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Parti socialiste unifié
La formation de Benatik tape fort
Publié dans Finances news le 26 - 07 - 2007

* Un programme économique basé sur un référentiel social-démocrate.
* La classe moyenne et la PME sont les deux principaux piliers du programme du parti.
* Tour d'horizon avec Hammad Kassal, membre du Bureau exécutif du parti et concepteur de son programme économique.
Finances News Hebdo : Quels sont les principaux axes de votre programme économique ?
Hammad Kassal : Notre programme économique se base sur un référentiel idéologique. Notre référentiel est l'économie sociale-démocrate. Celle-ci, contrairement aux autres courants idéologiques, a connu une stabilité et un progrès sans rupture depuis la deuxième Guerre mondiale. La Suède, la Finlande et les pays nordiques de manière générale l'ont adoptée et ce sont les pays les plus dynamiques, les plus stables, les plus égalitaires et où il y a le moins de conflits sociaux. Or, le modèle ultralibéral a échoué avec Margaret Thatcher, Reagan, etc ; le modèle communiste a également échoué avec la chute du Mur de Berlin.
F. N. H. : Concrètement, c'est quoi une économie sociale-démocrate ?
H. K. : C'est un modèle économique qui se base sur deux principaux piliers : la classe moyenne et l'entreprise, la PME principalement.
La classe moyenne doit représenter plus de 70% de la population. C'est elle qui consomme, qui travaille, qui protège, qui renforce la croissance. Actuellement, la classe moyenne au Maroc ne représente que 20% de l'ensemble de la population. 5% sont riches, le reste (75%) sont tous des pauvres. C'est un énorme problème et le pays ne pourra jamais avancer avec une telle configuration de la population.
Deuxième pilier du modèle : l'entreprise. La PME crée de l'emploi, elle est flexible, elle s'adapte et elle est ancrée dans tous les territoires. À côté de cela, il faut qu'on ait de grandes entreprises, des champions nationaux dans des secteurs à forte valeur ajoutée, qui tirent toute l'économie vers le haut.
Autour de ça, nous avons une société stable qui consomme, qui voyage, qui lit...C'est là notre référentiel économique : la classe moyenne et la PME qui évoluent autour de grandes entreprises nationales et internationales.
F. N. H. : C'est donc à partir de ce référentiel idéologique que vous avez conçu votre programme économique. En quoi consiste-t-il concrètement ?
H. K. : Notre programme économique touche un ensemble d'acteurs. Pour nous, il y a deux principaux acteurs : les actifs marchands et les actifs non-marchands.
Dans la première catégorie, on trouve trois principaux acteurs : la région, l'Université et le secteur privé. On considère dans le parti travailliste que la région se compose de trois acteurs : la région, en tant que collectivité locale, l'Université et le secteur privé. C'est une sorte de triangle d'or si vous voulez. La région a pour principal rôle de rendre le territoire attractif. Pour ce faire, il faut qu'elle prépare les infrastructures de base, les routes, les zones industrielles, l'animation, tout ce qui pourra permettre à quelqu'un de venir s'installer en son sein (investisseurs, professeurs ou autres). Elle doit assurer un cadre de vie agréable, attractif et surtout compétitif pour les entreprises. Ça c'est le rôle de la région. Deuxième acteur : l'Université. On ne peut pas concevoir le développement d'un pays sans qu'il y ait des Universités partout. Il faut que l'Université soit ancrée dans la région et il faut qu'elle forme pour la région. La région doit donc avoir une feuille de route. Exemple : dans ma région, je veux faire de l'agriculture. L'Université doit me former des cadres qui sauront manager l'agriculture, des ingénieurs agronomes, et tous les métiers qui tournent autour. On aura besoin de faire de la recherche et développement ; l'Université doit savoir le faire. En plus, l'Université doit être un incubateur très important pour les futurs créateurs d'entreprises. L'intelligence se trouve dans les campus. Et c'est de là que peuvent sortir des jeunes créateurs d'entreprises. Ceux-là doivent trouver un espace de liberté et de créativité qu'est l'Université, qui va leur permettre de s'épanouir et d'aller de l'avant. Troisième acteur : l'entreprise. L'entreprise, pour nous, n'a pas d'état d'âme. Là ou il y a de l'argent à gagner et de la sécurité, elle y va. Si elle trouve une région attractive et une Université qui lui forme les cadres qu'il lui faut et fait de la recherche et développement, elle s'y installera. Et quand une entreprise s'installe, elle crée de la richesse, des emplois, paie des impôts pour la région et paie également les services offerts par l'Université. Du coup, il y a une synergie qui se crée entre ces trois acteurs. Et ceux-là peuvent former le moteur principal du développement de chaque région. Tout cela demande bien évidemment un financement. Nous proposons en ce sens l'activation de partenariats public-privé pour la création de fonds régionaux. Il doit y avoir également des fonds d'amorçage pour soutenir les jeunes créateurs d'entreprises.
