Le bras financier de l'Etat dévoile à Finances News hebdo ses engagements en faveur du climat. Réduire l'empreinte carbone du portefeuille de la CDG et de ses filiales est désormais un enjeu de taille pour ce groupe multimétier. Son Directeur général, Abdellatif Zaghnoun, revient, entre autres, sur les enjeux d'adhésion au réseau d'investisseurs de long terme. Finances News Hebdo : La COP22 s'est traduite par l'élaboration d'une feuille de route par laquelle les principaux acteurs financiers du Royaume se sont engagés à financer le climat. Quelle est la part d'engagement de la CDG dans cette feuille de route ? Abdellatif Zaghnoun : Le Groupe Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG) a tout d'abord été partie prenante, via ses filiales CDG Capital et CIH Bank, dans l'élaboration de la feuille de route du système bancaire marocain. La CDG y adhère également en tant que membre du Groupement professionnel des banques au Maroc (GPBM). Mais, en tant que groupe multimétier, la CDG s'est dotée d'une feuille de route globale en faveur du climat, s'articulant autour de quatre engagements, annoncés durant la COP22 à Marrakech : Notre 1er engagement consiste à prendre en compte - de façon systématique et durable - les enjeux climatiques, à la fois dans notre stratégie de développement et dans nos décisions de financement. Le nouveau plan stratégique qui sera rendu public début 2017 comprendra un important volet climat inspiré des «Principles for Mainstreaming Climate Action». Le 2ème engagement vise à mesurer et à réduire l'empreinte carbone du portefeuille d'activités de la CDG et de ses filiales et ce, en procédant par étapes : Dès 2017, cet engagement concernera nos métiers dans l'immobilier tertiaire et l'hôtellerie, avec un objectif ambitieux d'économie d'énergie de l'ordre de 20% à l'horizon 2020. A partir de 2018, nos filiales CIH Bank et CDG Capital intégreront cet engagement et préciseront leur stratégie de réduction de leur empreinte carbone. Le 3ème engagement porte sur le lancement d'un plan d'efficacité énergétique afin d'apporter un soutien à la réalisation des objectifs nationaux d'efficacité énergétique de 12% en 2020 et 15% en 2030. Deux domaines sont ciblés : Les bâtiments publics L'éclairage public La CDG, l'AMEE et l'ONEE ont signé, lors de la COP22, un mémorandum d'entente pour la création d'une société de services énergétiques (ESCO). En appui à cette initiative, l'AFD et la KFW ont été sollicitées pour mettre en place une ligne de financement dédiée. Le 4ème engagement a pour objet de pérenniser l'action de la CDG en faveur du climat. Trois actions concrètes ont d'ores et déjà été enclenchées dans ce sens : Initiative internationale de mobilisation des investisseurs africains en faveur du climat en Afrique concrétisée par le lancement par la CDG, le 16 novembre dernier, d'un réseau d'investisseurs en partenariat avec les Caisses des Dépôts africaines, Africa50, le Fonds de pension public nigérian PENCOM, le fonds de Private Equity VEROD, CDC France et l'Agence française de développement. Adhésion de la CDG au réseau d'investisseurs socialement responsables «Principles for Responsible Investment». Participation de la CDG, aux côtés de la CDC, l'AFD et l'ADEME au financement et à la gouvernance du think tank international I4CE dédié à l'économie du changement climatique F.N.H. : En dépit de leur faible taux d'émission des GES, les pays africains, en l'occurrence le Maroc, se sont engagés à le réduire davantage. En tant qu'investisseur institutionnel, quel pourrait être l'impact d'un tel engagement sur le processus d'industrialisation qui, malgré les efforts déployés, demeure assez lent ? A. Z. : Le modèle de la croissance verte et soutenable n'est pas contraire à la poursuite de l'industrialisation. L'industrie elle-même peut et doit devenir verte. Beaucoup d'industriels de toutes tailles montrent déjà la voie. En qualité d'institution publique et d'investisseur en phase avec les défis du développement du Maroc, le rôle de la CDG est d'encourager dans ce sens les opérateurs nationaux. Il ne faut pas non plus oublier que la lutte contre les changements climatiques offre d'importantes opportunités susceptibles d'accélérer le processus d'industrialisation. C'est le cas notamment en matière d'énergies renouvelables. Le Maroc est à cet égard une excellente illustration. Une filière industrielle est en train de naître à la suite des programmes solaire et éolien, et est même en passe de devenir une référence à l'échelle internationale. F.N.H. : Dans le même sillage, ces engagements appelés communément NDCs génèrent des besoins en financement colossaux. Comment la CDG, à travers son réseau d'investisseurs africains dévoilé à l'occasion, pourrait-elle financer un tel besoin ? Plus précisément, quelle sera la part de la CDG dans le montage financier en faveur du climat dans le continent africain ? A. Z. : La CDG a démontré à plusieurs reprises sa capacité d'attirer des financements internationaux sur le territoire national, voire sur le continent. Avec le lancement du réseau d'investisseurs de long terme africains, nous ambitionnons de créer une dynamique commune qui sera attractive pour les financements internationaux à l'échelle du continent. Dans un registre équivalent, et pour illustrer notre expérience et notre implication africaines, la CDG a déjà été sollicitée par plusieurs pays africains amis pour les accompagner dans la création de Caisses des dépôts, sur le même modèle que celui de la CDG. Pour rappel, le modèle économique de la CDG présente des caractéristiques spécifiques qui lui permettent de sécuriser une épargne d'origine privée, tout en accompagnant les politiques publiques au service du développement économique du pays. La CDG a ainsi accompagné la création de Caisses de dépôt au Sénégal, au Gabon, en Tunisie et en Mauritanie. D'autres pays sont en cours de création de leur caisse de dépôt avec l'appui de la CDG à l'instar du Cameroun, du Bénin, de la Guinée Equatoriale, de la Côte d'Ivoire, du CongoBrazzaville, du Togo et du Burkina Faso. F.N.H. : L'épargne domestique reste trop faible dans le continent africain. Quelles sont les actions déployées par la CDG à travers le réseau d'investissement pour drainer cette épargne ? A. Z. : L'épargne africaine n'est pas si faible, cela dépend des pays. Elle souffre surtout d'un manque de développement des systèmes financiers et de sa trop faible orientation vers le long terme. Le rôle des investisseurs institutionnels africains, notamment à travers le réseau d'investisseurs récemment lancé lors de la COP22, est à cet égard essentiel pour drainer cette épargne et l'orienter vers les projets favorables à un développement bas carbone.