc, le risque est de voir arriver des opérateurs qui feraient de l’écrémage en ne prenant que les beaux risques et surtout s’ils amènent des business modèles que nous n’avons pas.
Nous souhaiterions d’ailleurs nous entretenir avec les pouvoirs publics concernant cet ALE avec l’UE pour voir quelle ouverture pourra être donnée à notre activité d’assurance, puisqu’il y a une sérieuse préoccupation du secteur face à ces ALE.


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