C'est de cette manière que nous allons construire un modèle régional, très solide et très fort à même de donner des fruits à moyen et long termes.
Autour de ces trois acteurs, il y a ce qu'on appelle les actifs non-marchands. Ce sont les associations professionnelles, la société civile, les partis politiques, les syndicats et la presse. C'est très important d'ailleurs d'avoir une presse locale forte. Le rôle de ces acteurs-là, c'est l'encadrement de la population. Ils doivent également jouer un rôle de lobbying. Ils doivent faire la pression sur les acteurs actifs pour attirer leur attention sur la bonne gouvernance, sur le respect de l'environnement, sur la qualité de la formation, etc.
Ainsi, à travers ces différents acteurs (actifs marchands et non-marchands), on a tout un schéma d'une région apte à se développer. Une région qui doit avoir un rayonnement national et international sur le plan de la compétitivité.
Ainsi, plusieurs problématiques seront réglées. À commencer par le chômage qui a, pour rappel, des conséquences désastreuses sur la société. Le chômage, on ne le traite plus de la manière classique dans notre parti. On ne parle pas de marché de l'emploi mais on parle de marché de compétences. Et ça c'est lié étroitement aux régions. Comme précité, chaque région doit être spécialisée dans un ou plusieurs métiers. Il faut alors des compétences spécialisées par région. Comme ça on pourra résoudre à moyen terme (5 à 6 années à venir) le problème du chômage. En allant vers la spécialisation régionale et vers le marché des compétences, on n'aura plus de chômage.
F. N. H. : Et comment absorber, entre-temps, le stock actuel de chômeurs ?
H. K. : Ce phénomène pèse trop lourd. Plusieurs partis nous proposent aujourd'hui des chiffres faramineux de créations d'emplois, mais ils sont incapables de résoudre le problème des 1.200 chômeurs qui manifestent depuis plus de trois ans devant le Parlement. Nous avons, aujourd'hui, trois types de chômeurs. Les premiers sont les diplômés bac+5 ou plus. Le seul domaine où ils peuvent exceller c'est l'enseignement. Parce que ce sont plus des théoriciens qu'autre chose. L'enseignement public ne peut pas malheureusement les absorber. Ils doivent aller vers l'enseignement privé. Nous avons aujourd'hui 250 écoles d'enseignement supérieur privé. Ces écoles profitent de beaucoup d'avantages que leur procure l'Etat, mais elle ne respectent même pas leur cahier des charges, qui leur impose de recruter 80% de professeurs permanents. Or, elles travaillent avec plus de 80% de profs vacataires qui viennent du public. En travaillant ainsi avec les profs du public, on détruit le public et on n'améliore pas le privé. Nous demandons que l'Etat prenne en charge pendant six mois la formation pédagogique de ces diplômés chômeurs, les réhabiliter et, ce faisant, les intégrer dans les écoles privées. Et ils auront le même statut qu'un enseignant du public. Les professeurs du secteur public doivent rester dans le public. Il faut trancher dans cette affaire.
Le second type de chômeurs est composé des niveaux bac ou des formations professionnelles. Ceux d'entre eux qui ont une formation littéraire doivent être formés dans les langues (anglais, allemand, espagnol, chinois, japonais...). Soit ils vont aller soutenir les associations professionnelles, soit ils virent vers les nouveaux métiers du Maroc. Le reste (formation scientifique), il faut les orienter vers la création d'entreprises. Le deuxième élément, c'est les zones industrielles et les locaux commerciaux. Un jeune promoteur qui bénéficie de 250.000 DH de financement ne peut même pas louer un local commercial ou industriel. La région doit créer, dans le cadre d'un partenariat public-privé, des zones industrielles ou des locaux industriels adaptés au jeune promoteur. Celui-ci exploite le local pendant une durée de 2 ans jusqu'à ce qu'il vole de ses propres ailes et le quitte tout en laissant la place à quelqu'un d'autre. Il y aura ainsi un effet multiplicateur de la création d'entreprises. Le troisième élément, c'est les délais de paiement. Nous demandons de légiférer sur les délais de paiement. Il y a déjà un cadre légal qui est la loi sur la concurrence ; on demande de revoir l'article 69 et de fixer les délais de paiement à 45 jours. Si cela n'est pas respecté, il faut payer des pénalités de retard, comme pour l'impôt. Le quatrième et dernier élément : le financement. Les banques, aujourd'hui, ne peuvent plus financer la création. Elles sont régies par Bâle II qui leur impose de faire un scoring. Or, on ne peut pas donner un score à quelqu'un qui n'a pas d'historique. Il faut des instruments alternatifs. Il faut créer des fonds d'amorçage régionaux spécialisés dans la création, ou créer même une entité spécialisée dans le financement de la création d'entreprise comme c'est le cas en Tunisie, en France ou aux Etats-Unis. Celle-là doit être financée par les régions, les investisseurs institutionnels ou particuliers et les organisations internationales. Si on arrive à maîtriser ces quatre volets, la création d'entreprise deviendra un processus très simple et banalisé.
