* Après la mise en place récente dun nouveau système de notation au niveau des administrations publiques, le ministère de la Modernisation se lance dans une étude pour la réforme des grilles des salaires. * Lactuelle grille présente plusieurs dysfonctionnements, en plus dêtre peu incitative, trop globale et inéquitable. * Daprès les économistes, la grille des salaires doit prendre modèle sur le secteur privé et doit être de ce fait indexée sur la compétence, le rendement et une implication tous azimuts. L unanimité est de mise que louverture et la libéralisation tant prônées ne peuvent réussir sans la modernisation de lAdministration. Accusée pendant longtemps de tous les maux, lAdministration marocaine fait aujourdhui peau neuve ou presque. En effet, à loccasion de la séance des questions orales à la Chambre des représentants, le ministre de la Modernisation des secteurs publics a annoncé que le gouvernement a lancé une étude sur la réforme de la grille des salaires destinée à la rendre plus motivante. Daprès les responsables, cette étude entame aujourdhui la deuxième phase de la réforme puisquune première phase avait abouti à la mise en place dun système de notation qui permet aux chefs dévaluer le rendement de leurs subordonnés. Une telle notation savère-t-elle concluante pour nos fonctionnaires ? Interrogés à cet effet, certains saccordent à dire quil est encore tôt pour évaluer ce système de notation, et quelques uns dentre eux appréhendent le fait que leurs supérieurs soient les seuls à décider de leur notation. Le système de notation fraîchement instauré ne pourrait réaliser les fruits escomptés que sil repose sur des critères objectifs. Ce système va être renforcé avec cette étude récemment lancée pour réformer la grille des salaires. Le rendement : point nodal de la nouvelle grille Lidée sous-jacente de cette nouvelle approche est que lapproche catégorielle serait abandonnée pour laisser place à un salaire lié à la fonction et au rendement. Létude se décline en deux temps. Dans un premier, elle se penchera sur la refonte technique pour la simplification de la structure des salaires. Cest le travail qui est actuellement en cours et qui durera six mois. Dans un deuxième temps, elle portera sur la réforme structurelle qui sera fondée sur la notion de fonction et non seulement sur le grade ou léchelle, ainsi que sur lextension de la grille à travers lintroduction dindices de référence en vue dune meilleure évaluation. Le projet ne date certes pas daujourdhui, mais est lié au gouvernement dalternance. Il est toujours dactualité parce que lactuelle grille des salaires souffre de dysfonctionnements et dincohérences. Lécart très flagrant entre les salaires donne ainsi matière à réflexion. Pour Mohamed Boussaid, ministre de la Modernisation des administrations publiques : «cette révision sinscrit dans le cadre de la stratégie de la modernisation de lAdministration, dautant quelle est liée à la gestion moderne, incitative et équitable des ressources humaines». En effet, il existe chez les économistes une croyance qui veut que la grille sous sa forme actuelle peu incitative est un facteur suffisant pour bloquer une amélioration du rendement et de la productivité. «Toutefois, on ne peut pas parler de non-productivité de lAdministration publique, puisque ce nest pas un fait qui a été mesuré ou qui a fait lobjet dune étude», explique Noureddine El Aoufi, économiste et Président de lAssociation Marocaine des Sciences Economiques (AMSE). «Mais sur la base de lhypothèse dune moyenne ou faible productivité de lAdministration publique, on peut imputer en partie cet état de fait à la grille des salaires qui nest pas incitative sous sa structure actuelle de gestion des ressources humaines», sempresse-t-il dajouter. Cela dit, la motivation à elle seule nest pas lunique, mais reste un facteur important. «La grille actuelle est dépassée, archaïque et très peu équitable que ce soit au sein dune même administration, notamment par la différence entre échelons, mais aussi entre administrations et notamment entre ministères», souligne-t-il avant de poursuivre : « dans ce sens, il faut citer quelques exemples dadministrations publiques qui ont développé un système différentiel, cest le cas de le dire pour le ministère des Finances et de la Privatisation», ajoute-t-il. Au niveau de ce ministère, la grille des salaires est sur un pied dégalité par rapport aux autres administrations publiques à une exception près. En effet, les fonctionnaires de ce ministère sont privilégiés par rapport aux autres fonctionnaires de lEtat par les primes périodiques quils perçoivent. «Nous bénéficions de cette prime qui est très motivante sur un certain plan, mais elle est la même pour tous les fonctionnaires du même grade et nous aspirons vivement que la réforme de la grille des salaires va y remédier» explique Leila Essadki, chef du service des publications et relations presse au sein du ministère des Finances et de la Privatisation. «Or, le volume de travail varie dun département à lautre et même limplication nest pas la même» sempresse-t-elle dajouter. Daprès le Président de lAssociation des sciences économiques, une grille des salaires doit être indexée sur la compétence, le rendement et doit refléter le degré dimplication. «La tendance actuelle en matière de gestion de ressources humaines est lindividualisation de la gestion des salaires sur la base des compétences et limplication dans le travail. Il faut prendre modèle sur le secteur privé qui a développé une grille des salaires qui intègre la compétence, limplication dans le travail et le rendement», conclut Noureddine El Aoufi. Productivité Vs masse salariale Des études récentes ont montré quen dépit du poids de la masse salariale dans le PIB, il en ressort que même la hausse dun point de la masse salariale publique nest même pas suffisante à préserver le pouvoir dachat des fonctionnaires. Les perspectives économiques au titre de lannée 2007 augurent que les dépenses de fonctionnement atteindront près de 109,6 Mds DH contre 101,2 Mds DH en 2006, soit une hausse de 8,3 %. À noter que les dépenses de personnel représenteront 57,3 % en 2007. Lenveloppe des dépenses de personnel retenue au titre de la Loi de Finances 2007 sélève à près de 62,8 Mds DH contre 58,7 Mds DH en 2006, soit une augmentation de 6,9 %. Il sagit en fin de compte dun dilemme dans la mesure où les salaires des fonctionnaires pèsent sur la croissance économique sans pour autant améliorer la productivité. Cest dailleurs en raison du poids élevé dans le PIB et son impact perçu comme facteur aggravant du déficit budgétaire et, partant, sur le profil des finances de lEtat, que les pouvoirs publics ont depuis quelques années fait de la maîtrise de la masse salariale lun des principaux objectifs de la politique économique. Des mesures allant du gel de salaire, de linterdiction de recrutement jusquà ladoption de lopération départ volontaire à la retraite. Et aujourdhui, on ne baisse pas les bras en comptant compenser le poids de la masse salariale par une meilleure productivité. Hausse des salaires ou pas, il semble que lamélioration de la rentabilité des fonctionnaires nest pas une mince affaire. Dautant plus que les fonctionnaires taxés de non-productivité se plaignent constamment dun pouvoir dachat érodé à cause de la hausse du niveau de vie. Au-delà de ces indications chiffrées, il convient de sinterroger sur la pertinence de la problématique posée. Le problème réside essentiellement dans une grille de salaires incohérente ou dans la stabilité de lemploi considérée comme un acquis chez bon nombre de fonctionnaires .