En demandant une nouvelle évaluation de la CGI par évaluateur indépendant, le gendarme du marché a fait preuve de courage. Pour autant, les petits porteurs restent toujours sceptiques et craignent d'être lésés. Comme c'est souvent le cas. La situation de la CGI sur le marché boursier laisse perplexe. Le suspense est encore à son summum. Son titre étant suspendu depuis mi-octobre dernier (suspension reconduite six fois), concomitamment au déclenchement de l'affaire impliquant son top management dans le dossier Madinat Bades à Al Hoceima, quelques semaines seulement avant le dépôt, le 18 novembre, de l'offre publique de retrait (OPR), à l'initiative de son actionnaire majoritaire (CDG Développement). A ce jour, rien ne laisse prévoir une reprise imminente de cotation du titre immobilier à la Bourse de Casablanca. Pour rendre à César ce qui lui appartient, il y a lieu de noter l'acte courageux et historique du CDVM qui, le 13 janvier, a communiqué publiquement son refus du prix proposé pour la radiation et adressé aux actionnaires minoritaires. En effet, le gendarme de la Bourse a invité l'initiateur de l'OPR à revoir sa copie, soumettant la CGI à l'exercice d'une nouvelle évaluation, cette fois-ci auprès d'un évaluateur indépendant. «C'est une première dans les annales du marché. Jamais une quelconque radiation n'aura autant duré au point de soulever le veto du CDVM», pouvait-on entendre ces derniers temps chez les petits porteurs. Rappelons-nous que ces derniers, au lendemain de l'annonce du projet de radiation de la CGI, sont montés au créneau pour mettre en garde les autorités du marché contre toute évaluation qui les léserait. Maintenant, si la décision du CDVM a été largement applaudie, c'est parce qu'elle a été interprétée dans le sens d'une volonté protectrice des intérêts des minoritaires. Mais, pour y voir plus clair, il va falloir attendre la valorisation finale et, partant, le prix définitif de l'OPR, quoique le CDVM n'a pas laissé filtrer les détails de la première évaluation. Ce qui complique davantage le processus de radiation de la CGI, voire la fixation du prix de l'OPR, c'est surtout ce mouvement baissier caractérisant l'évolution des titres immobiliers qui s'est accentué brutalement au cours des dernières séances à la Bourse de Casablanca. «Depuis le 24 novembre 2014, le titre d'Alliances a perdu 50% de sa valeur contre une chute de 30,3% pour Addoha. Aussi, depuis sa première cotation, Dar Saada a perdu 23,1%. Ainsi, le PER sectoriel de 2014 (basé sur les résultats semestriels), est passé de 14,5 (le 24 novembre 2014) à 9,8. Du coup, la valeur en comparables de la CGI est passée de 301 DH à 202 DH. Une telle chute devrait normalement peser à la baisse sur la valeur globale de la CGI, vu la prise en compte potentielle des comparables boursiers. Le retard qu'accuse l'OPR a non seulement pénalisé la liquidité de plusieurs portefeuilles, mais il risque aussi de peser sur la valorisation, sachant que la motivation du long délai d'instruction était de trouver une valeur équitable pour les minoritaires», souligne Farid Mezouar, le fondateur du site d'informations financières «FL Markets». Sollicité à ce sujet, Karim Yousfi, l'un des actionnaires minoritaires de CGI les plus visibles sur la place, ne cache pas son opposition à l'application de la méthode des comparables boursiers dans le cas d'une OPR, surtout, argue-t-il, quand ce retrait n'est pas motivé par des raisons économiques. «Le problème de la CGI serait lié à un problème de gouvernance. Nous sommes face à une renationalisation d'une entreprise déjà privatisée», affirme Youssfi. Selon lui, l'évaluation doit se référer aux bons résultats de l'année 2013 (le promoteur venait à peine de renouer avec les bénéfices) et aux projections prometteuses du business plan accompagnant son dernier emprunt obligataire (juin 2014). Au regard des réserves foncières de la CGI et différents projets engagés au Maroc (Marina entre autres), le petit porteur Karim Youssfi va jusqu'à réclamer à l'Etat le remboursement du prix encaissé lors de l'introduction (950 DH), en plus d'une plus value-égale au taux de placement des mêmes montants en bons de Trésor, depuis l'introduction jusqu'à la radiation. La meilleure méthode de valorisation, rappelle Farid Mezouar, dépend du secteur d'activité et de son degré de maturité. Pour le secteur immobilier, ajoute-t-il, l'idéal serait de recourir à la méthode de l'actif net réévalué, combinée à celle des comparables. L'actif net réévalué prendrait en compte la valeur "marché" des actifs, dont celle des projets identifiés avec un foncier existant ou sécurisé. Pour les comparables, l'idéal serait un mix entre la valorisation en Bourse et les transactions effectivement réalisées (ex : OPV, ouverture du capital d'Alliances à la SFI, rachat d'une participation dans Alliances Darna par le RCAR, etc.). "Naturellement, la méthode Discounted cash flows (DCF) demeure obligatoire pour avoir un benchmark et une référence. Pour l'immobilier, l'idéal serait de la faire sur la base du business plan le plus long possible (10 ans par exemple) pour diminuer le poids de la perpétuité dans la valeur définitive", conclut Farid Mezouar.