Le projet de Loi de Finances semble désormais sur les rails après le récent test concluant de la Chambre des Conseillers. La mise en uvre des grandes orientations du Budget ne sera certes pas aisée mais le gouvernement a voulu faire valoir une attitude volontariste quant à la préservation des grands équilibres fondamentaux. Rappel. Cest fait : le projet de Loi de Finances pour lexercice 2005 a été adopté, la semaine dernière, par la Chambre des Conseillers en séance plénière, par 62 voix pour et 24 contre. Auparavant, le projet de Loi avait été adopté, le 17 novembre, par la Chambre des Représentants par 81 voix contre 36. Le projet a fait lobjet, le 13 décembre, dintenses discussions au sein des différents groupes parlementaires à la Chambre des Conseillers. Intervenant à cette occasion devant les Conseillers, le ministre des Finances et de la Privatisation, Fathallah Oualalou, a notamment déclaré que ce projet de Loi se caractérise par une «forte dimension sociale» dans la mesure où 55% du Budget général de lEtat ont été réservés aux secteurs et services sociaux. Une attitude sociale volontariste qui fait dire à lArgentier du Royaume que le gouvernement persévérera dans cette voie, précisant que «le Maroc progresse et il a même franchi des étapes importantes dans plusieurs secteurs». Tractations et échanges de vues Au cours de cette séance à la Chambre des Conseillers, le groupe parlementaire du RNI (Rassemblement National des Indépendants) a insisté sur le fait que «le projet de Loi de Finances 2005 intervient dans une conjoncture marquée par des contraintes extérieures et dautres urgentes, notamment celles relatives à laugmentation des cours de pétrole, aux retombées des accords de libre-échange signés avec plusieurs pays et aux dépenses internes affectées par lEtat pour la lutte antiacridienne, le séisme dAl Hoceima et la mise en oeuvre des dispositions du dialogue social». Toutefois, quelques réserves ont été émises. En effet, même sil accorde la priorité aux salaires et aux retraites, le projet de Loi de Finances «ne répond pas aux attentes concernant le volet social», indiquent les représentants du groupe parlementaire qui estiment par ailleurs que ce projet, à linstar des années précédentes, a veillé à préserver surtout les grands équilibres financiers. Le groupe de lUnité et de lEgalitarisme a, pour sa part, insisté sur le fait que cette Loi budgétaire 2005 a veillé à la maîtrise du déficit et de linflation, appelant à accorder davantage dintérêt au facteur humain afin de réaliser le développement des ressources de lEtat par le biais notamment des programmes qui visent le mieux à remédier aux dysfonctionnements que connaissent certains secteurs sensibles. Qualifiant d«ordinaire» le projet de Loi, le groupe Démocratique a, en ce qui le concerne, mis en avant surtout les nouvelles donnes mondiales qui pourraient affecter la conjoncture nationale, telles que laugmentation du prix du pétrole et la stagnation de la croissance au niveau international. Le groupe a notamment souligné la nécessité de dynamiser loutil du développement durable en vue dédifier une société démocratique et moderne et daccompagner les mutations politiques et sociales que connaît le monde. Contraintes et facteurs exogènes Quelles sont donc les forces et les faiblesses de ce projet de Loi de Finances 2005 longtemps soumis aux tractations parlementaires ? La plupart des députés qui se sont penchés dessus ont aussi relevé que la dette extérieure continue à peser sur le Budget, lequel se caractérise par une stagnation du budget d'équipement, une faiblesse des ressources allouées aux secteurs sociaux et un accroissement de la masse salariale. Le projet de Loi intervient, en effet, dans une conjoncture marquée par des contraintes particulières comme les accords signés par le Maroc avec les Etats-Unis, l'Egypte, la Jordanie, la Tunisie et la Turquie. À ce sujet, les observateurs sinterrogent sur la capacité de la législation marocaine à se mettre en phase avec celles qui sont en vigueur dans ces pays et plus dun expriment des inquiétudes quant à la capacité concurrentielle actuelle des produits marocains. Lorsquil avait présenté le projet de Loi devant la Commission des Finances et du Développement, à la Chambre des Représentants, Fathallah Oualalou avait indiqué que le texte tablait sur un taux de croissance de 3%, un taux d'inflation de 2% et un déficit budgétaire de 3,2% du PIB. Le projet, établi notamment sur la base d'un baril de pétrole à 35 dollars et une campagne céréalière supérieure à la moyenne des trois dernières années, prévoit des charges totales de l'ordre de 186,63 milliards de DH, en hausse de 11,07% par rapport à 2004 et des ressources de 185,92 milliards de DH (+10,91 %). Pour sa part, le Premier ministre, Driss Jettou, a déclaré, avant les discussions en commissions parlementaires, que le projet de Loi pour lexercice budgétaire 2005 s'inscrit dans une logique de développement durable, préserve les équilibres fondamentaux, consolide les engagements sociaux et entend accélérer le rythme de la croissance en dépit de plusieurs contraintes imprévues auxquelles le Maroc a dû faire face. Pour sa part, Nabil Benabdellah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a estimé que ce projet intervient après une année où le pays a dû affronter plusieurs problèmes inattendus, comme la flambée des prix des produits pétroliers et ses répercussions sur la Caisse de Compensation, le séisme qui a frappé Al Hoceima et l'invasion acridienne dans le Sud du pays. Les réserves du Patronat En tout état de cause, il faut rappeler que le projet de Loi de Finances 2005 s'assigne notamment pour objectifs l'accélération du rythme de la croissance, la prise en considération de la dimension sociale, la promotion des exportations, l'amélioration de la compétitivité des entreprises et des produits marocains et l'ancrage de la politique de réformes dans les domaines de l'administration, de l'enseignement, de la justice, du financement et de la fiscalité. Le patronat, comme toujours, avait émis quelques réserves sur le texte. Parmi les points importants relevés à cet effet, la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) a souligné le renvoi à 2006 de la baisse de l'IGR de 44% à 41,5 % (promise l'année dernière) ainsi que la nécessité d une refonte de la fiscalité dans son ensemble. Selon la Confédération, le système fiscal marocain, inspiré de celui des pays occidentaux, aurait montré ses limites. Hassan Chami, président de la CGEM, avait insisté sur le fait qu«il est temps pour le gouvernement de mettre au point une véritable réforme pour la fiscalité locale ; une fiscalité qui peut répondre aux exigences et aux spécificités des PME, dans le but de les doter d'une certaine crédibilité». Le patron des patrons a par ailleurs souvent appelé à la mise sur pied d'une fiscalité capable d'attirer les entreprises qui évoluent dans le secteur informel, lequel pèse lourdement sur léconomie nationale, tout en souhaitant que le gouvernement lance les réformes économiques qui s'imposent , entre autres la baisse de la TVA (entre 7% et 12%) et sa généralisation à tous les secteurs sans exception