* LAssociation des économistes istiqlaliens vient de proposer un mécanisme dincitation au partage des bénéfices des entreprises. * Un cadre fiscal encourageant simpose pour stimuler lépargne salariale. Lépargne salariale et lintéressement des employés a été au cur du débat organisé récemment par lAssociation des MBA du Maroc. La rencontre a été loccasion de faire intervenir un invité de marque sur le sujet. Il sagit de Adil Douiri, ex-ministre du Tourisme, patron de Mutandis et financier chevronné, même sil refuse de ladmettre. Le choix du thème a été motivé par le contexte économique actuel, avec le mot «crise» qui est sur toutes les lèvres depuis plusieurs mois déjà. En effet, les mesures prises par les grandes puissances régissant le monde ne semblent guère faire lunanimité chez les épargnants. Comme en témoigne Bachir Badoo, président de lAMM, quand il déclare : «La grogne que manifestent de plus en plus les travailleurs dans certains pays européens est annonciatrice de ce désordre que plusieurs spécialistes prédisent pour les deux prochaines années». Toutefois, ajoute-t-il, «cette crise peut être loccasion de redessiner la relation patronat-salariés qui, avec la mondialisation, a été marquée par plus de divergences et dintérêts qui ne vont pas toujours dans le même sens». Dès lors, la notion de partage de richesse des entreprises entre les dirigeants et les salariés devient source de scandales éclatant un peu partout dans le monde. Et la nécessité dimaginer un mécanisme permettant au patronat et aux partenaires sociaux datteindre un même objectif en découle. Cet objectif commun nest autre que le développement de lentreprise et sa pérennité. «Pour ce faire, lEtat doit imaginer un dispositif fiscal et un cadre réglementaire attrayants pour les deux parties, en visant lallègement à la fois de lIS et de limpôt sur les revenus générés par les sommes concernées par ces nouveaux mécanismes. Le but nétant pas seulement de mieux redistribuer et de stimuler la consommation, mais aussi de renforcer lépargne salariale, véritable levier de développement de notre pays», estime Bachir Badoo. Et cest là quentre en jeu Adil Douiri, en tant que président de lAssociation des économistes istiqlaliens. En effet, lancien ministre a axé sa dernière proposition au gouvernement sur lintéressement des salariés et le partage des fruits de la croissance. Cette pratique, très répandue aux Etats-Unis et en Europe, reste très peu utilisée au Maroc, et seules quelques filiales de multinationales lappliquent. Adil Douiri propose donc que chaque entreprise sengage à verser une partie de son bénéfice à ses employés, quel que soit leur niveau hiérarchique. Il propose par exemple de distribuer le quart du résultat net sans que la part servi à chaque salarié ne dépasse pour autant le tiers de son revenu annuel. Ce plafonnement dans le pourcentage de distribution permettrait à lEtat de ne pas être pénalisé dans ses recettes fiscales, sachant que lexonération touchera la part allouée au personnel. Selon le président de Mutandis, «les dirigeants pourront augmenter les revenus de leurs salariés sans majoration de limpôt à verser au Fisc. Aussi, afin de bénéficier de lincitation fiscale, ces mêmes dirigeants seraient obligés de déclarer quatre fois le montant versé au titre des intéressements. Un tel bénéfice engendre la déclaration dun chiffre daffaires important, ce qui ne pourrait quassurer une meilleure transparence dans la publication des comptes». Dans ce sens, ce mécanisme serait bénéfique non seulement pour les salariés et lentreprise, mais aussi pour le Fisc. Dun autre côté, si le versement dune partie du bénéfice de lentreprise aux employés tend à augmenter leur revenu, et partant, leur pouvoir dachat, cela devrait, entre autres, stimuler lépargne salariale. Cest là le deuxième objet de la présentation de Adil Douiri lors de cette rencontre avec les managers titulaires du MBA de la célébrissime université de Sherbrooke. En effet, selon lui, même si aucune garantie ne peut être faite quant à la destination de ces revenus supplémentaires dont disposeraient les salariés avec les programmes dintéressement, ceux-ci restent un moyen important susceptible de canaliser une épargne significative. Lépargne salariale devrait servir «en priorité au financement de lentreprise à travers des fonds dinvestissement», estime lex-ministre. Car ainsi, «le prix de la dette serait voué à baisser, tandis que la valeur du capital augmenterait naturellement», ajoute-t-il. Cela permettrait en toute logique, à notre pays de passer dune économie dendettement à une autre de capitalisation. Toutefois, il a été souligné lors de cette réunion que, dans le contexte marocain, ce mécanisme est plutôt une utopie à cause de labsence dune fiscalité encourageant lépargne, surtout celles de longues maturités. Dans ce sens, le salarié serait plus tenté daugmenter sa consommation, ce qui risque daffecter significativement le niveau des importations du Maroc. Dans ce sens, si cette tendance se confirme, la solution serait dinciter au blocage des fonds dans des comptes rémunérés pour une durée allant de 3 à 5 ans. Enfin, il est à noter quen ces temps de crise où lentreprise peine à augmenter la rémunération de ses salariés, lincitation à un partage encadré des bénéfices, lencouragement de lépargne salariale et sa canalisation vers le financement de léconomie, seraient un outil judicieux pour le développement dun pays.