Les stress test auxquels ont été soumises les banques marocaines en 2015 ont conclu à leur résilience aux risques de liquidité, de solvabilité et de contagion. En revanche, les risques sur les grandes contreparties et la hausse des créances compromises sont les principales sources de vulnérabilité. Etat des lieux. Les trois régulateurs du marché financier, à savoir l'Autorité de contrôle des assu-rances et de la prévoyance sociale (ACAPS), Bank Al-Maghrib (BAM) et l'Autorité marocaine des marchés des capitaux (AMMC), réunis au sein du Comité de coordina-tion et de surveillance des risques systémiques (CCSRS), viennent de valider et de rendre public le dernier rap-port sur la stabilité financière. Ce document annuel très fouillé, le troisième du genre, présente une radioscopie de l'écosystème financier maro-cain, mettant en exergue ses forces et ses faiblesses. Liquidité et solvabilité : vulnérabilité limitée Le secteur bancaire, de par sa taille et son importance dans le financement de l'économie nationale, est évidemment passé au peigne fin. Pour en mesurer la résilience face aux chocs et aux risques, une série de stress tests a été réa-lisée en 2015. Objectifs : éva-luer la solvabilité des banques et leur exposition aux risques de liquidité et de contagion. Les principaux résultats sont plutôt rassurants, puisque le secteur bancaire passe avec succès les stress tests. Ainsi, concernant les stress test de solvabilité, les résul-tats des stress tests macro réalisés par Bank Al-Maghrib, qui simulent une détérioration sensible de la situation éco-nomique dans les pays émer-gents, indiquent, globalement que les banques marocaines sont résilientes aux chocs macroéconomiques. Le rap-port précise que les banques devraient conserver des ratios de fonds propres supérieurs à 12% à l'horizon 2017, même en cas de scénario extrême. Ce même stress test indique que le taux de créances en souffrance pourrait, dans le pire des cas, atteindre 8,9%. La capacité de ces banques à résister à un violent choc de liquidité a également été testée. Deux scénarii très défavorables ont été simulés. Ces stress tests ont permis de conclure que la vulnérabi-lité des banques au risque de liquidité est maîtrisable. «Effet domino» faible Il en est de même des stress tests de contagion. Le risque de contagion a été appréhen-dé à travers trois approches : la contagion interbancaire, la contagion entre banques et assurances, et la contagion transfrontalière. Globalement, là aussi, les banques s'en tirent à bon compte. En effet, les trois approches ont permis de conclure que l'exposition des banques marocaines à ces risques est «très limitée». C'est le cas, en particulier, pour le risque de contagion transfrontalier, c'est-à-dire le risque de contagion suscep-tible de découler de l'exposi-tion des banques marocaines sur leurs filiales africaines. Le rapport note que malgré une hausse de 5% par rapport à fin 2014, les prêts accor-dés par les trois banques (Atiijariwafa bank, BMCE Bank of Africa et Groupe Banque Populaire) à leurs filiales à l'étranger demeurent limités et assez diversifiés sur le plan géographique. Ces prêts sont orientés majoritairement vers le Sénégal avec une part de 34%, suivis par ceux desti-nés au Ghana et Côte d'Ivoire (voire graphe 2). Gare au risque de concentration... C'est l'un des points faibles du secteur bancaire, identifié par le rapport de stabilité finan-cière. En effet, les stress tests de sensibilité relatifs au risque de concentration, qui simulent une défaillance de certains grands comptes auprès des banques, font ressortir une forte exposition des banques au risque de concentration. Le CCSRS note ainsi qu'en dépit du processus de désendettement de certains groupes, le niveau de ces engagements reste important. Ce risque sur les grandes contreparties préoccupent véritablement Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, qui a déjà annoncé des mesures pour y remédier, notamment à travers l'amélioration de la transparence financière des groupes d'entreprises vis-à-vis des banques (financesnews.press.ma). ... Et aux créances compromises S'il est admis que le taux de créances en souffrance est sur un trend ascendant depuis quelques années, c'est la proportion des créances classées dans la catégorie «compromise» qui inquiète. En effet, cette catégorie d'impayés représente plus des deux-tiers du total des créances en souffrance. Cela signifie que sur les 57,7 milliards de DH de créance en souffrance à fin 2015 (soit 7,4% de l'encours total des