* Linformel ou la fraude dans le secteur de lor ne se limite pas uniquement à lachat mais également au poinçonnage. * A défaut de moyens de contrôle, limport illégal de lor bat son plein. * Les bijoutiers cherchent à mieux sorganiser afin de faire entendre leur voix. * A lintérieur de lAssociation, les bijoutiers font deux poids deux mesures. Lhistoire du Maroc avec lor remonte à plusieurs siècles et pourtant, à ce jour, le secteur de lorfèvrerie ne semble pas pour autant sêtre organisé. Bien que développée et accueillant de plus en plus de grandes griffes mondiales, lactivité de lor au Maroc souffre de problèmes chroniques allant de limportation du précieux métal au poinçonnage. Aujourdhui, il existe bel et bien une Association des bijoutiers, mais cette dernière reste désarmée face à lAdministration. Daprès les dires des opérateurs, plusieurs zones dombre subsistent et se cachent derrière la brillance de ce métal si recherché. Lépineux problème est celui de son importation. BMCE Bank ouvre le bal En effet, si le marché est à 16 tonnes, le Département Métaux Précieux dans la Direction de lInternational de BMCE Bank prétend avoir écoulé 1,2 tonne dor en 2006 et 1,4 tonne en 2007 avec pratiquement le même client. Et pourtant ce même département avait lancé une étude de marché pour évaluer les besoins du secteur avant de lancer un nouveau produit en partenariat avec UBS et Commerz Bank en Suisse. «Ce produit que nous avions lancé présente beaucoup davantages, en loccurrence la livraison du client le même jour avec un différé de paiement de 48h», explique Najib Lazrak, responsable du département métaux précieux à BMCE Bank lors du Salon International de la bijouterie organisé récemment à Casablanca. Limportation de ce produit a été stopée net en 2008, mais la banque continue dimporter pour les clients selon leurs besoins. Lor arrive de Suisse avant dêtre stocké chez G4 à Casablanca puis livré au client. La question qui se pose est : pourquoi la BMCE demeure-t-elle la seule banque impliquée dans cette activité ? «Tout simplement, parce que cest une des grandes banques innovantes de la place. Cette banque est consciente que lor est un produit important pour léconomie marocaine», explique Mostafa Belkhayate, Président du Cabinet Belkhayate. Les bijoutiers ne bénéficIent pas du RED «BMCE est une banque dinvestissement qui a une longueur davance justifiée dans plusieurs secteurs. Elle a fait preuve douverture desprit, cest tout ! Il ny a pas eu de favoritisme à son égard», poursuit Belkhayate. Sur la question de la dotation mensuelle de 5kg dor pour chaque bijoutier, Belkhayate assure quil est facile dacquérir 10 kg dor si on veut au Maroc. «Il est très difficile de contrecarrer la contrebande dans ce secteur. Il est vrai que les autorités essayent de barrer la route à lor de contrebande mais celui qui veut acheter de lor ne rencontrera aucune difficulté à le faire», conclut Belkhayate en lançant un appel aux autorités compétentes pour diversifier les produits dépargne en or pour permettre aux Marocains den déposer auprès de la Banque centrale. Comme cest le cas sous dautres cieux ! Les bijoutiers peuvent importer de lor sils disposent des autorisations nécessaires, notamment auprès de lOffice des changes, de transférer des devises pour en acquérir. Et sils sacquittent des droits de douane en aval. Et pourtant, les choses pourraient se faire plus facilement ! «La plupart des exportations et importations bénéficient des Régimes Economiques de Douane, un produit conçu par lADII pour soutenir les opérateurs marocains. Malheureusement, les bijoutiers ne sont pas concernés alors quils pourraient bénéficier de trois produits qui sont lAdmission temporaire pour perfectionnement actif, lAdmission temporaire pour limportation de matériel et outillage ou encore du Trafic de Perfectionnement Passif, comme dans le cas où un bijoutier importe de lor en lingots et le travaille pour le compte dun client à létranger», explique M. Houbbadi, de lADII. Mais pour pouvoir accéder à ces régimes économiques et en profiter, lAssociation des bijoutiers marocains doit passer du stade dassociation à une organisation plus forte doù son aspiration à se doter dun bras armé. «La réflexion a été lancée auprès des opérateurs membres de lAssociation pour constituer une force de proposition auprès de lAdministration», souligne Azeddine Mestari, Président de lAssociation Marocaine de Gemmologie et de Bijouterie. Autre interrogation que se pose un célèbre bijoutier marocain : pourquoi doit-on importer de lor de Suisse tant que Managem en extrait au Maroc ? En effet, la production aurifère marocaine est exportée vers la Suisse, pays duquel le Maroc importe au prix fort alors que le façonnage de lor en lingot ne coûterait quun dollar. «Il faut dire que les 3/4, sinon plus, de lor que nous traitons proviennent du recyclage de bijoux dont le prix est nettement inférieur au prix sur le marché mondial qui a dépassé les 900 dollars lonce (31,1 grammes). Il est également vrai que beaucoup de bijoutiers font appel à lor de contrebande. Autant dire quà cause de linsuffisance de contrôle et dorganisation, les bijoutiers, pas tous, ne recourent pas à lor importé de manière formelle», explique-t-il. «Seuls les vrais industriels organisés peuvent faire appel à ces produits qui demandent un tas dautorisations et de paperasse». Linformel ou la fraude ne se limitent pas uniquement à lachat mais également au poinçonnage (autorisation de vente de lAdministration des Douanes) qui coûte 5 DH par bijou poinçonné. A noter que cette opération se fait de manière un peu archaïque dans une grande salle où les bijoutiers apportent leurs bijoux à poinçonner. «Les bijoutiers doivent se déplacer avec leurs bijoux au Boulevard Hassan II pour les faire poinçonner. Cet étalonnage, poinçon sur le bijou, équivaut à lautorisation de vente de lAdministration des Douanes. Cette opération se déroule dans des conditions si obsolètes quon se croirait dans un film égyptien des années 50», souligne un bijoutier qui importe des modèles dItalie. Daprès ce bijoutier, la vérification de la teneur en or sopère au niveau de ladministration qui soccupe du poinçonnage et qui, malheureusement, ne dispose pas des moyens nécessaires. Son premier souci est que les bijoux vendus au public ne soient pas faux. «Le test se fait avec un chiffon imbibé dune solution chimique avec lequel le fonctionnaire essuie une partie du bijou pour sassurer quil est en or. Dailleurs une fois, on ma abîmé un bracelet «sablé» à cause de ce procédé», déplore-t-il. A lui seul le poinçonnage nest pas un garant contre la fraude. Ainsi, certains bijoutiers ont trouvé lastuce de se faire autoriser la vente de bijoux dont le poids dépasse la dotation autorisée pour chacun deux. Pour ce faire, il suffit de faire poinçonner un bijou qui ne pèse pas beaucoup. Une fois retourné dans la boutique de vente, le poinçon est enlevé et intégré dans un bijou de poids plus important. Ainsi, le bijoutier gagne quelques grammes de plus sur sa véritable dotation. Alors au moment où le secteur accueille des griffes mondiales et où des bijoutiers ont gagné une aura à linternational, lactivité de lor a plus que jamais besoin dun sérieux coup de balai.