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Entretien : Zahoud s’explique sur la politique des barrages
Publié dans Finances news le 27 - 11 - 2008

* Outre l’irrigation, l’alimentation en eau potable et la production électrique, les barrages servent aussi à lutter contre les inondations.
* Les petits barrages permettent un meilleur accès à l’eau, de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, d’améliorer les indicateurs de la santé publique et de parer aux maladies d’origine hydrique.
* Le point avec Abdelkebir Zahoud, secrétaire d’Etat chargé de l’Eau et de l’Environnement.
Finances News Hebdo : Est-ce que le choix de l’emplacement des barrages est dicté par des priorités d’ordre économique (irrigation, eau potable, production électrique) au détriment de la protection contre les crues surtout que la sécheresse est devenue un phénomène structurel. Je cite comme exemple la décision de la construction du barrage de Boukarkour et du deuxième barrage sur l’Oued El Maleh qui n’est intervenue qu’après les inondations de Mohammedia en 2002 ?
Abdelkebir Zahoud : Absolument pas. Les exigences de promotion sociale, de prospérité économique, de protection des personnes et de leurs biens ainsi que les impératifs d’un développement territorial équilibré, conjugués à la nécessité d’une meilleure valorisation des ressources en eau mobilisées, sont à l’origine du choix de l’emplacement de projets d’aménagements hydrauliques. Les zones prioritaires sont donc celles qui souffrent d’un déficit chronique en eau qu’il faut résorber en régularisant davantage les eaux de surface et/ou celles qui tirent le meilleur parti des eaux mobilisées mises à leur disposition. Cette logique est toujours de mise jusqu’à épuisement des sites favorables à la construction des barrages.
En outre, pratiquement tous les barrages construits jusqu’ici sont à buts multiples. Et comme vous le savez, et Dieu soit loué, en dépit des situations difficiles qu’a connues notre pays durant les trois dernières décennies, l’eau n’a jamais été une entrave au développement et il ne faut pas qu’elle le soit pour les années à venir. C’est ainsi que nous ne ménageons aucun effort pour éviter la rupture entre la demande en eau, de plus en plus importante, et de l’offre qui ne cesse de se réduire. Notre souci quotidien c’est effectivement l’élaboration des stratégies et la conduite des opérations pour garantir la satisfaction des besoins actuels et futurs tout en se conformant aux impératifs du développement durable de nos précieuses ressources, somme toute, limitées.
Quant aux inondations, il faut souligner que ce phénomène n’est ni récent ni propre au Maroc, mais il a commencé à être ressenti plus fortement durant les deux dernières décennies, en raison d’une part, de la croissance démographique, de l’essor économique et du développement urbain, agricole, industriel et touristique qui entraînent une occupation croissante des zones vulnérables et, d’autre part, de l’aggravation des phénomènes extrêmes.
Ainsi, lors des inondations de 2002 le barrage Oued El Malleh a permis d’atténuer l’ampleur du désastre. Cet ouvrage qui a été construit en 1931 et dont la vocation première était d’alimenter la ville de Casablanca en eau potable et l’irrigation de 400 ha, malgré son envasement avancé, a contribué à la protection de la ville de Mohammedia en atténuant l’effet de la crue qui à l’entrée du barrage était de 950 m3/s, tandis qu’elle n’était plus que de 460 m3/s à sa sortie.
L’on peut imaginer aisément l’ampleur des dégâts dans la ville de Mohammedia si la crue n’avait pas été écrêtée. Ainsi, et en vue de compléter le dispositif de protection et sécuriser davantage toute la zone du centre contre les inondations, nous avons construit le barrage Boukarkour qui a été lancé et inauguré par SM le Roi avant d’entamer les travaux de réalisation du 2ème barrage sur Oued El Maleh. L’investissement consenti pour l’exécution du schéma global de protection de la région du centre, poumon économique du pays, est colossal, près de 2 milliards de dirhams, mais les dégâts matériels évités et les vies humaines protégées le justifient amplement.
F.N.H. : Après la politique des grands barrages qui a certes donné ses preuves, n’est-il pas opportun d’accorder plus d’importance aux petits ouvrages qui assurent plus de couverture territoriale?
A. Z. : Effectivement, les effets bénéfiques de la politique des barrages ne sont nullement à démontrer. En effet, les barrages réalisés aident à améliorer le bien-être et la prospérité de la société tout entière et jouent un rôle capital en allégeant les effets désastreux des sécheresses et inondations. Ils augmentent également la production alimentaire, fournissent l’eau potable et produisent de l’énergie, participent à la recharge des nappes phréatiques, favorisent le développement humain et luttent contre la pauvreté.
