* Le CDVM avait recommandé leur application aux entreprises cotées à partir de 2007. * Dix sociétés cotées à la Bourse de Casablanca ont fait le choix de basculer vers ce référentiel. * Plusieurs éléments bilanciels et dexploitation changent, ce qui affecte la valorisation et le résultat des sociétés. Les informations comptables ont toujours constitué, pour les différents partenaires dune société, le support danalyse, de contrôle et de prise de décision. Actionnaires particuliers ou institutionnels, créanciers, Administration fiscale et analystes financiers, tous utilisent ces informations, chacun dans un but, avec le besoin quelles soient fiables et quelles reflètent limage réelle de la société. Au Maroc, les normes comptables ont été en grande partie inspirées des normes françaises, conçues pour mettre en avant davantage laspect juridique et fiscal des états financiers que leur aspect économique. A titre dexemple, une machine acquise en leasing ne figurera nulle part dans lactif dune société, même si celle-ci lexploite dans son process de fabrication, quelle va la conserver pendant plusieurs années et quelle pourrait la garder à la fin, et ce pour lunique raison que, sur le plan juridique, la machine nest pas inscrite à son nom ! Ces considérations biaisent ainsi la sincérité des informations comptables qui, entre autres, servent à des analystes financiers pour émettre des recommandations au sujet dune société donnée, à des actionnaires actuels ou potentiels pour acheter, vendre ou conserver leurs actions. Si aux États Unis ou en Europe, cette manière de présenter les comptes a changé avec ladoption du référentiel IFRS (International Financial Reporting Standards) qui, lui, fait ressortir la réalité économique de lentreprise, le Maroc, lui, rattrape son retard lentement. Une circulaire du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) précise quà compter de lannée 2007, les groupes cotés au premier compartiment de la Bourse de Casablanca peuvent publier leurs comptes consolidés, soit selon la législation marocaine, soit selon les normes IFRS. Actuellement, dix sociétés cotées publient déjà selon les normes IFRS et dautres sy préparent encore. Maroc Telecom a été le premier à franchir le pas. Sa cotation à la Bourse de Paris en a été la principale raison. Holcim Maroc la fait, entre autres, pour se conformer aux normes de sa maison-mère en matière de reporting. Le groupe ONA ( et par ricochet lensemble de ses filiales) a adopté les mêmes normes en raison de son ouverture à linternational et sa double cotation (Paris et Casablanca) Mais quelle que soit la raison du choix, la publication selon ces normes «constitue pour les dirigeants des instruments de gestion plus efficients, pour les analystes des informations économiques plus proches de la réalité afin démettre les bonnes recommandations et, pour les actionnaires actuels ou futurs, un support fiable pour prendre les bonnes décisions dinvestissement», explique un analyste financier de la place. La présentation des comptes change. Il faut dire quil existe de nombreuses différences entre les normes IFRS et celles de chaque pays. Dans le cas du Maroc, il existe des différences tant au niveau de la présentation des comptes quau niveau de leur formation. À commencer par le bilan. Au niveau de la présentation des comptes, le classement nest pas le même dans les normes marocaines que dans les IFRS. Ces dernières répartissent en effet les actifs dune société en actif courant et non-courant, de même pour le passif. Le non-courant représente les ressources et les emplois dont la durée dépasse une année, et le courant ce qui est inférieur à cette durée, et ce quel que soit lobjet de ces emplois et ressources. À titre dexemple, même si une société contracte un crédit dinvestissement, il sera classé parmi les passifs courants si sa durée est inférieure à une année. Les immobilisations en non-valeur ne figurent pas dans un bilan IFRS. Étant par nature des charges et non pas un patrimoine, leur constatation se fait au niveau du compte de résultat. Au passif, la part des fonds propres qui revient aux actionnaires minoritaires est mise en exergue, contrairement au système actuel. En outre, le bilan IFRS intègre une partie du hors bilan actuel, comme les produits dérivés. Les immobilisations prises en crédit-bail, elles, sont intégrées dans lactif et leur contrepartie figure dans les dettes à long terme. Et ce nest pas tout, il y a plusieurs autres reclassements qui peuvent changer de manière significative la valeur des entreprises (voir le cas du groupe ONA ci-contre). Mais cest incontestablement la notion de la juste valeur qui affectera nettement leur patrimoine. En ce sens quelle impose aux sociétés lévaluation à la valeur du marché de certains biens quelles possèdent. Cette notion vient sopposer à celle employée actuellement, basée sur les coûts dacquisition (coût historique) et leur amortissement éventuel ainsi que sur la nécessité de prudence. Ce principe rend la valeur des sociétés plus volatile, car à chaque publication elles doivent comptabiliser les gains et les pertes latents, si la valeur de marché des actifs évolue. Au niveau du compte de résultats, les normes marocaines exigent une présentation par nature de produits et de charges, alors que les IFRS donnent le choix aux entreprises entre cette présentation et une autre basée sur un classement par centres de dépenses (administration, production, commercial...). Pour le chiffre daffaires, il doit tenir compte des remises et rabais accordés, contrairement aux normes marocaines où ils sont comptabilisés dans un compte spécifique. Concernant le calcul des amortissements, il obéit au rythme de dépréciation économique des actifs. Aucun mode ni durée damortissement fiscale ne sont imposés. Du côté des frais financiers, il y a lieu, dans le compte de résultats, selon la méthode IFRS, de déterminer le coût de lendettement net, incluant entre autres, les frais de dossier doctroi de lemprunt, les frais denregistrement Le résultat non-courant, pour sa part, disparaît totalement du compte de résultat. Les éléments qui le constituent sont tout simplement répartis selon leur objet et leur nature dans le résultat dexploitation. Et au niveau du résultat net, les normes internationales exigent de mentionner le bénéfice par action La liste est loin dêtre exhaustive, dautres différences existent presque partout dans les états financiers. Tout cela est, bien entendu, dans lintérêt des investisseurs et des créanciers, vu le degré élevé de la transparence et la logique plus économique dans létablissement des comptes. Ce changement représente, pour une entreprise, un investissement lourd en termes dargent et de temps, ce qui peut constituer un frein au passage à ces normes. Mais tôt ou tard, toutes les entreprises, même celles qui ne sont pas cotées en Bourse, devront changer de référentiel. Autant, donc, sy préparer dès maintenant !