Pour Houdaifa Ameziane, président de l'Université Abdelmalek Essaâdi – Tétouan, cette dernière a un rôle à jouer concernant la chose climatique, à commencer par la sensibilisation des acteurs de la région, l'intégration des jeunes dans la solution, ainsi que la conduite des travaux de recherche sur des thématiques ayant trait au changement climatique. Finances News Hebdo : Tanger s'apprête à accueillir la MedCOP22; comment la communauté scientifique et académique se prépare pour l'organisation de cet événement d'envergure ? Houdaifa Ameziane : Depuis l'annonce par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président de la République française François Hollande, en septembre 2015, à l'occasion du fameux Appel de Tanger, de la tenue de la COP22 au Maroc, l'Université a été interpellée par la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (TTA) pour la préparation de la MedCOP22, à l'instar de la MedCOP21 tenue à Marseille en 2015. L'objectif est de porter la voix de la communauté méditerranéenne avec toutes ses composantes sur les problématiques du changement climatique. En concertation étroite avec la région TTA, nous avons constitué au sein de l'Université un comité de changement climatique (Comité 3C) formé d'éminents spécialistes dans le domaine. Une journée d'études sur la thématique a été organisée en janvier 2016 dans les locaux de la région TTA en invitant des chercheurs, des spécialistes et des experts de la région dans l'objectif de sonder le terrain, d'harmoniser nos actions et de formuler des propositions. La deuxième étape consistait à travailler en étroite collaboration avec la région de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) qui est un partenaire privilégié de notre région pour assurer la continuité des actions déjà entreprises à Marseille lors de la rencontre MedCOP21. Parallèlement, nous avons mené une large campagne de sensibilisation et d'animation au sein de l'Université et ailleurs dans différentes villes de la région. Tous ces préparatifs ont conduit notre institution à devenir un partenaire incontournable dans l'animation de la MedCOP22, en prenant en charge ou en copilotant plusieurs activités : - Organisation d'un side event sur les Universités vertes; - Copilotage d'un grand événement sur les «Dialogues sciences sociétés»; - Copilotage de l'atelier «Alliance, eau, énergie, sécurité alimentaire face au changement climatique»; - Copilotage de l'atelier «milieu maritime et littoral : biodiversité, pêche et tourisme»; - Animation d'un stand sur les changements climatiques dans la médina des solutions. F. N. H. : En quoi cet événement est-il important pour les villes du pourtour méditerranéen ? H. A. : La Méditerranée est une zone très vulnérable et très sensible au changement climatique (CC) dû à l'activité de l'homme. Ceci peut avoir des conséquences très néfastes sur les populations humaines et les différentes activités socioéconomiques si le seuil de 2°C d'augmentation de la température est atteint en 2050 : perturbation du cycle de l'eau et des écosystèmes, risques sanitaires, risques naturels... Cette vulnérabilité excessive de la région méditerranéenne est à l'origine de l'initiative de porter la voix des pays riverains de la Méditerranée à la Conférence des parties des Nations unies sur les changements climatiques. Le bassin méditerranéen résume les défis du changement climatique et leurs conséquences différenciées. En tant que berceau des civilisations, il est condamné à puiser dans sa créativité historique pour fournir un modèle régional solidaire pour le futur de l'humanité. F. N. H. : Qu'attendez-vous concrètement de cette MedCOP 22 ? H. A. : En tant qu'Université, nous avons un rôle à jouer concernant la problématique climatique à commencer par la sensibilisation des acteurs de la région aux enjeux climatiques, l'intégration des jeunes dans la solution, ainsi que la conduite des travaux de recherche sur des thématiques ayant trait au CC. L'un des vecteurs importants est la formation des futurs cadres sur le phénomène du CC. Ceci dit, la crise climatique n'est qu'une partie de la crise globale du développement durable. L'Université offre 35 formations couvrant les licences, les masters et les diplômes d'ingénieur sur différentes dimensions du développement durable, 25 d'entre elles sont à caractère professionnel. L'événement MedCOP est donc une occasion pour l'Université de se positionner sur la thématique du CC en concertation avec ses partenaires méditerranéens. Une