Avec 450 millions de litres d'eau embouteillée et un chiffre d'affaires de 1,8 milliard de DH, le secteur de l'eau plate embouteillée est l'objet d'une surfiscalité. Ecotaxe, taxe interne de consommation, taxe communale, taxe versée à l'agence du bassin hydraulique ... les taxes payées dépassent les 12,5% du prix d'une bouteille d'eau. Aujourd'hui, la faible consommation promet un fort potentiel de développement du secteur qui croît de 10 à 12% par an. La fronde se prépare-t-elle ? Aujourd'hui, le secteur de l'eau embouteillée se développe encore à deux chiffres puisque sa croissance se situe entre 10 et 12% et comme le Marocain ne consomme que très peu d'eau minérale (près de 18 litres par habitant et par an), cela augure d'une grande marge de développement du secteur. Au Maroc, l'on compte 450 millions de litres d'eau embouteillée pour un chiffre d'affaires global de 1,8 milliard de DH, chiffre qui nous a été communiqué par Mounir El Bari, Directeur général de la société des eaux minérales Al Karama, qui produit Aïn Soltane. Sans trop chercher à être le poil à gratter, ce dernier estime que le secteur est surfiscalisé. Et pour cause, on recense quatre différentes taxes appliquées à une bouteille d'eau, hormis les impôts communs à toute société en activité. La première des taxes auxquelles sont confrontées les sociétés du secteur de l'eau embouteillée est l'écotaxe, qui est de l'ordre de 1,5 %. Elle a été appliquée sur la préforme PET (ou polytéréphtalate d'éthylène) sous prétexte de pollution de l'environnement, après consommation bien sûr de l'eau. «En plus de l'écotaxe qui plombe la compétitivité, le secteur souffre d'une fiscalité trop lourde. Déjà qu'il est assujetti à la TIC au même titre que les boissons alcoolisées ou les produits à haute valeur ajoutée ! La TIC est de 10 centimes le litre !», déplore Mounir El Bari. «Ajoutez à cela la taxe communale que les opérateurs doivent reverser. Pour le cas d'Al Karama, cette taxe est versée à la commune de Sefrou. Cette taxe est de l'ordre de 0,10 centime par litre ou par fraction. Autrement dit, pour la bouteille de 33 cl, elle est de l'ordre de 10 centimes, idem pour la 50 cl. Pour la bouteille d'eau d'un litre et demi, cette taxe est de 20 centimes et de 50 centimes pour la bouteille de 5 litres», explique-t-il. Les opérateurs ne sont pas au bout de leur peine puisqu'il leur faut encore reverser à l'agence du bassin hydraulique qui couvre la région où se trouve l'usine d'embouteillement, 3% du chiffre d'affaires après cinq ans d'existence. Alors si l'on sait que le chiffre d'affaires du secteur (Eau gazeuse comprise) est de l'ordre de 1,8 milliard de dirhams, imaginez la manne que représente le secteur. «Si l'on s'amuse à mettre ces taxes côte-à-côte pour une bouteille d'eau au prix supposé de 3,20 DH, elles dépassent les 12,5%. Ceci sans compter les autres impôts communs aux entreprises auxquels les sociétés opérant dans l'industrie de l'eau sont assujetties, à savoir l'IR, l'IS... sachant que c'est un secteur créateur de valeur et d'emplois. Car qui dit croissance de 10%, dit investissements, emplois, ... Pour notre cas, rien qu'entre 2007 et 2014, Aïn Soltane est passée de 16 millions à 38 millions de litres d'eau embouteillée, avec à la clé 15 millions de DH investis pour trois lignes de production. Aujourd'hui, la société est le seul employeur de la région, à l'exception des quelques fermes de pommiers, et l'on embauche 70 personnes de différents profils dont plus de 70% sont issues d'Imouzzer», soutient le Directeur général d'Al Karama. Aïn Soltane clôturera l'année 2014 avec 38 millions de litres d'eau embouteillée dans un marché de 450 millions de litres, soit une part de marché entre 8 et 9% pour un secteur qui compte 5 opérateurs dont deux mastodontes que sont la Société marocaine des eaux minérales d'Oulmès, avec ses marques Sidi Ali, Aïn Atlas et Bahia ; et Sotherma avec les eaux Sidi Harazem et Aïn Saïss, avec Brasseries du Maroc. Un secteur en fort développement L'industrie d'embouteillage de l'eau au Maroc dispose d'un fort potentiel de développement de par le changement des modes de consommation des ménages plus attentifs à leur santé et bien-être, mais aussi avec une forte présence sur le marché. «Par exemple, le format 5 litres on le retrouve beaucoup chez les ménages, même chez la classe moyenne- CPS C et D», précise le DG d'Al Karama. Le cas aussi de la bouteille de 33cl à travers la CHR, à savoir les cafés, hôtels et restaurants. «La GMS, grande et moyenne surface, a constitué un important vecteur de développement du secteur comme un important moyen de distribution, étant donné que de plus en plus de ménages marocains y font leurs emplettes...», poursuit-il. Sur le marché marocain, on trouve aussi bien de l'eau nationale qu'importée, mais cette dernière reste très chère par rapport aux prix des eaux embouteillées au niveau local puisqu'en général l'industrie de l'eau est une industrie de proximité, le coût du fret étant trop élevé, déplore l'opérateur: «Par exemple, quand nous envoyons l'eau Aïn Soltane d'Imouzer à Agadir, en fin de trajet, on se retrouve avec 3 à 4% des bouteilles avariées puisqu'il y a le risque de distorsion, de chute de bouteilles etc.». D'ailleurs, il soutient que dans des pays comme l'Italie ou l'Espagne où la consommation d'eau est très élevée, à chaque rayon de 100 km on découvre une eau propre à la région. Cela permet de réduire les coûts du fret et tous les problèmes logistiques y afférents. Mais le développement du secteur demeure sensible à la fiscalité jugée peu avantageuse de l'activité. Est-ce pour autant une raison d'en rester là ? Absolument pas, car le projet de création d'une association d'embouteilleurs semble émerger et «c'est de bon augure de vouloir défendre ce secteur, puisqu'on investit et l'on crée de l'emploi», conclut M. El Bari.