Troisième catégorie de chômeurs : ceux qui n'ont ni qualification ni diplôme. Nous proposons, dans ce sens, deux pistes. Soit les ramener vers l'école pour ceux qui sont capables de suivre encore une formation, soit les former en «qualifications» pour aller dans des métiers comme la plomberie, la menuiserie...Le secteur du bâtiment souffre aujourd'hui du manque de main-d'œuvre qualifiée. On peut trouver un gisement intéressant dans ces jeunes.
F. N. H. : Côté macroéconomique, le gouvernement actuel mise sur la stabilité des agrégats macroéconomiques. Quelle est votre vison à ce sujet ?
H. K. : La stabilité macroéconomique est importante. Il faut certes maîtriser ces agrégats, mais il ne faut pas non plus que ce soit le sacro-saint. Le problème que nous avons au Maroc, c'est la dette. On a en effet réduit sensiblement la dette extérieure, mais la dette intérieure a explosé. Nous sommes contre l'endettement. Il faut que l'Etat fixe des objectifs en dehors de l'endettement. Nous avons analysé, au sein du parti, les dépenses de l'Etat. Nous avons constaté que l'on peut réaliser des économies intéressantes. On peut faire 4 milliards de dirhams d'économie sur les seuls comptes spéciaux du Trésor, tout en augmentant l'efficacité des services publics. On propose le regroupement des services publics au niveau des villages. On a un organisme fantastique qui est La Poste. Celle-ci peut devenir un lieu extraordinaire au niveau d'une zone rurale pour regrouper des services. On peut avoir dans La Poste un guichet pour les CRI, la Perception, la CNSS, la Santé... et La Poste peut devenir une plate-forme de services regroupés et efficaces. L'infrastructure existe et La Poste est présente partout au Maroc. On peut réaliser là d'importantes économies sur les dépenses de l'Etat et rendre plus efficaces les services fournis à la population. Nous demandons également qu'il y ait une stabilité du Budget sur 5 ans. Le fait de changer de politique fiscale chaque année, par exemple, déstabilise l'investissement. Nous proposons que ce soit fixé sur 5 ans, pour que les opérateurs aient une vision plus claire de l'avenir et se concentrent sur leurs affaires.
F. N. H. : Et la fiscalité... ?
H. K. : La fiscalité reste un handicap pour la compétitivité de nos entreprises. Tous les pays concurrents du Maroc ont réformé leur fiscalité. Au Maroc, nous restons dans un système archaïque qui encourage l'évasion fiscale et la tricherie. Au niveau de l'IR, nous demandons, pour élargir la classe moyenne, de pousser le seuil d'exonération de 24.000 DH à 36.000 DH (Ndlr. l'équivalent d'un salaire mensuel de 3.000 DH). Nous proposons également de revoir les tranches intermédiaires de l'impôt pour hisser le pouvoir d'achat de la classe moyenne. En arrangeant les tranches, on va gagner 2 points de base en matière de pouvoir d'achat. Pour l'IS, aujourd'hui il est pénalisant. 80% de l'IS sont payés par 20% des entreprises. Ce n'est pas normal. Beaucoup d'entreprises déclarent un déficit. Nous proposons de créer, à l'image de l'IR, des tranches pour l'IS. Si vous gagnez entre 0 et 100.000 DH, vous payez 10%. La non-transparence vous coûtera, dans ce cas, plus cher et vous serez amené de votre plein gré d'aller payer votre impôt. Entre 100.000 et 500.000 DH de bénéfice, la société paiera 15%. Au-delà des 500.000 DH jusqu'à 3 millions de dirhams, le taux sera de 20%. L'assiette fiscale sera ainsi élargie, beaucoup d'entreprises vont virer de l'informel au secteur formel et l'Etat y gagnera énormément. On table sur 7 milliards de dirhams de plus pour les recettes de l'Etat grâce à ces mesures.
Pour la TVA, on a aujourd'hui 4 taux. On propose de les ramener à deux. Un taux de 7% pour les produits de base et un autre de 12% pour le reste. Cette mesure va hisser le pouvoir d'achat de la population de 4 points et permettra de relancer la croissance du pays par la consommation, sans qu'il y ait inflation.


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