* L'essor sans précédent qu'a connu le micro-crédit au Maroc impose le développement de la micro-assurance. * La micro-assurance incite les assureurs à réfléchir à des produits simples et adaptés qui seront commercialisés via des réseaux populaires. * Elle est le meilleur moyen d'atténuer les chocs liés aux fluctuations des revenus. Face à la vulnérabilité de la population pauvre devant le risque et la précarité, plusieurs associations ont vu le jour avec pour leitmotiv la lutte contre la pauvreté. Le Maroc se veut désormais l'un des pays où le micro-crédit a connu un essor important. Il est leader dans la zone MENA. En témoignent les chiffres publiés récemment: il existe actuellement 1.200.000 micro-entreprises qui constituent la principale source d'emploi de la classe pauvre marocaine. On estime à 3,5 millions le nombre de clients potentiels et on réévalue régulièrement ce chiffre à la hausse. Toutefois, il est à noter que si le micro-crédit a connu un développement important, il n'en est pas de même pour la micro-assurance qui est restée très limitée. C'est dans cette optique que s'inscrit le séminaire de formation organisé par ARM Consultants, CGSI Consulting et l'ENSAS. Ce séminaire a été animé par M. Nabeth, consultant à CGSI au profit des compagnies d'assurance de la place. Le but est de les sensibiliser à commercialiser des produits d'assurance adaptés à la population à faible revenu. La problématique est donc la suivante: comment les assureurs peuvent répondre aux besoins spécifiques de ce nouveau marché ou, plus exactement, comment les assureurs peuvent adapter leurs services à des clients très vulnérables n'ayant pas accès à des services d'assurance classique. Un micro-crédit sans assurance est un véritable problème dans la mesure où cette dernière permet d'atténuer les chocs liés aux fluctuations des revenus. D'autant plus qu'il a été constaté que la vulnérabilité résulte essentiellement d'une faible couverture. M. Nabeth a tenu à rappeler qu'au Cambodge, la pauvreté de plus de la moitié des démunis serait due à une maladie ou à un accident invalidant. En Inde, entre le tiers et la moitié des malades ayant dû être hospitalisés sombreraient dans la pauvreté à cause d'une protection inadéquate avec les risques de santé. Aussi, il s'est avéré que les méthodes de gestion traditionnelles sont limitées voire coûteuses. Nabeth donne ainsi l'exemple des prêts et dons réciproques qui ne couvrent que 2 à 3% des pertes en Inde rurale et des tontines qui ne couvrent que 10 à 40% des pertes familiales. Il prétend ainsi que les stratégies de soutien mutuel ne sont utiles que pour traiter les petits problèmes économiques. Les assurances informelles font vite voir leurs limites lorsque les pertes sont relativement importantes. Les produits d'épargne ou de crédit protègent leurs foyers à la mesure des fonds engagés et guère au-delà. Le principe de mutualisation permet de protéger sans aucune mesure les gens d'un sinistre de faible fréquence mais de forte intensité. Toutefois, il est important de signaler que si la micro-assurance paraît simple a priori, elle reste difficile à appliquer. Quels défis pour les assureurs ? Les assureurs sont ainsi appelés à inventer de nouvelles formules de distribution moins coûteuses et des contrats moins chers, plus adaptés aux besoins des assurables qui, dans ce cas-là, sont une population à faible revenu. Des contrats accordant des garanties limitées au premier feu ou au premier risque, sans déclarations de valeurs à la souscription ni exigence d'expertises coûteuses et difficiles à réaliser après sinistres, devraient pouvoir rendre service aux assurables sans pour autant leur coûter cher. Et c'est d'ailleurs le faible niveau des primes qui pousse les compagnies à hésiter quant à la commercialisation de produits de micro-assurance. Pis encore, si l'assurance reste encore limitée dans un pays comme le nôtre, le développement de la micro-assurance n'est-il pas un simple leurre ? Un bon produit de micro assurance doit ainsi répondre aux besoins des assurés, avoir des primes appropriées ainsi que des possibilités de paiement faciles et adaptées. Une enquête intitulée «services de micro-assurance» consacrée aux clients des institutions de micro-finance a montré qu'une proportion importante des clients des IMF (75,3% des personnes interrogées) est intéressée par les produits de micro-assurance, notamment l'assurance maladie. Plusieurs raisons peuvent motiver les assureurs à concevoir des produits de micro-assurance telles que la saturation du marché traditionnel, la canalisation d'une épargne locale endogène, l'insertion dans le tissu social et économique du pays et l'anticipation des politiques de subsidiarité de l'Etat. Autre fait à relater : les associations de micro-crédit ne peuvent à elles seules faire de la micro-assurance. Au-delà de l'interdiction juridique, le micro-crédit n'a pas pour fonction de devenir une stratégie de gestion de risque ex-ante, et encore moins d'indemniser des sinistres. L'assurance requiert une capacité institutionnelle significativement différente, des compétences et une expérience incluant des techniques spécialisées en gestion des risques et en capacités d'analyse. Les IMF sont conscientes de l'intérêt de la micro-assurance et qu'elles ne peuvent à elles seules concevoir des produits liés à la micro-assurance. Elles reconnaissent par ailleurs que la vulnérabilité des ménages à bas revenus n'est pas éliminée de l'accès au micro-crédit seul. Les assureurs trouveront aussi leur compte dans la mesure où cela leur permettrait de se développer auprès d'une nouvelle masse. La loi autorisant la distribution via le partenariat entre les IMF et les assureurs permettrait le développement de la micro-assurance. Des raisons commerciales, sociales voire politiques expliquent l'avantage qu'auraient certains assureurs à développer la micro-assurance. Ce développement n'est pas pour sitôt car les compagnies restent mal outillées en matière de micro-assurance.