En dépit d'une conjoncture internationale favorable à l'économie nationale, le haut-commissariat au Plan revoit ses prévisions de croissance à 1,5% du PIB pour l'année 2016 et table sur 3,5% en 2017. Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan, alerte de nouveau sur les conséquences fâcheuses de l'absence de réformes structurelles. Comme chaque année, la présentation du Budget exploratoire de l'année à venir constitue un événement de taille pour la presse ainsi que pour les experts de la politique économique du pays. Lors de cette manifestation, il est question pour Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan (HCP), et sa garde rapprochée, de présenter les prévisions de l'année en cours et de lever le voile sur la dynamique économique de l'année qui suit. Au regard des chiffres révélés récemment à Casablanca par le patron du HCP, l'économie en 2016 ne devrait pas connaître de profonds changements par rapport à ce qui est déjà connu. En effet, les Marocains devraient se contenter d'une croissance atone, qui tournera autour de 1,5% du PIB contre 4,5% en 2015. A l'évidence, cette baisse de régime est principalement tributaire du repli de la récolte céréalière située autour de 33,5 millions de quintaux. Même s'il convient de faire remarquer la nette progression des cultures non céréalières et l'élevage. Globalement, une radiographie de l'économie nationale en 2016 par rapport à l'année dernière fait ressortir une baisse de la valeur ajoutée du secteur agricole (-11%) et une perte de vitesse des crédits bancaires, laissant transparaître l'essoufflement de la demande intérieure, jusque-là moteur de l'économie. Une telle physionomie à laquelle s'ajoute l'irrégularité de la croissance, a poussé le patron du HCP à mettre à nouveau en garde contre les risques que court le pays en l'absence de profondes réformes structurelles. Promouvoir une nouvelle ère de croissance «Depuis des années, nous appelons le gouvernement à opérer des réformes structurelles à même de renforcer la résilience de l'économie nationale, mais en retour, nous n'observons aucun effort dans ce sens», s'offusque Lahlimi, qui déplore dans le même temps l'absence de rupture par rapport au modèle économique, fondé sur la demande intérieure, qui devrait progresser de 1,7% en 2016 au lieu 5% par an durant la période 2008-2013. Toutefois, pour 2017, la bonne nouvelle est que la demande intérieure serait en hausse de 2,4% en 2017, contribuant ainsi pour 3,1 points à la croissance économique au lieu de 2,4 points en 2016. De plus, l'investissement brut connaîtrait une hausse de 1,9%, avec une contribution de 0,6 point à la croissance (contre 0,3 point en 2016). Cela dit, les experts du HCP regrettent la morosité économique ambiante qui caractérise cette année malgré une conjoncture économique internationale particulièrement favorable au Maroc, avec la baisse des prix du pétrole. Pour l'année en cours, on relève tout de même un faisceau d'indicateurs au vert ou en amélioration. Il convient de citer la hausse des exportations ( 4,1%), la progression de la valeur ajoutée des activités non agricoles ( 2,3%), le recul du déficit budgétaire (4,1% du PIB), et la consolidation du stock en devises à 8 mois d'importations. Au-delà de ces quelques motifs de satisfecit pour l'Exécutif, Lahlimi s'est livré, comme à l'accoutumée, à une série de recommandations qui sonnent comme une énième injonction pour le gouvernement. Tout en relevant une nette amélioration du taux de croissance pour 2017 (3,5% du PIB), en se basant sur la reconduction de la politique budgétaire et sur une production céréalière moyenne durant la campagne 2016-2017, le patron du HCP s'est inscrit en faux contre Moulay Hafid El Halamy, ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique, pour qui les métiers mondiaux du mondiaux (MMM) incarnent au mieux la création de richesse. En effet, Lahlimi nuance les multiples effets positifs supposés de certains MMM sur l'économie nationale. «Il est judicieux d'investir davantage dans les industries traditionnelles de transformation (textile, métallurgie, agroalimentaire), réputées pour leurs multiples effets d'entraînement sur l'économie nationale. Pour l'heure, la branche automobile, par exemple, affiche une valeur ajoutée relativement limitée à cause de ses importations massives», assure Lahlimi, qui ne manque pas de souligner le rôle de locomotive qu'elle joue au niveau des exportations. Afin d'extirper l'économie nationale de son équilibre économique bas, les hommes du HCP préconisent une réforme des finances publiques à même d'améliorer les ressources de l'Etat. Ce qui permettrait d'infléchir la tendance haussière de la dette publique globale qui tournera autour de 81,4% du PIB en 2016. L'autre facteur qui suscite l'inquiétude, est la détérioration des conditions d'accès au marché du travail. «Une simple atténuation de la baisse du taux d'activité modifierait, d'une façon inquiétante, le taux de chômage qui tourne autour de 10%», alerte le patron du HCP. D'où l'opportunité d'orienter les investissements vers les secteurs productifs ayant une grande propension à générer des postes de travail. Cela dit, la dynamique du partenariat public-privé insufflée dans les grandes stratégies de développement économique et social du pays (INDH et plans sectoriels) ont porté leurs fruits. D'ailleurs, en dépit des critiques suscitées par le Plan Maroc Vert, le HCP salue sa forte contribution à la résilience des cultures non céréalières. Partant, il ne fait aucun doute que l'association public-privé est porteuse de progrès pour le Maroc. Comme l'on s'y attendait, les implications du Brexit sur l'économie marocaine ont été abordées lors des échanges. Pour Lahlimi, la vigilance doit être de mise puisque le Brexit devrait pénaliser à court terme les perspectives de croissance de l'Union européenne qui, faudrait-il le rappeler, est le premier client du Royaume.