* Les huit établissements bancaires qui comptent sur la place affichent un bénéfice net agrégé de 9,7 milliards de dirhams, soit une progression de plus de 33,7% par rapport à lannée dernière. * Étonnant, puisque ces performances interviennent dans un contexte de resserrement des marges sur intérêts, leur principale source de revenu. * Les marges sur commissions prennent le relais et montent de plus en plus dans la structure de revenu des banques au grand dam du client quon continue de pomper à fond ! Les banques marocaines sont très riches. Les huit établissements qui comptent sur la place ont engrangé près de 9,7 milliards de dirhams de bénéfices au titre de lannée 2007, soit 2,4 milliards de plus quun an auparavant. Ces gains faramineux découlent dun Produit Net Bancaire de près de 30 milliards de dirhams, soit une (super) marge nette moyenne dun peu plus de 32%! Cependant, toutes les banques ne sont pas logées à la même enseigne. Les deux mastodontes du secteur, Attijariwafa bank (ATW) et le Groupe Banques Populaires (GBP), demeurent les champions incontestés en matière de capacité bénéficiaire. Leur résultat net part du groupe sest élevé à 2,4 milliards de dirhams pour le groupe bancaire du groupe ONA et à un peu plus de 2,3 milliards pour la banque «du cheval». Les deux groupes bancaires affichent en même temps des marges nettes respectives de 28% et de 34%. Ils sont suivis dassez loin du CIH qui a annoncé un bénéfice net de 1,4 milliard de dirhams. Lex OFS arrive, faut-il le rappeler, de très loin, puisquil nétait quà 387 MDH de bénéfice il y a un an. En poursuivant lassainissement de son portefeuille de créances en souffrance, le CIH est arrivé pour la première fois à distancer la banque dOthmane Benjelloun, qui a affiché un bénéfice net de seulement 1,2 milliard de dirhams. Toutefois, avec un PNB de 4,4 milliards de dirhams, en forte progression de 24%, BMCE Bank reste, de très loin, le seul et unique challenger des deux premiers groupes bancaires du pays. Le CIH, lui, naffiche pendant ce temps-là que 1,3 milliard de PNB. La Société Générale vient, par ailleurs, en cinquième position avec un bénéfice net part du groupe de 874,5 MDH. Elle est suivie par la BMCI (666 MDH), le Crédit du Maroc (363,2 MDH). Le Crédit Agricole du Maroc, bien quil ait pu refaire surface ces deux dernières années en sortant du rouge, demeure le dernier de la classe avec un résultat net de seulement 271 MDH. Donnée remarquable : la progression des profits du secteur a été de deux chiffres, parfois trois, hormis pour les deux mastodontes ATW et GBP qui, pâtissant vraisemblablement des contre-performances de leurs filiales africaines en cours de redressement, nont enregistré que de faibles taux de progression (8,2% pour ATW et 6% pour le GBP). En somme, le secteur bancaire sauvegarde encore et toujours un niveau de rentabilité assez élevé, comparé à dautres secteurs de léconomie nationale. En témoigne le ROE (rentabilité des fonds propres) des différentes banques qui oscille entre 11,2% et 19,9%, sans compter le CIH qui affiche exceptionnellement un ROE de 57%. La filiale marocaine du groupe BNP Paribas demeure, par dessus tout, la championne du secteur en matière de rentabilité des fonds propres. Son ROE est ressorti au niveau très confortable de 19,9%, soit également le niveau le plus élevé de toutes les filiales mondiales du groupe BNP Paribas. Question : quest-ce qui fait donc que les banques marocaines gagnent autant dargent et, surtout, quelles en gagnent davantage dune année à lautre ? Le plus étonnant, cest que ces performances remarquables sont réalisées dans un contexte de baisse des taux dintérêt, leur principale gagne-pain! Les pompes à commissions Il y a dabord leffet volume. La baisse des taux a eu, en effet, un effet attractif sur la clientèle qui, dans un contexte économique favorable, a conduit à une expansion de la production bancaire en termes de crédits immobiliers, de crédits à léquipement et de crédits de trésorerie. Dautre