Exacerbant les extrêmes hydrométéorologiques, les changements climatiques ne font que renforcer la pertinence de la politique des barrages et la crédibiliser, et c’est justement pour faire face aux caprices du temps, caractérisé ces dernières années par une alternance de séquences sèches de plus en plus longues et sévères, et des épisodes pluvieux courts et intenses, qu’il est indispensable de soutenir plus que jamais la mobilisation et la régularisation des eaux de surface par la construction de nouveaux barrages. Les apports pluviométriques ont certes légèrement diminué, ils sont en revanche l’effet de quelques crues. Il faut donc en stocker le maximum pour faire face aux épisodes secs; il faut par conséquent plus de barrages de tailles différentes.
Par ailleurs, une meilleure proximité de l’accès à l’eau permet aussi de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, d’améliorer les indicateurs de la santé publique et de lutter contre les maladies d’origine hydrique.
Pour y parvenir, parallèlement à l’édification de grands barrages, nous entreprenons la construction de petits barrages. Ces derniers apportent à la population rurale le facteur clé qui lui assure en plus de la subsistance, la valorisation de ses ressources, notamment agricoles et procureront plusieurs autres services aussi précieux que l’alimentation en eau potable, l’irrigation, l’abreuvement du cheptel, la protection contre les inondations, la sauvegarde des oasis et la recharge des nappes.
Par ailleurs, grâce à la qualité des partenariats initiés et animés par le secrétariat d’Etat chargé de l’Eau et de l’Environnement avec les différents intervenants (ministère de l'Intérieur, la Promotion nationale, les collectivités locales, le ministère de l'Agriculture et des Pêches maritimes et de l'Agence de Développement des provinces du Sud), le programme des petits barrages et lacs collinaires a répondu aux objectifs escomptés. Mieux encore, le niveau de charge ainsi que la cadence de réalisation de ces ouvrages à buts multiples ont été revus à la hausse par rapport aux prévisions, et ce pour répondre à des besoins urgents en eau exprimés par la population ou à des impératifs de protection contre les inondations.
F.N.H. : Il y a près de 400 sites au Maroc qui sont exposés aux risques d’inondations; quelles sont les mesures envisagées par le gouvernement pour édifier les installations nécessaires ?
A. Z. : Ce qu’il faut noter à cet égard, c’est que le SEEE a changé intégralement d’approche: d’une intervention conjoncturelle suite à la survenance de crues violentes comme furent celles d’El Hajeb, de Berkane, de Sefrou et de l’Ourika, la stratégie a été structurée grâce à la réalisation d’un plan d’action fondé sur une vision globale, définissant les priorités et arrêtant les mesures à entreprendre pour mieux prévenir, prévoir et protéger contre les inondations.
En effet, en application des Hautes Directives et Instructions royales données par sa Majesté le Roi suite aux inondations qui ont touché la région centre du Royaume en novembre 2002, le gouvernement a établi un plan d’intervention regroupant des actions à court et moyen termes pour la protection des zones vulnérables contre les inondations. Il ne s’agissait pas de prétendre à une protection totale mais de se prémunir contre les crues centennales par l’adoption de solutions qui peuvent être mises en îœuvre facilement et sans bouleverser les structures des centres à protéger. Celles-ci portent sur la réalisation des infrastructures de protection (barrages, seuils, aménagements et entretien de cours d’eau en plus du traitement des bassins versants en liaison avec le Haut Commissariat aux Eaux et Forets et à la lutte contre la Désertification) et des mesures préventives (prévision et annonce de crues, réseaux de mesures, cartographie des risques, information et sensibilisation du public).
Ainsi, le SEEE a entrepris, depuis fin 2002, des opérations structurelles de protection des zones touchées en plus de l’amélioration de la performance des systèmes de veille et d’alerte et ce conformément au Plan national de lutte contre les inondations lequel a permis d’identifier environ 400 sites exposés aux risques d’inondations. Ainsi, une quarantaine de sites relevant de 25 villes et centres, d’une population totalisant 4 millions et demi d’habitants qui étaient menacés, sont maintenant protégés contre les inondations. Les ouvrages en cours de réalisation concernent douze sites inondables faisant partie des 50 les plus exposés.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les grands barrages assurent la protection de nombreuses zones qui étaient exposées aux risques d’inondations.
F.N.H. : L’envasement est un phénomène qui menace les barrages marocains et réduit leur durée de vie; quelles sont les actions entreprises dans ce sens surtout au niveau du reboisement ?
A. Z. : Ce qu’il faut d’emblée souligner à cet égard, c’est que le problème d’envasement des barrages n’est pas propre au Maroc et son acuité est fortement tributaire de la qualité de l’aménagement du bassin versant (traitement mécanique des sols, densité et taux de couverture végétale…) dans lequel est réalisé l’ouvrage hydraulique. La stratégie de lutte contre ce problème est basée sur des mesures préventives et d’autres curatives.


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