* Les compagnies dassurance refusent de couvrir les inondations parce que lassurance demeure facultative. * Les dommages provoqués par une catastrophe naturelle sont difficiles à évaluer et leur coût peut être considérable. Cest pourquoi lEtat est appelé à apporter sa garantie. * Le projet relatif aux catastrophes naturelles initié par la SCR, en collaboration avec la DAPS, est toujours bloqué au niveau du SGG. Les experts sont désormais unanimes : le changement climatique met gravement en question le développement socio-économique de tous les pays. Le Maroc ny échappe pas. Si la campagne agricole est sauvée avec ces pluies torrentielles qui ont eu lieu au mois doctobre dernier, il nen demeure pas moins que celles-ci ont été porteuses de préjudices énormes. Des précipitations abondantes pendant plusieurs jours, voire des semaines, ont saturé le sol et le volume deau de pluie qui sécoule directement dans les rivières est de plus en plus important. Cela a causé bien entendu des rivières en crue avec tous les dégâts matériels qui en découlent. Plusieurs entités implantées dans les zones industrielles du nord du Royaume se sont retrouvées du jour au lendemain avec dimmenses dégâts matériels qui ont coûté à leurs propriétaires les yeux de la tête. Des millions de DH se sont ainsi évaporés et des milliers de chefs de famille se sont retrouvés sans emploi. Aussi, les dégâts sont lourds à gérer en labsence dune couverture dassurance. Aucun chiffre officiel nest encore avancé. Cette situation est imputable, certes, aux inondations mais également à limplantation des entités industrielles dans des zones qualifiées à risque. Les dommages provoqués par une catastrophe naturelle telle que les inondations sont difficiles à évaluer et leur coût peut être considérable. Cest pourquoi lEtat est appelé à apporter sa garantie par lintermédiaire dune entreprise publique, à savoir le réassureur national. «Linondation est le seul cas de force majeure pour lequel il nexiste aucune couverture. Ou plutôt, comme préfèrent le dire certains, ses couvertures sont peu répandues», annonce un assureur. Comme on ne peut affirmer que la demande est inexistante, devons-nous en déduire que cest loffre qui nest pas satisfaisante sur le plan technique ? La notion de catastrophe naturelle se caractérise par lintensité anormale dun agent naturel (inondation, tremblement de terre, sécheresse ) lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages nont pu empêcher leur survenance ou nont pu être prises. Cest ce qui explique son coût exorbitant. Linondation est-elle assurable ? La prime à payer en cas de survenance dune inondation est trop chère, surtout lorsque le client se trouve dans une zone à risque. «Il ny a pas de police spécifique pour les inondations, mais celles-ci font partie des risques catastrophiques, lesquels demeurent un régime obligatoire ; dans ce cas figure, la prime versée est relativement moins élevée» explique A. Zinoun, administrateur délégué de la SCR. A la demande de lentreprise ou dun individu dune assurance inondation, la compagnie dassurance se pose la question de savoir si lassuré en question se trouve dans une zone couverte par un PPR (plan de prévention des risques). Et si lassuré se trouve dans une zone qualifiée à risque, la compagnie est astreinte à refuser parce que son rôle est dassurer la probabilité de survenance dun risque. «Même lorsque le client accepte dêtre assuré au niveau des inondations, il y a une franchise, voire une limite des capitaux garantis», sempresse dajouter M. Zinoun. Le principe de la franchise a pour objectif dinciter lassuré à mettre en uvre les mesures de prévention permettant dempêcher la survenance de sinistres peu importants. Cest dans ce sillage que sinscrit le projet de loi relatif aux catastrophes naturelles: les risques y afférents intègrent les inondations, les tremblements de terre, le tsunami, en plus des actes de terrorisme. Le but de ce projet est que le Maroc se dote dun régime obligatoire en matière de catastrophes naturelles à linstar des pays développés. Dans ces pays, dès quun assureur accepte dassurer des biens (voiture, habitation, mobilier ), il est obligé de les garantir contre les dommages résultant dune catastrophe naturelle, sauf pour certaines constructions trop vulnérables. Régime obligatoire vs fonds de soutien Un tel projet se veut structurant pour le développement socio-économique du pays. Létude générale a été faite par le réassureur national et les projets de loi ont été rédigés en collaboration avec la Direction des assurances et de la prévoyance sociale. Ce projet a été approuvé par les ministères des Finances et de lIntérieur et par la Fédération des assurances. Une fois que ce projet a été validé, il a été transféré au Secrétariat Général du Gouvernement. Depuis environ trois ans, le projet relatif aux catastrophes naturelles est toujours bloqué au SGG. Aujourdhui et à lheure des catastrophes naturelles, ce projet va-t-il sortir enfin des tiroirs ? Selon une source sûre de la DAPS, le Comité consultatif des assurances sest réuni récemment afin de débattre de la situation du secteur dassurance et ses perspectives davenir. Aussi, durant cette réunion, le Comité sest penché sur létat davancement du projet de loi portant sur les risques catastrophiques et a fait part à largentier du Royaume de limportance que revêt ce projet pour sécuriser les biens et personnes, et ce à la lumière des inondations qua connues le Maroc. Il sagit dun projet qui comprend deux volets : lassurantiel qui concerne les détenteurs dune police dassurance. Ce compartiment stipule quune seule prime sera appliquée à lensemble des contrats dassurance, sauf pour laviation et le maritime. En cas de sinistre, lassuré serait indemnisé aussi bien pour lui-même que pour ses biens, selon les capitaux couverts au niveau de la garantie de base. Le second volet concerne les assurés non détenteurs dune police dassurance. Ces assurés vont surtout bénéficier dun fonds de solidarité. «En tant que président de la Fédération des compagnies dassurance et de réassurance afro-asiatiques (FAIR), nous avons mis en place, pour lensemble de lAfrique, un pool de risques catastrophiques qui seront gérés par les Indiens. Donc, si demain le Maroc a ce régime obligatoire, il va céder une partie de ces risques à ce pool et au marché international de lassurance», explique A.Zinoun «Aussi, la SCR a-t-elle initié un tel projet parce que nous estimons que dans un premier temps, cest nous, en tant que réassureur national, qui devons assurer lintégralité du risque avec la garantie de lEtat. Les compagnies dassurance vont prendre en charge une partie limitée des risques et le risque dans sa globalité sera réassuré par la SCR, qui, à son tour, le réassurera à létranger», explique ladministrateur délégué de la SCR. LEtat naura donc pas à intervenir. Mais dans lattente de la mise en application du projet des catastrophes naturelles, il est appelé à débourser. Aujourdhui, pour la population sinistrée lors les dernières inondations, un fonds de solidarité de 2 milliards de DH est mis à leur disposition. Ce fonds est cofinancé par le Fonds Hassan II et lArabie Saoudite. Aussi, il est question que le Maroc se dote en 2009 dun fonds spécial de lutte contre les catastrophes naturelles. Une chose est sûre : les pouvoirs publics sont exhortés à promouvoir le projet relatif aux catastrophes naturelles et à ne pas laisser les choses traîner car, souvent, la solidarité nationale, à elle seule, ne suffit pas.