crédits), les 3/4 sont des créances compromises, c'est-à-dire qu'elles présentent un risque de non recouvrement total. La part de ces créances compromises a par ailleurs largement augmenté entre 2014 et 2015 de plus de 5,6 milliards de DH, enregistré depuis la fin de l'année 2014. Dans le même temps, les créances douteuses et pré-douteuses se sont globalement stabilisées d'une année à l'autre. Notons que les créances compromises ont été provisionnées à hauteur de 74% par les banques. Les assurances exposées aux défaillances bancaires Les résultats des stress tests de contagion impliquant 8 banques et 5 compagnies d'assurances soulignent la vulnérabilité des assurances face à des défaillances bancaires, explique la Banque centrale. Mais pas l'inverse. En effet, l'indice de contagion est plus élevé au niveau des banques, alors que l'indice de vulnérabilité est plus important au niveau du secteur des assurances. Dans le détail, les expositions des banques sur le secteur des assurances représentent seulement 0,4% de leurs emplois et 1% de leurs ressources. Ces ressources sont constituées majoritairement des dépôts et instruments de dette, suivis par les instruments de capital. En revanche, les expositions des compagnies d'assurances sur le secteur bancaire constituent des parts significatives de leurs emplois qui atteignent environ 18% contre 2% de leurs ressources. Ces emplois sont constitués majoritairement de titres de participation et de propriété (80%), de titres de créances (11%) et de dépôts (9%). Mieux encadrer les banques systémiques Toujours prompt à implémenter les règles prudentielles baloises, BAM annonce un dispositif encadrant les banques marocaines revêtant une importance systémique. Ce dispositif, qui converge avec les dernières recommandations du Comité de Bâle relatives au traitement des banques d'importance systémique, est en cours de mise en place. Il doit permettre d'appréhender trois composantes essentielles. La première est la définition d'un cadre pour l'identification de ces banques. La deuxième consiste en la mise en place de règles prudentielles spécifiques. Celles-ci incluraient notamment une surcharge additionnelle en fonds propres visant le renforcement de la capacité d'absorption des pertes de ces banques. Enfin, la dernière composante de ce dispositif réside dans la préparation par ces banques d'un plan de redressement interne au préalable. A. Elkadiri Crédits interentreprises : Les délais de paiement s'allongent dangereusement Les entreprises non financières ont de moins en moins recours au crédit bancaire. Cette baisse de la demande en crédit a été maintes fois soulevée par les banques et le régulateur pour justifier la décélération du crédit bancaire. Le problème est que ce désendettement bancaire a été financé par l'allongement des délais de paiement interentreprises, notamment pour leurs besoins en trésorerie. Cet allongement a été mesuré par la Banque centrale à travers un échantillonnage de près de 1.700 entreprises, représentant la majorité des secteurs productifs du Royaume. Le rapport note que «les entreprises de l'échantillon ont recouru à la dette commerciale qui s'est allongée en 2014, pour atteindre 191 jours d'achats, contre 187 jours une année auparavant». Pour les secteurs du BTP, de la promotion immobilière, des transports et des télécommunications, les délais passent à respectivement à 279, 368 et 467 jours ! Soit pas moins de 1 an et 3 mois pour payer son fournisseur ! Si l'on fait la distinction entre grandes et petites entreprises, la dette fournisseurs des TPE s'établit à près de 236 jours, tandis que celle des grandes entreprises atteint 194 jours. Du côté de la dette de la clientèle, l'étude note globalement un léger mieux. Les entreprises de l'échantillon ont observé des délais de paiement plus courts de la part de leur clientèle, qui se sont situés à 85 jours de chiffre d'affaires, contre 88 jours une année auparavant. En revanche, dans le cas de la promotion immobilière, les délais demeurent extrêmement élevés à ... 557 jours. Ces données préoccupent la Banque centrale qui appelle à la nécessité de réformer la loi sur les délais de paiement et assurer sa mise en application. Notons à ce propos que le Conseil de gouvernement a récemment adopté un projet de décret relatif à la détermination des délais de paiement et des majorations de retard des commandes publiques. L'article 2 du décret stipule que les dépenses relatives aux commandes publiques doivent être acquittées dans un délai de 60 jours au maximum.