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Entretien : «Il y a un fort engouement pour le secteur minier au Maroc»
Publié dans Finances news le 12 - 06 - 2008

* L’AMST va mieux contribuer à la promotion des sciences de la terre en stimulant les échanges entre chercheurs nationaux et chercheurs étrangers.
* La forte demande en produits miniers a poussé à l’ouverture d’anciennes mines et à l’arrivée de nouveaux opérateurs pour la recherche et l’exploitation de gisements.
* Le point avec Abdallah Mouttaki, Directeur de l’infrastructure géologique et de l’exploration minière à l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM).
Finances News Hebdo : Quelles sont les raisons qui vous ont motivé pour la création de l’Association marocaine des sciences de la terre (AMST) ?
Abdallah Mouttaqi : Cette question peut s’entendre sur deux registres : celui de la motivation de la communauté des acteurs qui ont pris part à cette création, ou celui de ma motivation personnelle. C’est, à l’évidence, le premier de ces deux registres qui est déterminant, car la création d’une telle association, à l’échelle nationale, exige une large prise de conscience de son utilité et la mobilisation de très nombreuses volontés.
L’AMST a été créée suite à la demande émanant principalement de chercheurs géologues désireux de disposer d’un espace ouvert d’échange et de partage autour de projets nationaux et internationaux, qui soit un espace neutre jouant un rôle de connecteur entre les acteurs venant d’horizons divers qui opèrent dans le domaine des sciences de la terre : universités, professionnels miniers publics et privés, sociétés de services…
Tous ces opérateurs, qui défendent des enjeux différents, réunis au sein d’un espace tiers et médiateur, vont mieux contribuer à la promotion des sciences de la terre en stimulant les échanges entre chercheurs nationaux et chercheurs étrangers et en faisant mieux connaître les grandes questions relatives aux sciences de la terre tant à la communauté scientifique qu’à la société civile. Aujourd’hui, il faut en effet ouvrir davantage les sciences de la terre sur notre société devenue citoyenne, qui invite à un partage plus large des responsabilités et à une coopération plus étroite entre les différents acteurs concernés.
F. N. H. : Est-ce que l’Association est plus tournée vers les professionnels que vers le monde universitaire ou vers celui de la recherche ?
A. M : L’AMST n’est pas tournée vers tel ou tel groupe spécifique de professionnels, mais elle a pour vocation d’être un espace de rencontre, de partage et d’action ouvert à tous les opérateurs qui œuvrent dans le domaine des sciences de la terre dans sa définition plurielle, qui va de l’enseignement et de la recherche jusqu’aux problématiques de l’environnement, en incluant évidemment la reconnaissance des ressources de notre sous-sol - minières et hydrogéologiques - mais aussi les études préalables aux grands travaux d’infrastructure, la prévention contre les risques naturels, le géotourisme ainsi que le soutien de la formation dans ces domaines.
Lors de la création de l’Association, la question a été largement examinée et nous avons choisi d’éviter que l’AMST ne soit confinée dans des champs exclusivement techniques. Au contraire, l’AMST s’est fixé une mission de facilitation du dialogue entre acteurs scientifiques, économiques et sociaux.
L’ouverture sur l’expertise internationale constitue aussi un axe important pour notre Association ; dans ce cadre, une convention d’entente vient d’être signée avec l’Association géologique du Canada pour un partenariat gagnant- gagnant et le développement en commun de projets structurants dans ce domaine, dans les deux pays.
F. N. H. : Est-ce que l’Association a les moyens de ses ambitions ?
A. M. : Oui, absolument. La réalisation des objectifs que notre Association s’est assignés passe par trois composantes : la qualité de ses géoscientifiques, la disponibilité de moyens financiers et la pertinence des projets proposés.
Sur le plan humain, les membres actifs de l’AMST viennent d’horizons complémentaires pour une gestion intégrée des projets : chercheurs universitaires de haut niveau, établissements publics dont la compétence est notoirement reconnue, ici et à l’étranger, grands opérateurs miniers privés nationaux et sociétés de services et d’investissements qui opèrent dans le domaine de la géologie, de l’environnement et de la géomatique, tous ayant déjà fait preuve d’un sens élevé de leur responsabilité sociétale.
