Dans un espace atlantique marqué par des clivages entre le Nord et le Sud, par le changement, le développement et les opportunités qu'il présente, les débats foisonnent. Le dernier en date et qui n'est pas des moindres, est la rencontre «Dialogues Atlantiques» organisée du 14 au 16 décembre par l'OCP Policy Center, en collaboration avec le German Marshll Fund of the United States (GMF). Une cinquième édition très réussie grâce à la présence de plus de 300 personnes, de grosses pointures en provenance de 49 pays, pour la plupart des leaders influents issus d'institutions gouvernementales, d'entreprises, de think tanks et des médias ... avec une représentation équilibrée entre le Nord et le Sud. Sa réussite revient par ailleurs à la qualité des débats qui ont pratiquement abordé des thématiques d'une actualité brûlante. Ont été ainsi discutés en profondeur des sujets tels que les tendances économiques, l'avenir du monde, les conséquences régionales de la mondialisation, l'Europe après le Brexit, la problématique de la sécurité de l'Atlantique en examinant les risques, les fragilités et les voies de résilience. D'autres débats ont fait l'objet de discussions durant les conférences qui se sont enchaînées trois jours durant : le changement climatique, les inégalités genre et sociales, les moyens de contrer le terrorisme... Cette édition riche en thèmes visait ainsi à mettre en évidence les liens systémiques qui unissent les pays -ô combien diversifiés- de l'espace atlantique. Elle a été également une occasion pour lancer le rapport commun Atlantic Current. A rappeler que le bassin atlantique occupe une place stratégique dans l'économie mondiale, vu le poids que représente la partie Nord de la région. Pour plus de précisions, les Etats-Unis et l'Union européenne s'accaparent la part léonine du PIB mondial, soit plus de 51%. Les économies d'Amérique latine et de l'Afrique ne représentent aujourd'hui respectivement que 6% et 1% du PIB mondial. Toutefois, les prévisions sont optimistes grâce aux réformes politiques et économiques déployées dans le Sud qui peuvent apporter une grande stabilité. Quand bien même les sujets débattus au cours de cette 5ème édition s'avèrent tous d'une importance cruciale pour l'avenir d'un monde en mutation, nous nous limiterons ici à quelques-uns pris fortuitement. «Comment repenser la finance de développement» Dans ce panel, Masood Ahmed, ancien directeur du FMI pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale, et d'autres intervenants ont tenu à mettre en exergue le fait que 90% des ressources financières sont du ressort des pays du Nord. Par ailleurs, le volume global des aides allouées aux pays en développement s'élève à près de 150 milliards de dollars annuellement, mais le défi réside dans la mise en place d'une stratégie efficace à même de fructifier les ressources et de pérenniser leurs effets sur le développement. En ce qui concerne le volet éducatif, un grand nombre de panélistes sont conscients que son impact sur le développement est limité. Ils insistent sur le rôle du secteur privé pour rehausser le niveau du capital humain. Les intervenants se sont également arrêtés sur la finance de développement au profit également des économies avancées. Et pour cause, leur situation macroéconomique pèse sur leur croissance à long terme. Du coup, cela se ressent sur l'intolérance grandissante quand il s'agit d'accueillir des vagues de plus en plus importantes d'immigrés. «L'Europe après le Brexit» ? Des intervenants ont minimisé l'impact de cette rupture sur l'économie de l'Union européenne, alors que d'autres l'ont vu comme une menace pour le continent européen. D'après eux, la rupture du Royaume-Uni avec l'Europe est fortement émotionnelle car elle a ébranlé les valeurs et l'identité commune que les gouvernements et les citoyens ont construites depuis la création de l'Union européenne. Ils s'inquiètent davantage parce qu'ils considèrent que la crise financière n'arrange pas les choses, car elle offre un terrain favorable aux partis d'extrême droite. Les inquiétudes sont encore plus vives au vu de ce populisme montant dans les pays européens. Les intervenants ont affiché leurs appréhensions, car si les gouvernements actuels ne corrigent pas le système européen, ce dernier court à sa fin. «Commerce transatlantique : Bénédiction ou malédiction» ? L'exemple de la coopération Maroc-USA a été débattu quant à son opportunité. M. Boussaid, ministre des Finances, a fait remarquer que le commerce international a enregistré l'un des taux de croissance les plus faibles de ces dernières années, et que cela témoigne du recul du commerce à l'échelle mondiale. Il rappelle à ce titre que l'économie marocaine a conclu plusieurs accords de libre-échange qui ouvrent aux exportateurs marocains un marché d'1 milliard de consommateurs. Pour ce qui est de l'accord de libre-échange avec les USA, le ministre a rappelé que dix ans après la conclusion de l'accord, le volume du commerce a été multiplié par 3 entre les deux nations. Même si cela s'est fait au détriment du Maroc en termes de déficit, les effets à long terme pourront être positifs en termes d'attraction des investissements étrangers et de bien-être pour le consommateur marocain. Jack Markell, gouverneur de l'Etat de Delaware aux USA, a, quant à lui, mis l'accent sur les bienfaits du commerce international et de l'abolition des barrières tarifaires. «Populisme : Où va le monde» ? Après avoir passé en revue l'élection présidentielle aux Etats-Unis, les panélistes ont rappelé que c'est au moment où l'on s'attend le moins que le populisme l'emporte (Brexit, Grèce, Espagne...). Pour le cas des USA, il est important pour le reste du monde de trouver un terrain d'entente, de réduire le fossé et de coopérer sur les plans politique et économique. Les intervenants attribuent la montée du populisme à des raisons aussi bien nationales qu'internationales. Sur le plan national, c'est surtout le changement des standards de vie, l'inégalité sociale, la baisse du pouvoir d'achat. Sur le plan international, nous retrouvons la migration et la globalisation où l'économie est mise en avant au détriment de l'individu. Les intervenants sont pourtant optimistes : pour contrer ces mouvements populistes, il est impératif de revoir les politiques qui ont créé les inégalités, changer de méthode de gouvernance et impliquer davantage la population. «Infrastructures : un rôle important dans le Sud, à condition...» Sur la thématique du rôle de l'infrastructure dans le Sud de la Méditerranée, il a été relevé à l'unanimité que l'investissement y afférent en tant que moteur de compétitivité n'est plus à démontrer. Le ministre des Affaires étrangères de St-Kitts-et-Nevis (Petites Antilles) a affirmé que les investissements en infrastructures sont cruciaux pour le développement des nations, à condition que ces derniers soient accompagnés par un investissement massif en capital humain. Relatant l'expérience marocaine dans la promotion de l'investissement, Amina Benkhadra, DG de l'ONHYM, a signalé que la réussite de cette dernière a été favorisée par la mise en place d'un cadre réglementaire transparent et propice à la prise de l'initiative, conformément aux standards internationaux. Thierry Deau, qui représentait le secteur privé dans ce panel et fervent défenseur des partenariats public-privé (PPP), a invité les secteurs public et privé à développer des canaux de dialogue avec la société civile pour fructifier les investissements. Le gouverneur du Nevada a indiqué, pour sa part, que l'attraction des investissements dans son Etat est le fruit d'un dialogue tripartite entre autorités locales, système éducatif et investisseurs. Intervenant sur «Les voies du développement en Afrique», Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigéria, a annoncé que les ressources externes sont effectivement d'une grande importance, mais il ne faut pas oublier que l'agriculture et les ressources domestiques sont à considérer prioritairement comme locomotive de développement. Pour ce qui est du nouveau projet de gazoduc reliant le Nigéria au Maroc, le sujet a été largement commenté à travers les implications économiques qu'il aura sur tous les pays traversés.