Le crédit à la consommation, métier principal des sociétés de financement, évolue dans un environnement concurrentiel en perpétuelle mutation. Créée en 1994, l'APSF (Association Professionnelle des Sociétés de Financement) veille à l'accompagnement de ses membres vers de meilleures pratiques du crédit ainsi qu'à la modernisation de l'activité des sociétés de financement. Mostafa Melsa, son délégué général, sen ouvre à Finances News Hebdo. Finances News Hebdo : Quelles sont les principales missions de l'APSF ? Mostafa Melsa : L'APSF, qui a célébré son 10ème anniversaire en avril dernier, oeuvre à l'amélioration du cadre général des activités de financement au service du développement social et économique du pays. En plus d'être le porte-parole des sociétés de financement, dans leur nouveau statut d'établissements de crédit, auprès des autorités monétaires, des partenaires institutionnels ainsi que vis-à-vis des organisations consurs, l'APSF joue un rôle primordial dans la représentation et la défense des intérêts des professions qu'elle réunit. Elle agit pour développer avec ses partenaires des relations de confiance afin de promouvoir les règles d'éthiques et notamment le code de déontologie. Ces règles visent à consolider l'image des sociétés de financement. F. N. H. : Comment se présente l'activité des sociétés de financement, et en particulier celle du crédit à la consommation ? M. M. : Dans l'attente des résultats définitifs de quelques sociétés, les éléments recueillis à fin septembre 2004 montrent une progression équivalente à l'année dernière, et qui est de 6%, de l'encours des crédits distribués par le secteur. Quant au métier du crédit à la consommation, on constate une diminution continue de la part des prêts affectés, notamment celle de l'équipement domestique, en faveur des prêts non affectés qui regroupent les prêts personnels et les crédits par carte. Ce dernier est appelé crédit renouvelable. Le client détient une carte avec laquelle il peut effectuer des achats auprès du magasin de son choix à condition que ce dernier ait une convention avec une société de crédit. Si l'on se réfère aux statistiques, les crédits pour l'équipement domestique ont chuté en 2002, date du début de lancement de la gamme des prêts personnels. Alors qu'il atteignait 1,2 milliard de DH en 1995, l'encours des crédits affectés à l'équipement domestique a reculé pour atteindre 580 millions de DH en 2002 et 448 millions de DH à fin décembre 2003. Quant aux crédits personnels, ils ont connu un départ spectaculaire en 2002 avec un encours total de 11,8 milliards de DH et de 12,5 milliards de DH en 2003. F. N. H. : Comment expliquez-vous cette préférence pour le crédit non affecté ? M. M. : Avant, les clients passaient par des revendeurs pour acheter des biens à crédit. Cependant, il s'est avéré que des revendeurs sans scrupule octroyaient le crédit eux-mêmes, c'est-à-dire qu'au lieu de vous donner des produits, ils constituent un dossier et vous donnent de l'argent. Pour arrêter ce genre d'incidents, qui portent atteinte à la profession, nous avons décidé de ne plus opérer qu'avec des revendeurs modernes comme Marjane et le Comptoir de lElectroménager, autant de revendeurs qui ne peuvent pas donner de l'argent au lieu dune marchandise. C'est ce qui explique le recul des crédits affectés. F. N. H. : Les créances en souffrances sont passées de 750 millions de DH en 1996 à 3,5 milliards de DH en 2003. Quelles sont les raisons de cette montée ? M. M. : Le fait qu'il y ait plus de créances douteuses ne veut pas dire qu'il y a plus de casse. L'explication est que de 1995 à 1998, les sociétés de crédit ne classaient pas les créances en souffrance comme le demande Bank Al-Maghrib. La circulaire n°19/G/2002 relative à la classification des créances en souffrance et à leur couverture par des provisions est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Depuis 1998, les sociétés de crédit filiales de banques ont commencé à déclasser les créances en souffrance. Le mouvement s'est accentué en 2001 et en 2002 puisque Bank Al-Maghrib donne un délai-limite jusqu'à fin décembre 2004 pour que toutes les sociétés de crédit procèdent à la mise à jour du classement