part, lamélioration du taux de bancarisation de la population, la forte extension du réseau dagences commerciales ainsi que labsence dopportunités de placements sécurisés pour les particuliers, ont fait que les ressources des banques augmentent de manière significative. Selon les chiffres du GPBM, les dépôts de la clientèle ont augmenté à fin 2007 de 17,1% à plus de 500 milliards de dirhams. Ils sont principalement constitués de comptes-chèques (41,3%) qui sont non rémunérés. Et ce nest pas un hasard, puisque lensemble des banques font la chasse aux ressources non rémunérées lune de leur principale priorité. Lobjectif étant évidemment de contrebalancer leffet de la baisse des taux à la sortie et de sauvegarder, autant que faire se peut, leur marge dintérêts. Cest le cas dATW par exemple, dont les ressources rémunérées ont baissé de 8% dune année à lautre, tandis que celles non rémunérés se sont envolées de 27,3%, représentant plus de 64% de lensemble des ressources de la banque, contre seulement 56% une année auparavant. De lautre côté, les crédits à léconomie se sont établis à 378 milliards de dirhams, en progression de plus de 27% par rapport à la même période de lannée dernière De quoi (largement) compenser leffet de la guerre des taux ! Bref, avec des dépôts de moins en moins rémunérés et des crédits qui senvolent, au point de déranger un Abdellatif Jouahri qui veille au grain, les banques, hormis le GBP dont la marge dintérêt a accusé un repli de 12,8% à 540 MDH, ont pu malgré tout améliorer leurs marges dintérêt qui a crû en moyenne de près de 15%. À côté de cela, la marge sur commission a été appelée à la rescousse pour épauler les profits des banques. Il sagit en fait de la catégorie de revenus qui a connu les plus importantes progressions. Sa part dans le PNB des banques a augmenté de manière significative. La marge sur commission dATW a progressé de 19% et représente désormais près de 20% de son PNB. Celle du GBP a crû de plus de 65,2% et constitue plus de 11% de son PNB. Seule source de revenu qui a connu une évolution contrastée : le résultat des opérations de marché. Sil a augmenté pour certaines banques, notamment la BMCE Bank, en raison de la plus-value (près de 700 MDH) réalisée à loccasion de la vente de 5% de son capital à la Caja de Ahorros del Mediteraneo, le résultat des opérations de marché de la quasi majorité des établissements bancaires a pâti durant lannée 2007 de la brutale hausse des taux dintérêts obligataires. Il faut signaler par ailleurs que la capacité bénéficiaire des banques a été également portée par la meilleure maîtrise de leurs charges générales dexploitation qui a conduit à la baisse de leur coefficient dexploitation (45% en moyenne). Mais cela ne clôt pas le débat. Loin de là. Nombreux sont les gens, en effet, qui estiment que ces bénéfices sont tout simplement faramineux et disproportionnés par rapport à la progression globale de léconomie. Car si les marges sur intérêts se délestent petit à petit du fait de la rude concurrence des taux entre les différentes banques, la montée en puissance des commissions arrive à atténuer considérablement les effets sur le compte des résultats. En termes plus clairs, les banques continueraient à pomper à fond le client pour compenser la baisse des taux. Et ce nest pas un hasard si Bank Al-Maghrib a appelé les banques, il y a un peu plus dun an, à alléger les commissions et frais appliqués à certains services bancaires de base (www.financesnews.ma). Le but étant, rappelons-le, daméliorer la transparence vis-à-vis des clients, de rendre gratuites certaines opérations bancaires et de baisser les tarifs de quelques-unes et, enfin, de réduire les dates de valeur. Mais cela na point trouvé écho auprès des banques puisquà ce jour elles nont pas appliqué à 100% les directives de BAM. Il suffit de jeter un coup dil sur son relevé de compte pour sen apercevoir. Des frais ont certes été revus à la baisse, mais dautres, en revanche ont stagné, sinon augmenté.