Limage de la violence contre les femmes que véhiculent les médias, son impact sur le comportement individuel et la perception de ce phénomène par la société marocaine ont été lobjet dun débat initié par lAssociation Ennakhil pour la Femme et lEnfant, à Marrakech. Si la presse informe sur le sujet, son approche de la question reste la plupart du temps approximative. Pour cadrer le débat, Zakia Mrini, présidente de lAssociation Ennakhil, a précisé quil sagissait dune initiative qui a pour objectif de travailler avec la presse de sorte à changer le regard porté sur le phénomène de la violence contre les femmes dune affaire privée à une affaire plus globale touchant toute la société. La présidente a également soulevé le fait que les questions relatives à la femme ne sont traitées que périodiquement, notamment à lapproche du 8 mars, date de la Journée mondiale de la femme. Lors de ce débat, Nadia Lamhaidi, chercheur et professeur à lInstitut Supérieur de lInformation et de la Communication, a établi le lien entre la violence contre les femmes et les médias. Ces derniers devraient informer, former et encadrer la société en la sensibilisant à ce problème et influencer le comportement individuel en produisant de bons exemples. Le constat est que les médias continuent daborder le sujet de la femme par lintermédiaire de son image traditionnelle en tant que mère de famille, épouse ou femme obéissante. Le traitement du phénomène de la violence contre les femmes est étroitement lié à limage que reflètent les médias de la femme en général. Une image imprégnée des référentiels socio-culturels eux-mêmes largement dominés par le modèle patriarcal qui fait de la femme un être «inférieur» à dominer. Lapproche par le genre est donc à écarter, puisque la violence, en touchant la femme, touche la famille qui est le noyau dur de la société. La violence devient globale. Même lintérêt médiatique accordé aux problèmes sociaux et professionnels de la femme reste très limité dans le meilleur des cas. Pire encore, lintérêt porté à la violence contre les femmes est purement commercial. Il est exploité pour augmenter les chiffres de vente en dehors de toute considération des conséquences sur le lectorat. À ce niveau, Nadia Lamhaidi rappelle que certes, le média est une entreprise qui produit pour gagner, mais il ne doit pas omettre sa mission de produire aussi des valeurs. Le mea culpa de la presse Après lexposé de Nadia Lamhaidi, les journalistes ont pris la parole non pour se défendre, mais pour expliquer les conditions de travail et les contraintes que peuvent rencontrer les journalistes lors du traitement du phénomène de la violence contre les femmes. Effectivement, au cours de ces dernières années, les problèmes de la femme ont bénéficié dun intérêt croissant de la part des médias, comparativement avec dautres causes et crises dont souffre la société. Il faut donc considérer cette question de manière critique qui réviserait les pratiques sociales, culturelles et médiatiques visant sérieusement à réaliser un équilibre dans la société en donnant droit à tous les éléments marginalisés, la femme en tête. Cest une chose dont sont conscients tous les journalistes qui ont participé à ce débat. Néanmoins, certaines difficultés dordre technique, commercial et même éditorial font que le travail de ces derniers nest pas toujours mis en valeur ni toujours le bienvenu. Ainsi, les sujets concernant la violence contre les femmes sont généralement placés en dernier sils ne sont pas zappés carrément, surtout si le sujet nest pas sensationnel ni vendeur. Il est sûr que le changement de limage de la femme dans les médias implique aussi de remplir certaines conditions relatives aux politiques médiatiques, notamment les rôles joués par les directions de ces organismes, quelles soient assumées par des hommes ou par des femmes. Un point qui fait souvent défaut. Laccès même à linformation est parfois difficile; doù lintérêt de collaborer avec des associations travaillant sur le terrain. Pour dautres journalistes, avant de réclamer aux médias de rectifier limage traditionnelle de la femme, il faut favoriser un climat propice à lamélioration des conditions dexistence même de la femme. Ce changement est-il réalisable par lintermédiaire de lois promulguées puis adoptées par les institutions officielles politiques et sociales ainsi que par les médias ? En tout cas, les chiffres indiquent que seuls 20 % des cas de violence sont héréditaires, alors que le reste tient certainement à dautres motifs. Mais pour faciliter cette tâche aux médias, il est sûr quil faut changer les politiques dominantes dans la société, fondées sur la discrimination entre sexes dans les domaines de lenseignement, du travail, de la participation politique, culturelle et médiatique.