* Le programme de l'Istiqlal est ambitieux sans risque de dérapage sur les finances publiques. * Il faut passer de l'exonération fiscale brute à l'exonération intelligente. * Le point avec Ahmed Taoufiq Hjira, ministre chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme et membre du Bureau politique de l'Istiqlal. Finances News Hebdo : Le parti de l'lstiqlal a tenu dernièrement des rencontres avec les opérateurs publics et privés ; est-ce que votre programme définitif va tenir compte de leurs remarques ? Taoufiq Hjira : La finalité de notre approche est de prendre en considération le point de vue du patronat. Nous sommes venus avec un projet basé sur un programme qui concerne l'ensemble des secteurs économiques. On a identifié dans ce programme quatre repères : les grands chantiers, le social, l'emploi et le financement de ce programme. Le choix de ces axes est justifié par le fait qu'ils sont très stratégiques. A cet égard, on a organisé quatre séminaires et on a invité les opérateurs selon le type du thème traité. Parfois, c'est les ONG, parfois le Patronat et parfois c'est les Administrations. L'approche est de proposer un programme et de les écouter. Sur la base de ces rencontres, on va rectifier le tir afin d'intégrer les observations et les remarques les plus pertinentes des uns et des autres. Notre parti va par la suite présenter le programme définitif. F. N. H. : Votre programme a fait allusion à une véritable Pax Economica. Qu'en est-il exactement ? T. H. : Nous cherchons à avoir le plus de concertation possible sur notre programme. Nous visons la crédibilité du discours et la faisabilité des prévisions. Des prévisions réalistes et réalisables. Dans l'emploi, on a pris le minimum ; c'est-à-dire 30% de croissance de l'emploi créé par rapport à la cadence actuelle. D'autres partis comme le Mouvement populaire ont pris 50% par rapport à la cadence actuelle et l'USFP a prévu un doublement de la cadence actuelle. Au niveau de la croissance, nos prévisions tablent sur 6%. D'autres formations parlent de 7. Il y a même celles qui prévoient 8%. F. N. H. : Votre programme est très ambitieux, mais est-ce qu'il n'y a pas un risque de dérapage des finances publiques ? Car d'un côté, vous préconisez un allègement fiscal et, de l'autre, vous prévoyez davantage d'efforts en matière de dépenses publiques. T. H. : Nous insistons dans notre programme sur la faisabilité. Nos prévisions sont certes ambitieuses, mais cherchent toujours l'équilibre. Il y a plusieurs paramètres qui crédibilisent nos hypothèses. La situation macroéconomique du pays est meilleure. Cette situation, il faut la verrouiller et l'immuniser, la sauvegarder et la fructifier. F. N. H. : Mais comment allez- vous procéder ? T. H. : Dans l'emploi, on prévoit une hausse de 30%. Les nouveaux postes seront créés à plusieurs niveaux. On prévoit un doublement des grands chantiers. Un montant global de 232 MMDH est prévu pour les grands chantiers qui vont créer 200.000 emplois. Par répartition sectorielle, on trouve l'immobilier avec 67 MMDH d'investissement déjà programmés. Les projets de trois villes nouvelles et de 21 pôles urbains sont prêts. Les dossiers d'investissement pour les autoroutes, les aéroports, Tanger Med sont déjà finalisés et les sources de financement bien définies. F. N. H. : Mais encore faudrait-il pérenniser le niveau de croissance ?!! T. H. : Pour pérenniser la croissance, on a créé l'ascenseur de l'entreprise. C'est un guichet de compte qui sera alimenté par 5 MMDH par an. Ce montant sera à la disposition des sociétés pour les rendre plus compétitives sur la base d'une convention Etat-entreprise. L'opération concerne des études de faisabilité, des études de marché, d'approvisionnement en matières premières, etc. On va commencer par les marchands ambulants afin d'organiser leur activité et les faire sortir de l'informel. Cette branche va générer, selon les études, 2 MMDH/an sous forme de recettes fiscales. L'Etat, en contrepartie, va les séduire par des produits de type social comme l'AMO ou des formules de financement adaptées. L'ascenseur que j'ai cité permettra aux moyennes entreprises d'être grandes et aux petites d'être moyennes. C'est un donnant-donnant entre l'Etat et les entreprises sur la base d'un cahier des charges. L'Etat va donner 7 MMDH mais va récupérer, d'une façon indirecte, surtout au niveau de la promotion de la transparence et de la lutte contre l'informel. Les 5% de croissance moyenne au Maroc sont dus à la consommation interne. Le 1% qui reste pour les 6% on va le chercher au niveau des exportations. La baisse des impôts qu'on préconise va doper la consommation. La TVA sera baissée de 2 points. L'IS sera ramené entre 15 à 35% selon l'activité et la taille de l'entreprise. Alors que l'impôt sur le revenu sera réduit de deux points. La situation macroéconomique du pays est confortable, lui permettant une révision fiscale à la baisse. Ceci est visible au niveau de trois volets. Le premier concerne le niveau de l'épargne qui a, depuis 2001, dépassé celui de l'investissement de 3 points du PIB. Ceci montre qu'il y a des capitaux qu'il faut séduire pour les déployer dans des investissements plus fructueux. Ces 3 points de PIB représentent 15 MMDH. Le deuxième volet a trait au déficit budgétaire qui tournait avant autour de 5%. Les ex-ministres des Finances rêvaient d'un taux de 3%. Cette année, le niveau ne dépasse pas les 1,7%. Une situation qui donne beaucoup de marge de manuvre pour le prochain gouvernement. Alors que le troisième volet de cette situation de confort concerne le niveau du taux d'endettement qui a atteint 56%. Le taux toléré par l'UE pour les pays européens est de 60%. Le Maroc a donc 4% du PIB qu'il peut déployer pour l'investissement dans les grands chantiers qui ont, à terme, des effets d'entraînement sur l'économie. F. N. H. : Mais cette situation de confort reste vulnérable !!? T. H. : Oui, c'est vrai. Il faut l'utiliser intelligemment et à bon escient. La prudence doit toujours être de mise, car le pays demeure subordonné à certaines contraintes qu'il ne peut maîtriser, comme la sécheresse ou la conjoncture internationale. Donc, il faut immuniser cette situation de confort. F. N. H. : Quelle est la position de votre parti concernant les dérogations fiscales ? T. H. : Nous sommes, à l'Istiqlal, contre les dérogations sous toutes leurs formes. Car elles sont contre l'équité et la justice fiscales. On est pour quelques aménagements fiscaux pour certains secteurs qui ont des difficultés, à condition que ces actions soient strictement limitées et bien contrôlées. Les dérogations à terme engendrent des déséquilibres et automatiquement la fraude. Il n'y a pas mieux que la transparence. Par exemple, pour le secteur de l'immobilier, l'Etat a un manque à gagner de 6,5 MMDH seulement au niveau de l'habitat social. Mais l'Etat gagne sur un autre volet en boostant le secteur qui devient très demandeur et génère de nouvelles recettes fiscales. Il faut passer de l'exonération fiscale brute à l'exonération intelligente. On peut lier cette dernière à un secteur malade ou un territoire malade. Notre parti milite pour le retour du zoning afin de favoriser certaines régions sous-développées.