* Les hypothèses sur lesquelles sest basée la Loi de Finances 2008 se sont toutes révélées fausses. * Le prix du baril flambe, le budget de la compensation explose Mais le ministère des Finances signe et persiste dans ses prévisions de croissance pour les prochaines années. * FNH a recueilli lavis de Lahcen Daoudi, N°2 du PJD et un des membres les plus actifs de lopposition. Tour dhorizon. Finances News Hebdo : Les partis de lopposition font état de grands ratages au niveau de la Loi de Finances 2008. Quels sont, selon vous, ces ratages? Lahcen Daoudi : Il faut savoir dabord que nous avons voté contre cette loi. Cest la loi par excellence des cadeaux fiscaux pour les banques et les grandes entreprises. Alors quauparavant, en 2005, on avait augmenté la TVA sur les produits à large consommation ! On donne donc des cadeaux fiscaux aux grands. Et pour compenser, on se retourne vers le peuple. Cest cela le plus grand ratage de la Loi de Finances 2008... Dans une conjoncture où, justement, il ne fallait pas faire ces cadeaux fiscaux. Il fallait tout simplement les différer. Dautre part, les estimations concernant les prix du baril se sont révélées fausses. La Caisse de compensation a volé en éclats. Le gouvernement na pas vu la crise venir. Il manque de vision et ne voyait pas les tendances générales. Et on paie actuellement les pots cassés. F.N.H. : Quest-ce quil aurait fallu faire alors, selon vous ? L. D. : Il fallait différer la baisse de lIS pour les entreprises et les banques. Il fallait faire passer la TVA sur les produits de luxe à 30%. Celui qui veut manger du caviar ou acheter du marbre italien, cest son problème ! Quil mette la main à la poche. On a demandé à augmenter la taxe sur lalcool, qui na pas bougé depuis 1979, comme sil sagissait dun produit de base. Mais on a un niet catégorique du gouvernement. Ceci dit, on est conscient que quand on baisse dun côté, il faut augmenter de lautre. F.N.H. : On a prévu 20 milliards pour le budget de la Caisse de compensation alors que le déficit est actuellement de 40 milliards. Ne faut-il pas concevoir une Loi de Finances rectificative dans ce cas ? L. D. : Ça, on lavait demandé. LUSFP la aussi demandé. Il faut que le Premier ministre vienne faire une déclaration gouvernementale devant le Parlement suivi dun débat et dun vote. Malheureusement, le gouvernement actuel est incapable, non seulement dapporter une Loi de Finances tenable, mais aussi de venir devant le Parlement pour ouvrir un débat sur la chose. F.N.H. : Le ministre des Finances dit que la préparation de la Loi de Finances rectificative va prendre au moins trois mois, alors quon est là en pleins préparatifs pour la LF 2009 Et que, par dessus tout, lenvolée des recettes a pu compenser le surplus de dépenses qui nétaient pas prévues L. D. : Ce nest pas parce que jai des recettes en plus, que je vais les dilapider. Cest de la mauvaise gestion. Largent aurait pu être utilisé à des fins plus utiles, comme linvestissement par exemple. Le gouvernement est dépassé par les évènements. Et on nous dit quon a eu un taux de croissance de 5%, par an. Normalement, quand on a 5% de croissance ; on doit voir son effet sur le terrain Sincèrement, je doute fort de la fiabilité de ce chiffre. F.N.H. : Les prévisions de croissance pour lannée 2008 diffèrent dun organisme à lautre. Le ministère prévoit du 6,8% alors que le HCP avance du 6,2%. Qui faut-il croire ? L. D. : Si on continue sur la lancée du premier semestre, on peut avoir les 6,8%. Mais si on intègre la variante internationale et si le pétrole atteint les 170 dollars, on sera à moins de 5%. Leffet de la crise mondiale va commencer. Il a déjà atteint lEurope et ne tardera pas à se faire ressentir chez nous. En plus, cest normal que le taux de croissance pour cette année soit relativement élevé. Parce que quand vous partez sur une base faible (2007), vous sautez automatiquement plus haut. F.N.H. : Le ministère prévoit également un taux de croissance de 6,5% dici 2010 Est-ce tenable, selon vous ? L. D. : Un gouvernement doit semer de loptimisme. Cest normal. F.N.H. : Mais un gouvernement sengage, quand il avance des chiffres L. D. : Mais beaucoup de gouvernements se sont engagés avant lui Comment peut-il faire des prévisions tenables jusquen 2012 alors quil na même pas pu prévoir ce qui se passera en 2008. Sachant bien que toutes les variables qui impactent le Maroc sont exogènes et donc hors de sa portée. F.N.H. : La Loi de Finances 2009 se base sur un prix du baril à 125 dollars, alors quon en est aujourdhui aux environs de 140 dollars le baril. Quen pensez-vous ? L. D. : Le gouvernement nest pas capable de présenter un Budget avec lhypothèse dun baril à 170 dollars. 170 dollars étant le prix avancé par lOPEP lors de sa dernière réunion et qui devrait être atteint en plein été. Cette hypothèse pèsera sur léquilibre budgétaire. Et le gouvernement part de la contrainte dun déficit budgétaire à 3% et ajuste les hypothèses en fonction de cela. Le gouvernement ne peut donc pas présenter une Loi de Finances avec une hypothèse pareille. Les équilibres vont être chamboulés. F.N.H. : Et comment va-t-il réussir à maintenir le déficit à 3% alors que le baril se dirige vers les 200 dollars? L. D. : Il va trouver une solution a posteriori. Le gouvernement ne veut pas subir la foudre de la priori et du posteriori. Au moins, vous lui évitez les critiques avant la promulgation du texte. Et il verra comment gérer cela le moment venu !