des créances et à la mise en oeuvre des règles de provisionnement. Ainsi, l'accroissement des créances en souffrance n'est qu'un déclassement «comptable» et ne constitue pas une augmentation du risque. F. N. H. : Justement, quelles sont les actions que vous avez entreprises pour la maîtrise du risque ? M. M. : L'APSF a acquis le Système d'Aide à l'Appréciation du Risque qui permet aux membres d'être plus vigilants lors de la constitution d'un dossier de crédit. La société peut ainsi consulter en ligne l'historique des candidats au crédit et savoir sil a des comptes avec une autre société et, éventuellement, des impayés. C'est ensuite à la société de décider de l'éligibilité de ce client au crédit. F. N. H. : La problématique du surendettement des ménages est toujours à l'ordre du jour. Quelle est la position de votre association sur ce problème ? M. M. : Tous les membres des sociétés de financement s'engagent, à travers le code déontologique, à ne pas donner du crédit à un client qui ne peut pas payer, sachant qu'en amont, c'est la société elle-même qui ne sera pas remboursée. Notre souci est de ne pas endetter le client mais de recouvrer la créance en proposant au client les crédits les mieux adaptés à son besoin et en tenant compte des informations qui le concernent, notamment la déclaration de son endettement global et de sa capacité de remboursement. En général, la part maximale prélevée du revenu, prévue dans le code de protection du consommateur, est de 40%. F. N. H. : Comment réagissez-vous à la baisse continue du Taux Effectif Global ? M. M. : Quand le TEG baisse, la marge des sociétés de crédit baisse, elle aussi. Même l'Etat y perd puisque la baisse du résultat affecte l'impôt redevable. Ce que nous avons proposé à nos partenaires comme la Banque Centrale et la Direction du Trésor, est de libéraliser les taux. Puisque la concurrence existe, les sociétés de crédit qui travaillent avec des clients à risque appliqueront un taux correspondant à ce risque. Quant à ceux qui travaillent avec des clients moyennement risqués, ils appliqueront des taux moyennement élevés. En effet, dans un marché concurrentiel, le taux d'équilibre est le taux du marché. Les clients qui présentent du risque et qui le savent accepteront un taux élevé qui est le taux du marché augmenté d'une prime de risque. La libéralisation des taux est la solution la plus équitable et la plus raisonnable. Il ne faut pas que les bons clients paient pour les mauvais. F. N. H. : Avez-vous des projets en cours ? M. M. : Nous allons signer une convention avec la Caisse Marocaine de Retraite pour donner du crédit aux retraités. Nous allons ainsi permettre aux retraités qui ont des ressources de reprendre leur dignité et de pouvoir s'offrir les biens dont ils ont besoin. La convention est élaborée et elle est soumise à une commission juridique pour qu'elle puisse l'entourer d'un maximum de sécurité afin de s'assurer que ce qu'on va prélever au retraité est un montant raisonnable. Ensuite, vient l'aspect technique que nous sommes en train de finaliser avec l'ancienne Direction de la Rémunération et du Paiement des Pensions, concernant la transmission de l'information notamment, la consultation, la réservation, le prélèvement, etc. Cette nouveauté peut être considérée comme une révolution de la pratique du financement par le crédit. F. N. H. : Un mot pour conclure M. M. : Le crédit à la consommation devrait avoir de beaux jours devant lui car les besoins augmentent et se diversifient. Les sociétés de crédit se professionnalisent et se modernisent en utilisant des technologies de pointe. Elles s'entourent d'outils d'appréciation du risque, aussi bien en interne, via le scoring, que collectivement par le biais du Système d'Aide à l'Appréciation du Risque. Des partenariats se créent entre les différents acteurs du secteur... Il y a toutefois une petite tache noire au tableau, en loccurrence le taux qui pénalise les sociétés de crédit, surtout que les taux de refinancement ne baissent pas dans les mêmes proportions que le taux de vente. Or, toute entreprise est censée se pérenniser et se développer, mais si elle ne met pas des moyens de côté, elle ne pourra pas y parvenir.