* Le taux d'augmentation des arrivées de touristes est passé de 3,8% pour la période 1982-1995 à 7,2% au cours de la dernière décennie (1995-2005) et se stabiliserait au seuil de 7% jusqu'en 2030. * La persistance des attentats terroristes entraînerait, chez les populations, un rejet culturel du tourisme. * Le développement du tourisme nécessite la mobilisation d'énormes ressources financières, publiques et privées. Cest en analysant le passé et en comprenant le présent qu'on peut prévoir le futur. Dans cette perspective, le Haut Commissariat au Plan a élaboré dernièrement une étude sur les possibilités de développement du tourisme national durant les vingt prochaines années. La recherche prévoit trois scénarios essentiels qui se réfèrent aux tendances des différents éléments du marché de ce secteur ainsi que du comportement de l'acteur public. Présentation des scénarios Le scénario S1 se focalise sur les expériences des pays de la péninsule ibérique pour élaborer un schéma de développement du tourisme au Maroc tout en évitant les défauts de ce modèle, en particulier sur le plan de la destruction des ressources naturelles. Ce cadre de référence suppose la saturation de l'Espagne et du Portugal en termes d'investissements touristiques, ce qui aura pour conséquence une orientation des promoteurs touristiques internationaux vers de nouvelles sphères d'implantation comme le Maroc. Le scénario S1 stipule aussi les répercussions positives de l'ouverture du marché du transport aérien national sur des voies internationales. Sur le plan quantitatif, il s'agit là d'un scénario présentant une forte croissance des flux touristiques. Le taux d'augmentation des arrivées de touristes est passé de 3,8% pour la période 1982-1995 pour se situer à 7,2% au cours de la dernière décennie (1995-2005) et se stabiliserait autour de 7% jusqu'en 2030. Cette performance requiert nécessairement d'importants investissements infrastructurels associés à une implication du gouvernement. Si les impacts positifs de l'évolution du tourisme s'étendent pour favoriser d'autres objectifs, comme l'accélération de la croissance des PME en encourageant l'esprit d'entreprendre, les risques de dysfonctionnements de ce scénario ne sont pas négligeables. Ils se situent dans l'insuffisance des moyens d'investissement et la surexploitation des ressources naturelles. Comme elles correspondent à la baisse du multiplicateur du revenu comme conséquence de la satisfaction de la demande touristique par l'importation. Le deuxième scénario (S2) de développement se déplace vers la future société de la connaissance en s'appuyant sur la montée sociale de la préoccupation pour la durabilité des modèles de croissance économique. La mise en uvre d'une telle stratégie ne peut être établie que dans le cadre d'une politique publique, tant en Méditerranée qu'au Maroc. Parmi les instruments de cette politique on peut citer les principaux, tels que le développement des outils législatifs, gestionnaires et fiscaux. Le troisième scénario (S3), à la différence des deux autres, laisse aux forces du marché l'initiative de tirer vers le haut le tourisme en assurant une intégration économique dans le sens du co-développement avec les voisins nord-européens. Pour ce faire, le Maroc doit développer des destinations moins matures que celles du nord de la Méditerranée pour servir de point d'amorçage pour de nouvelles offres dans le tourisme à haute valeur dans l'échelle psychologique : tourisme éducatif, de recherche, de développement intellectuel. L'étude indique que si ce scénario est plus ambitieux que les autres, il se situe en grande partie en dehors des possibilités d'action immédiates des agents économiques publics et privés marocains. Après la citation des différents scénarios, l'étude a déterminé une importante zone commune qui incorpore en quelque sorte ce qui serait un scénario minimal de haute vraisemblance. Cette zone commune se réfère à un tourisme de masse, mais qui cherche à élargir la gamme des services en assurant la durabilité. Des menaces aux atouts Les projections des réalités actuelles montrent clairement les menaces qui constituent, ou constitueront, un obstacle face au développement du tourisme, que ce soit au niveau de l'offre ou de la demande. La première menace est intitulée par l'étude «zone de stress». Elle correspond aux effets négatifs produits suite à l'apparition du phénomène du terrorisme. Selon l'étude, le Maroc se situe dans une zone géostratégique très conflictuelle perçue par certains analystes comme une piste où se heurtent les civilisations. Ce type de conflits peut perturber l'évolution touristique dans la mesure où l'insécurité est l'ennemi numéro un du développement, en général, et du tourisme en particulier. Ce qui est plus dangereux, c'est que la persistance de ce type d'idéologie infondée entraînera, chez les populations, un rejet culturel du tourisme. En contrepartie, un pays comme le Maroc, caractérisé par l'alliance entre les civilisations, a les moyens de transformer les menaces que présente le terrorisme en atouts, surtout en adoptant le scénario correspondant à un tourisme de connaissance. L'insuffisance des moyens de financement est un autre enjeu majeur. En fait, le tourisme nécessite la mobilisation d'énormes ressources financières, publiques et privées. Les pouvoirs publics financent les projets touristiques dans la mesure du possible, sinon leur choix se ferait au détriment des projets sociaux urgents. Sur le plan privé, les investisseurs prennent des décisions rationnelles en ce qui concerne le financement à caractère touristique et les autres secteurs productifs. Certes, cette menace sur le plan financier est à contourner en faisant appel aux nouvelles méthodes de financement caractérisées par des partenariats public-privé tout en attirant l'épargne globalisée. C'est le cas du troisième scénario. À part les menaces citées précédemment, la détérioration des ressources hydriques est perçue comme une problématique désastreuse. En effet, l'industrie touristique englobe des services et des produits qui absorbent d'énormes quantités d'eau. Cette denrée, qui a une valeur égale à celle de l'or noir, est indispensable pour le secteur agricole, colonne vertébrale de l'économie nationale. L'amortissement de la pression accélérée sur les capacités hydriques est un objectif réalisable en développant le système hydrique par le traitement des eaux usées et d'autres techniques. En guise d'analyse, on constate que le Maroc agit principalement dans le cadre du premier scénario. À cet effet, l'optimisation de la relation prix/qualité est le premier but à atteindre. Ainsi, en agissant dans le cadre d'une approche systémique, le Maroc a déjà lancé de grands chantiers formant la base des scénarios S2 et S3, ce qui représente le noyau d'un tourisme durable et porteur de l'économie tout en respectant les spécificités culturelles de notre société.