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Jean-Marie Messier : La crise est encore devant nous !
Publié dans Finances news le 22 - 10 - 2009

* La crise du Dollar, la difficulté des entreprises et la dette publique, autant de raisons qui réconfortent l’ex-PDG de Vivendi Universal dans son analyse.
* Régulation internationale du système financier mondial, correction des excès et limitation du virtuel dans les transactions, sont autant de pistes de salut.
* La reprise ne sera pas automatique : la récession risque d’être longue, selon l’auteur du livre Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête.
Jean-Marie Messier, le président fondateur du cabinet Messier-Partners, sort d’un long silence de six ans, date de son départ «fracassant» de Vivendi Universal. L’ex-PDG de VU est de plus en plus sous les projecteurs après la sortie de son livre Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête. Un livre paru aux éditions du Seuil qui a été édité deux fois et qui revient avec du recul, sur la crise économique actuelle.
Invité par Economie/Entreprises et Kompass Maroc, Jean-Marie Messier est venu présenter son livre à la presse marocaine et livrer l’essentiel de son analyse de cette crise qui a secoué le monde entier.
L’ouverture du livre rappelle les faits et comment la faillite d’une banque -le Trésor des USA n’ayant pas voulu venir au secours de Lehman Brothers- a provoqué un effet domino qui, par la suite, affectera le monde entier. Une faillite dont personne ne mesurait l’effet ni même les conséquences. Lehman a tout simplement servi de gâchette à l’implosion du capitalisme. La suite, tout le monde la connaît, mais le livre y revient de manière plus piquante.
Le plus important à retenir de ce que Messier pense de la crise est qu’elle est encore devant nous. Jean- Marie Messier, J2M pour les intimes, se défend d’être un expert, mais parle plutôt en sa qualité d’acteur engagé. Et il évoque les principales raisons qui laissent croire que la crise n’est pas encore passée.
En effet, si les produits de type subprimes ont été cantonnés, il faut les financer. «On a tout le financement des opérations folles à effet de levier qui va nous tomber sur la figure entre l’été 2010 et la fin 2011. Et puis, on a la prochaine bulle qui arrive déjà, c’est celle de la dette publique. Les Etats font beaucoup de déficit qu’il va falloir financer», explique Messier.
La troisième raison est que la crise du Dollar n’est pas finie. «En effet, le déséquilibre américain est toujours là et la baisse du Dollar va se poursuivre. Et la clé de la réponse à cet aspect de la crise est en Chine et nulle part ailleurs», estime l’ex-PDG de Vivendi Universal.
Autre raison qui laisse croire que la crise n’est pas finie : les entreprises continuent de souffrir. Certes, de multiples plans sociaux ont été lancés, mais il y a toujours des entreprises qui ferment leurs portes avec des pertes d’emplois se chiffrant par milliers.
Même si Messier dresse un tableau noir de la situation actuelle, il n’en demeure pas moins optimiste. Il dévoile ainsi certaines pistes de réflexion pour sortir le système économique de cette crise aux multiples ramifications.
En effet, trois axes ont été identifiés par Messier. Tout d’abord, il ne faut pas se ramollir face à cette euphorie ou semblant de reprise qui s’avère éphémère. «Dès que ça va un peu mieux, la volonté politique a tendance à s’effriter. Les lobbies reprennent du poids. Donc, il ne faut pas mollir dans la correction des excès. Je prends deux ou trois exemples : il faut responsabiliser les banques par rapport aux risques. Et si celles-ci prennent un gros risque et qu’elles se plantent, qu’elles payent ! Il est important dans ce sens d’adapter les outils de contrôle. Ainsi, quand on parle de finance mondiale, il faut des régulateurs mondiaux. Troisième chose à faire : limiter le virtuel. Donc, fini la vente à découvert ! On ne vend plus que ce que l’on a !», prévient J2M.
Le deuxième point à prendre en considération pour sortir de cette crise est de ne pas perdre de vue que tous les gouvernements et Etats du monde dépensent beaucoup d’argent pour s’en sortir. Or, le financement de ces plans de relance crée des déficits qui endettent les générations futures. «En gros, on est en train de dire aux jeunes que notre génération a fait des conneries et que pour les réparer on dépense beaucoup d’argent en les endettant, eux; c’est-à-dire une à deux générations. Pour moi, la conséquence de ce constat est qu’il faut au moins utiliser massivement cet argent public sur un nombre de sujets qui soient justement utiles aux générations futures. J’en énumère trois : l’éducation, les énergies renouvelables et le développement de la société numérique», souligne l’auteur de Le jour où le ciel nous est tombé sur la tête .
Loin de l’économie, la politique a également un rôle à jouer pour faire en sorte que le monde avance à l’endroit et pour donner leur chance aussi aux pays émergents. Dans ce sens,
Jean-Marie Messier défend l’idée d’un monde à plusieurs pôles et non seulement un monde dirigé par le G20. Il évoque d’ailleurs la pertinence de créer des leaderships régionaux. «C’est un bon moment pour qu’un pays comme le Maroc fasse valoir son droit de leadership dans la région. Il est vrai que le Maroc, par le rôle d’intermédiaire qu’il se donne avec l’Afrique subsaharienne, peut être un moteur de quelque chose d’aussi important que le G20 dans la relance de la relation entre l’Europe et l’Afrique. Le continent africain est un continent qui se développe énormément et nous avons beaucoup de mal à assurer ce dialogue. Et si le Maroc est à même, seul ou avec d’autres, de promouvoir cette idée d’être cette interface privilégiée entre l’Europe et une grande partie de l’Afrique, c’est bon pour le monde !» , estime
Jean-Marie Messier.
La reprise n’est vraiment pas pour demain
«Je ne crois pas à une reprise automatique», semble être persuadé J2M. Le semblant de reprise n’est que passager, lié à l’effet dopant des plans de relance et de l’argent public injecté massivement dans le système économique mondial. «Quand les plans de relance s’éteindront petit à petit et que les problèmes de financement ne seront pas pour autant résolus, on va se retrouver au pied du mur. C’est là où on aura des risques sur la reprise de la croissance. Moi, je ne crois pas à une reprise rapide et durable. Je pense qu’on a un effet conjoncturel dû à l’argent. Mais nous avons tellement de problèmes devant nous qu’il va y avoir des hauts et des bas sur la courbe de la croissance», conclut Messier. On parle de croissance en U, en W. Messier estime que, pour l’instant, on est bien parti sur un L puisqu’il n’y a pas de reprise automatique et qu’il faudra par la suite voir comment passer du L au U.
Il estime que si l’on n’est pas capable d’opposer une régulation mondiale au système financier, si l’on n’est pas non plus capable de limiter l’économie de la finance virtuelle, la crise qu’on a connue depuis un an reviendra et plus fort encore que la précédente. Il n’y a pas de choix. Sinon, on va vers un vrai désastre ! On vous aura prévenus !


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