En témoigne l’engagement de personnalités comme Mme Amina Benkhadra, ministre de l’Energie et des Mines, de l’Eau et de l’Environnement et Directeur général de l’ONHYM qui assure la Présidence d’honneur de l’association, comme MM. A. Abarro (PDG de Managem), D. Traki (PDG de CMT) et H. Moussaria (PDG de Geomatic) également membres honoraires de l’AMST.
L’Association peut donc compter sur le soutien des grands opérateurs miniers du pays et, par ailleurs, certaines banques d’affaires lui ont, dès à présent, manifesté d’importantes dispositions de sponsoring à condition, bien entendu, que leur soient proposés des projets cohérents et pertinents comme vecteurs du développement durable du Maroc. Tous ces opérateurs sont également sensibles au rôle que les sciences de la terre jouent dans le développement humain de notre pays.
F. N. H. : Comment expliquez-vous l’existence de très peu de centres de recherche privés dans notre pays ?
A. M : Effectivement, dans le passé, les projets de recherche et développement dans ce domaine étaient considérés par les sociétés privées comme étant des projets à risques et dans lesquels elles ne s’investissaient pas. Cette activité était assurée par les universités et instituts affiliés, les écoles d’ingénieurs, en collaboration avec le privé dans le cadre d’un partenariat entre les deux parties, également par les établissements publics à caractère commercial et industriel comme l’ONHYM et l’OCP par le biais du Cerphos, conformément à leurs missions et à stratégies.
Depuis quelques années et conscient de l’importance de la RD dans la valorisation des ressources minières, le secteur privé a commencé à mettre en place des laboratoires dédiés à ce type de recherche. L’exemple étant le centre de recherche de Managem, sur le site de la mine de Hajjar dans la région de Marrakech et qui compte à son actif de nombreuses découvertes de dimension mondiale pour la valorisation des ressources minières de notre pays.
Je pense qu’une telle répartition des travaux entre les secteurs public et privé répond aux besoins actuels de notre pays et que la création de nouveaux centres de recherche privés, ou de recherche précompétitive, ne pourrait être envisagée que dans le cadre d’une vision de dimension régionale correspondant a minima à celle du Maghreb ou de l’Afrique de l’Ouest.
F. N. H. : La demande en produits miniers a fortement augmenté ces dernières années ; est-ce qu'il y a eu un impact sur les efforts de recherche et de prospection minières au Maroc ?
A. M : Effectivement, l’industrie minière internationale se trouve dans une conjoncture favorable depuis 2003, suite à une augmentation soutenue de la consommation des matières premières minérales, boostée surtout par la Chine. Les cours des métaux connaissent une flambée sans précédent et les travaux d’exploration sont en plein boom. Pour notre pays, cette conjoncture s’est traduite par la reprise des travaux d’exploitation sur d’anciens gisements qui étaient fermés dans le passé, notamment de cuivre ; la manifestation d’intérêt pour certaines concessions de plomb, fer, manganèse et soufre, ainsi que par l’arrivée de nouveaux opérateurs miniers pour le développement de gisements d’étain et la reprise de la recherche de l’uranium, du fer, du zinc et de métaux précieux.
F. N. H. : Quels sont les grands axes de recherche au Maroc et qu’en est-il des zones de recherche ?
A. M : Aujourd’hui, les travaux de recherche minière à l’ONHYM s’articulent autour de trois axes majeurs : métaux précieux (16 projets pour l’or et l’argent), métaux de base (08 projets pour le plomb, zinc, cuivre…) et roches et minéraux industriels (02 projets pour la recherche des argiles, dolomite, silice…). La répartition budgétaire en 2007 sur ces trois axes a été de l’ordre de 68% pour les métaux précieux, 24% pour les métaux de base et 8% pour les roches et minéraux industriels.
Ces travaux couvrent les zones les plus prometteuses sur l’ensemble du territoire national, notamment les provinces du Sud et l’Anti-Atlas pour les métaux précieux, la région des Jebilets- Guemassa (autour de la ville de Marrakech) et le Maroc central pour les métaux de base et les bassins tertiaires de la région de Nador et du Gharb pour les roches et minéraux industriels. Il est très important de noter que les travaux de recherche dans les provinces du Sud n’ont démarré qu’à partir de 2002 et couvrent aujourd’hui 34% du budget total affecté à la recherche minière. Sur ces zones, considérées jusqu’alors comme des secteurs vierges, de nouveaux prospects ont été délimités ouvrant ainsi de sérieuses nouvelles
perspectives au développement minier de notre pays.


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