des activités phares de la MedCOP22 est l'organisation d'un side event des Universités vertes de la Méditerranée que nous érigerons, avec la collaboration des universités partenaires, au niveau de la COP22 de Marrakech. L'objectif étant de créer un réseau des Universités engagées pour assumer leur rôle de moteur de développement durable et qui incluront dans leur plan de développement la dimension changement climatique. F. N. H. : Cette MedCOP sera-t-elle un prélude à la réussite de la COP22 ? Si oui, comment ? H. A. : Cet évènement d'envergure contribuera certainement à la réussite de COP22, nonobstant le périmètre géographique réduit visé. Une revue du programme de la MedCOP22 montre le spectre des thématiques touchées et la nature du public visé. 36 pays riverains de la Méditerranée seront présents et 2.000 participants sont attendus. C'est un modèle réduit de la COP22 confiné dans la zone méditerranéenne, mais l'objectif reste le même : mettre en exergue les problèmes liés au changement climatique et définir des actions pour préserver l'écosystème mondial. La MedCOP22 obéit à la devise «agir local et penser mondial» et se distingue par le fait qu'il s'agit d'un forum d'acteurs méditerranéens non-étatiques; c'est la voix des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales et des entreprises privées auxquelles s'associent les Universités. C'est une clé de réussite de la COP22 dans la mesure où elle constitue un grand forum régional de mobilisation de la société civile pour coordonner ses positions à l'échelle internationale. F. N. H. : La MedCOP22 sera-t-elle à la hauteur de la MedCOP21 tenue l'année dernière à Marseille ? H. A. : Le fait que notre région respecte son engagement et organise la deuxième MedCOP à quatre mois de la COP22 est déjà un succès. Nous avons travaillé en continu depuis juin 2015, en passant par la COP21 à Paris, et de façon étroite avec la société civile marocaine et l'Observatoire régional de l'environnement et du développement durable pour accompagner la région dans la préparation de cette grande manifestation. Nous avons reçu un appui fort de la partie française et nous pouvons estimer que la MedCOP Climat de Tanger 2016 va être de très haut niveau. Ce sera une grande série d'échanges intensifiés et une forte affirmation de la justesse des actions climatiques méditerranéennes à porter à la connaissance des instances internationales de la COP22. On peut considérer la MedCOP Climat de Tanger comme une suite naturelle de la MedCOP de Marseille. Plusieurs propositions débattues en 2015 seront reprises à Tanger pour les affirmer, les améliorer, les institutionnaliser et les concrétiser. L'idée de réseau des universités vertes, par exemple, est l'une des 27 solutions proposées à Marseille que nous avons adoptées pour les mettre en oeuvre. Ajoutons à ceci que la MedCOP22 est préparée en étroite collaboration avec la région de Provence-Alpes-Côte d'Azur où s'est tenue la MedCOP21. F. N. H. : La COP21 a été la COP de l'engagement et la COP22 sera celle de l'action. La MEdCOP21 étant celle des propositions; quel sera le mot d'ordre de la MedCOP22 ? H. A. : Je dirais que c'est celui de l'opérationnalisation des propositions actées. Pourquoi ? Parce que, bien que l'impact du CC soit global, certaines régions sont plus vulnérables que d'autres, et la Méditerranée en est une. Je pense qu'il est temps de faire la «Grande mobilisation» jusqu'au plus bas niveau de la pyramide sociale et de mobiliser aussi les fonds nécessaires pour relever les challenges posés par le CC. Le grand défi de Tanger est d'aboutir à une forme d'institutionnalisation de la MedCOP pour assurer l'opérationnalisation de l'agenda méditerranéen positif. Cependant, le fait que la MedCOP actuelle soit organisée au Maroc constitue une opportunité pour hausser la voix des pays sud méditerranéens. La désertification chez nous est généralisée, l'insécurité hydrique et alimentaire est devenue chronique, les migrants climatiques sont bloqués sur nos côtes et nous assistons à l'effondrement dramatique des Etats en l'absence de solidarité internationale et sous l'effet déstabilisateur du changement climatique. Les risques climatiques sont plus ou moins les mêmes de part et d'autre de la Méditerranée, mais nous sommes moins préparés à les affronter au Sud et à l'Est. De même, la responsabilité historique est différenciée par rapport à la pollution de la Méditerranée, à l'épuisement de ses ressources et au réchauffement de ses eaux.