* La plupart des pays vont maintenir leur plan de relance pour 2010 et une sortie de crise définitive est prévue en 2011. * Le taux de chômage moyen affiché actuellement au Maroc nécessite une révision de son mode de calcul. * Pour bien préparer laprès-crise, il faut sattaquer aux réformes structurelles. * J. Kerdoudi, président de lIMRI, livre son point de vue. - Finances News Hebdo : Les plans de relance adoptés par certains pays touchés par la crise commencent à donner les fruits escomptés. Toutefois, on craint que la reprise ne soit éphémère, voire dopée par les fonds injectés massivement et que lon risque de sombrer encore une fois dans la crise ? Quen pensez-vous ? - Jawad Kerdoudi : En effet, les plans de relance, notamment dans les grands pays : Etats-Unis, Union européenne et Chine ont commencé à donner les fruits escomptés. La plupart des pays sont sortis de la récession au troisième trimestre 2009 : Etats-Unis (+ 0,9%), Zone Euro (+ 0,4%), Japon (+ 1,2%), Brésil (+ 1,9%) et Russie (+ 0,6%). Quant à la Chine et lInde, elles ne sont pas tombées en récession, et il est prévu une croissance pour 2009 de 6,1% pour la Chine et de 5% pour lInde. Selon le FMI, léconomie mondiale terminera 2009 avec une légère récession de 1,1%, tandis quelle croîtra de 3,1% en 2010. Je ne pense pas quon va sombrer dans une nouvelle crise en 2010, car la plupart des pays vont maintenir leur plan de relance pour 2010, et il est même prévu une sortie de crise définitive en 2011. - F. N. H. : On prétend que léconomie nationale a démontré sa capacité de résilience en dépit de quelques résultats négatifs. Peut-on savoir quelles sont les raisons sous-jacentes à cette capacité de résilience ? - J. K. : Léconomie nationale a démontré sa capacité de résilience pour deux raisons. Dabord le système financier marocain, du fait du contrôle de lOffice des changes, était dépourvu de titres «toxiques», avec un faible recours au marché financier international, et une proposition réduite de lendettement de notre pays en devises étrangères. La seconde raison est la bonne tenue depuis lannée 2000 des indicateurs macro-économiques : taux de croissance de lordre de 5%, inflation et déficit budgétaires inférieurs à 3%, balance des paiements excédentaire jusquen 2007. Cependant, léconomie marocaine a commencé à être impactée par la crise à travers le canal réel à partir du 4ème trimestre 2008. Cet impact sest traduit à fin septembre 2009 par une baisse des exportations (- 17%), des recettes voyages (- 8,8%), des transferts MRE (- 9,7%) et des investissements directs étrangers (- 30%). Malgré ces mauvais résultats, léconomie marocaine va connaître une croissance en 2009 de 5,3%, du fait de lexcellente campagne agricole 2008-2009 (+ de 100 millions de quintaux de céréales). - F. N. H. : En tant que président de lIMRI, quelle appréciation faites-vous sur les mesures durgence prises dans le cadre du Comité de veille sachant que de nombreuses entreprises estiment que si elles ont pu voir le bout du tunnel, cest en grande partie grâce à des mesures déployées en interne ? - J. K. : Le gouvernement a institué en février 2009 un Comité de veille stratégique, qui a adopté des mesures incitatives pour accompagner les secteurs exportateurs les plus touchés : textile, cuir, équipement automobile. Il a par la suite étendu son action à dautres secteurs, tels que limmobilier et la pêche maritime. Je pense que ces incitations ont aidé les entreprises à sortir du tunnel, sans minimiser les mesures déployées par les entreprises en interne qui sont toujours les plus efficaces. - F. N. H. : Sous dautres cieux, la sortie de crise serait synonyme dun taux de chômage élevé. Quen est-il du Maroc où il est toujours aussi accentué ? - J. K. : Du fait de la crise, il y a eu beaucoup de pertes demplois, surtout dans le secteur textile (perte de 12.000 emplois à fin avril 2009). Daprès les chiffres officiels, le taux de chômage a été maintenu à 9,6% de la population active. Mais ce taux moyen nindique pas le chômage urbain qui est très élevé, ainsi que celui des jeunes diplômés. De plus, ce taux moyen prend en compte les travailleurs du monde rural, qui ne bénéficient que dune activité précaire et dun revenu faible. Il est indispensable daugmenter la création demplois, qui seule permet de lutter contre la pauvreté (9% de la population totale) et la vulnérabilité (17,5% de la population totale). - F. N. H. : A linstar de la crise, laprès-crise pourrait être une étape difficile pour notre tissu économique. Pensez-vous que le projet de Loi de Finances 2010 se veut en adéquation avec la sortie de crise ? - J. K. : Le projet de Loi de Finances 2010 a prévu deux mesures fondamentales pour la sortie de crise. La première est la préservation du pouvoir dachat des ménages afin de stimuler la consommation intérieure. Le projet prévoit aussi la réduction de limpôt sur le revenu, laugmentation des salaires des fonctionnaires, et le soutien des prix de base par la Caisse de Compensation. La deuxième mesure est laugmentation de 20% des investissements publics, qui vont stimuler lactivité économique et contribuer à résorber le chômage. Cependant, les résultats de léconomie marocaine de 2010 dépendent de trois facteurs inconnus pour le moment. Il sagit tout dabord de la vitesse de reprise économique en Europe, principal marché du Maroc, et principal pourvoyeur dinvestissements et de touristes. Le second facteur est la prochaine campagne agricole 2009-2010, dépendante de la pluviométrie. Le troisième facteur est le prix du pétrole qui risque daugmenter au-delà de 75 $ le baril, niveau adopté par la Loi de Finances 2010. Mais au-delà de ces mesures de court terme et pour bien préparer laprès-crise, il faut sattaquer aux réformes structurelles. Ces réformes doivent concerner lamélioration de la compétitivité de léconomie marocaine, et notamment celle des exportations, et de lagriculture qui reste dépendante de la pluviométrie. Au niveau du budget, il y a lieu de maîtriser les dépenses et notamment les frais de fonctionnement. Une réforme de lEtat est également indispensable pour améliorer lAdministration en général, et surtout les départements de lEducation et de la Justice. Sans oublier la Recherche et Développement qui doit devenir prioritaire, aussi bien pour lEtat que pour les entreprises du secteur privé.