* La vacuité de la dernière circulaire du CDVM laisse les observateurs perplexes. * Pour débarrasser le marché boursier de certaines pratiques malsaines, il faudra à Hassan Boulaknadel une bonne dose de témérité. Qui, pour surveiller les sociétés de Bourse ? La question peut, a priori, paraître saugrenue dès lors que lon sait que cest le Conseil déontologique des valeurs mobilières qui est censé veiller au bon fonctionnement de la place en édictant notamment un ensemble de textes réglementaires susceptibles dêtre respectés par les différents intervenants sur le marché boursier. Cette interrogation semble néanmoins tout à fait légitime au regard de certaines pratiques qui ont tristement rendu célèbre la Bourse de Casablanca. Même avec une mémoire qui sérode avec le temps, on ne peut, en effet, enterrer dans la trappe de lhistoire du marché tous ces scandales qui ont quelque peu révolté la presse et la communauté financière sous le regard ô combien passif du gendarme du marché : délits dinitié (sans jamais de coupable), transactions douteuses, compromis malsains Au point que les observateurs avertis réclamaient tous une meilleure réglementation du marché avec davantage de pouvoir daction et de sanction dévolu au CDVM. Dans ce sens, les réformes annoncées il y a quelques mois par le ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, léviction des anciens membres du Directoire de la Bourse suite à l«affaire Boursomaroc», ainsi que la nomination de Hassan Boulaknadel à la tête du CDVM sonnaient comme le début dune grande opération dassainissement du marché. Que nenni ! Si, pour autant, aucun fait majeur na été porté sur la place publique depuis lors (peut-être à cause de la morosité du marché ), rien ne semble avoir été initié pour freiner certains agissements pernicieux et impunis à lorigine desquels on trouve souvent les sociétés de Bourse. Et ce nest pas le dernier projet de circulaire du CDVM, soumis, dit-on, à lappréciation publique, qui pourra y mettre un terme. Au risque de heurter ceux qui ont certainement passé des heures à la rédiger, la vacuité de cette circulaire (voir page suivante) leur reviendra à la figure comme boomerang dès lors que le marché entrera en «ébullition», à la faveur notamment des introductions en Bourse. Surtout quil ne faudrait pas sattendre à ce que ceux auxquels elle a été soumise, en loccurrence les patrons de société de Bourse, y apportent une quelconque modification en leur défaveur : cest comme leur demander de fournir au CDVM la corde avec laquelle elles vont être pendues. Hassan Boulaknadel, rompu aux rouages du marché financier, lui-même issu du «milieu», devrait le savoir. Et si, à sa nomination, la communauté financière la crédité dun préjugé favorable, cest parce quelle attend de lui une réorganisation en profondeur du marché. Non pas dans le sens de conforter les sociétés de Bourse dans certaines pratiques, lesquelles sapparentent souvent à de la délinquance financière, mais plutôt dans loptique de les contraindre à davantage de déontologie et de rigueur professionnelle tout en les débarrassant de leur mercantilisme outrancier. Et cest sur ce terrain-là que Boulaknadel doit faire ses preuves. Sauf que cette circulaire laisse circonspect quant à la pertinence des actions futures quaura à initier le CDVM. Il faudra pourtant que le gendarme du marché soit plus incisif, voire plus téméraire dans ses initiatives si toutefois il veut être une «autorité du marché» au vrai sens du terme. Lon sen doute, cette tâche ne sera pas une sinécure. Car se mettre les sociétés de Bourse à dos, cest indirectement sattirer la vindicte des grands groupes auxquelles elles sont pour la plupart adossées; ces donneurs dordre qui font et défont le marché à leur convenance. Pour autant, appréhendé sous un autre angle, cest, également, une manière de se crédibiliser auprès de la communauté financière et de certaines sociétés de Bourse qui ont érigé léthique en principe de base et qui ne disposent pas de tickets dentrée pour faire du lobbying auprès des instances de décision. Cest un choix à faire. Facile si le CDVM est véritablement «lautorité qui veille sur notre épargne». Difficile sil veut ménager la chèvre et le chou. Alors, qui, pour surveiller les sociétés de Bourse ? La réponse est, inévitablement, dans le choix quopérera le gendarme du marché.