Le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé d'abaisser une nouvelle fois le taux directeur de 25 points de base à 2,5%. Une décision qui vise avant tout à relancer l'activité économique. Abdellatif Jouahri veillera de près à ce que cette décision ne reste pas sans effets et qu'elle sera répercutée par les banques marocaines. Le Wali de Bank Al-Maghrib, par ailleurs, continue d'écarter toute menace déflationniste sur le Maroc. En abaissant une seconde fois le taux directeur, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib, aura surpris bien des observateurs. Après être passé de 3% à 2,75% en septembre dernier, il baisse de nouveau de 25 points de base à 2,5%. «C'est historique! C'est la première fois que la Banque centrale abaisse deux fois consécutivement le taux directeur. Et c'est la première fois que le taux directeur atteint ce niveau», déclare A. Jouahri. Pourtant, A. Jouahri avait prévenu à l'occasion du dernier Conseil que si les éléments et les données qui avaient justifié sa décision se confirmaient, alors il fallait envisager une nouvelle baisse. Or, selon lui, le cocktail n'a pas changé : une activité économique qui ne décolle pas (2,5% pour 2014 et 4,4% pour 2015), un déficit budgétaire maîtrisé conforme aux engagements du gouvernement (4,9% pour 2014), des niveaux de réserves de changes qui s'améliorent (5 mois et 5 jours à fin novembre). Si l'on ajoute à cela l'absence de pressions inflationnistes du côté extérieur, un niveau d'inflation intérieur assez faible (0,4% pour 2014), un rythme de hausse du crédit bancaire qui reste relativement insuffisant (4,5% pour 2014), et un chômage en hausse (9,6%), la décision d'abaisser une nouvelle fois le taux semble justifiée. Ce qui conforte Jouahri dans sa décision, c'est l'évolution «très positive» de la balance des paiements. L'année 2014 devrait se terminer par un déficit du compte courant de 6% contre 7,6% en 2013. Les projections 2015 tablent sur un déficit de 5%. Le facteur pétrole et son prix bas offre des perspectives intéressantes pour l'économie marocaine, d'autant que selon Jouahri, «sur le marché international, il y a une lutte de parts de marché entre l'OPEP d'un côté, et les «nouveaux bruts» de l'autre, c'est-à-dire le schiste américain et le sable bitumeux canadien, ce qui expliquerait que l'OPEP n'ait pas révisé à la baisse sa production». Cette fois-ci, Jouahri espère bien que cette décision sera répercutée de façon plus sensible par les banques. «La transmission des décisions de politique monétaire des banques centrales n'est pas chose aisée», avoue-t-il. «Il n'y a qu'à voir la Banque centrale européenne qui, malgré ses efforts, peinent à produire les effets escomptés». Pour arriver à ses fins, Jouahri choisit la concertation avec le système bancaire. «Pas de déflation !» Une réunion avec le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) est prévue dans les prochains jours pour discuter de la manière de fluidifier la transmission de la politique monétaire et que celle-ci se répercute sur le crédit. Le Wali de BAM compte s'appuyer également sur les enquêtes trimestrielles des taux débiteurs. «Nous allons devoir suivre cela de très près pour savoir si les choses se concrétisent ou non», promet-il. Inévitablement, la question du spectre déflationniste a été posée. A. Jouahri a été invité à donner son avis sur certaines analyses, dont celle remarquée du Centre marocain de conjoncture (CMC), qui évoquent un risque déflationniste. Jouahri n'y va pas par quatre chemins et réfute catégoriquement toute risque de cette nature : «Nous ne partageons pas ces analyses. Nous ne sommes pas en situation de déflation». Il faut, selon lui, analyser de façon approfondie l'ensemble des composantes de l'évolution des prix, et aussi se pencher sur l'inflation sous-jacente. «C'est elle qui donne l'évolution fondamentale des prix parce qu'elle ne prend pas en compte le prix du carburant et les prix volatils qui biaisent l'analyse. La rubrique qui impacte le plus est celle des produits alimentaires, très volatils» explique-t-il. «Nous allons terminer 2015, tenant compte de nos prévisions, à un niveau d'inflation de 1,2%», conclut-il sur ce sujet. Le Wali de BAM envisage par ailleurs de réviser la pondération en devises étrangères du Dirham pour mieux coller à la réalité économique du pays : «Le Maroc a adopté une pondération dans le cadre du régime de change fixe qui reflétait la structure de ses échanges extérieurs à une date donnée. Cette structure a beaucoup évolué depuis». Mais il rappelle que, pour lui, en termes de monnaie, le véritable enjeu est ailleurs, et consiste en l'évolution du régime de change vers un régime flexible. S'il avait déjà exprimé à maintes reprises cette éventualité, cette fois-ci il en dit plus sur le calendrier : «Nous sommes en train d'examiner cette possibilité avec un benchmark et avec le Fonds monétaire international (FMI), et nous allons tirer les premières conclusions vraisemblablement vers le second semestre 2015. Ce qui nous amènera en 2016 à réfléchir sur la décision à prendre et le timing à mettre en place».