Sa Majesté le Roi a prononcé vendredi 10 octobre, devant les deux Chambres réunies du Parlement un important discours à l'occasion de la première session de la 4ème année législative de la 9ème législature. Ce discours, par son contenu, sa pertinence et surtout ses recommandations aux élus de la nation, constitue un événement majeur. Il est axé, certes, sur les problématiques que connaît le Maroc, mais aussi sur certaines thèmes spécifiques inscrits dans l'esprit de la réforme globale. Or, cette année, l'allocution royale n'a pas seulement dérogé à une tradition, elle a innové. Le Souverain s'est d'emblée fait le défenseur des valeurs morales et d'élever en l'occurrence le sentiment de «patriotisme et de fierté» en vertus cardinales. Dès les premières lignes de son discours, il a souligné que la fierté est de nos jours une valeur suprême et que chaque Marocain devrait être «fier de son pays», ajoutant que lui-même demeure le plus fier d'être Marocain. «La vision est claire, a-t-il souligné, les institutions sont fortes de leurs compétences respectives dans le cadre de l'Etat de droit. C'est un motif de fierté pour nous tous. Les Marocains, où qu'ils soient, individuellement et collectivement, sont tous en droit d'être fiers de leur appartenance à cette patrie qui est la nôtre. Comme Marocain, le sentiment qui M'est le plus cher dans la vie, c'est celui d'être fier de Ma marocanité». La fierté est ainsi érigée en morale même, parce qu'elle procède d'un sentiment d'attachement au pays, et qu'elle est à présent une sorte de défense au dénigrement et à la critique systémique que l'on voit et décèle un peu partout. Sans nul doute, le Souverain a-t-il axé une partie de son discours sur cette propension diffuse, de plus en plus persistante, consistant à critiquer sans raison, voire à dénigrer son pays. Avec pédagogie, non sans une volonté d'en appeler à la citoyenneté de manière directe, il a établi le lien entre le concept de fierté auquel il donne son plein lustre et le patriotisme qui en procède. En effet, comment être fier de nos jours de son pays et de son attachement à sa civilisation sans être patriote ? D'où ce glissement didactique de la valeur de fierté nationale à celle du patriotisme... Dans l'esprit du Souverain, le patriotisme est une valeur intrinsèquement liée à la fierté, l'une et l'autre constituant le critère d'attachement viscéral à son pays. Aujourd'hui, le patriotisme s'impose face aux défis multiples que relève le Maroc et nous impose une conduite d'autant plus nouvelle qu'elle s'articule sur une morale. «Il faut que nous sachions tous, a dit le Souverain, qu'il existe, en revanche, des parties qui jalousent le Maroc pour son parcours politique, sa marche vers le développement, sa sécurité, sa stabilité et son capital historique et civilisationnel. Elles sont envieuses de la fierté qui anime les Marocains à l'égard de leur patrie». Le constat royal procède d'une analyse clairvoyante, il ne sacrifie guère à l'emphase ou à l'euphémisme. Le Maroc n'a jamais cessé d'être jalousé de tout temps, seul Etat en Afrique - avec l'Ethiopie impériale - et dans le monde arabe à avoir incarné un Etat constitué depuis des siècles, il a subi les affres de l'impérialisme et des partages léonins comme jamais aucune autre nation...Le Souverain indique dans la foulée que «nous ne sommes pas contre la liberté d'expression et la critique constructive, mais plutôt contre le nihilisme et le reniement de la Patrie...» ! Voilà un condensé vigilant à l'endroit de tous ceux qui, de l'intérieur et de l'extérieur, ont choisi de dénigrer le Maroc et de se faire souvent les complices inconséquents et inconscients des campagnes hostiles. Dans la foulée aussi d'un discours qui se veut en quelque sorte panoptique, le Roi Mohammed VI a évoqué des thèmes qui, pour être reliés à l'actualité de tous les jours, restent fondamentalement intégrés dans une actualité en décalé : il s'agit des réformes engagées depuis quelques années ou depuis peu ! Celle de la justice, relancée avec force en juin 2012 et à laquelle le Souverain attache une si grande importance qu'elle est forcément liée aux libertés et aux droits de l'Homme. Celle de la finalisation des lois organiques, de l'éducation et l'enseignement, ensuite celle de la régionalisation avancée, et ce qui n'est pas le moindre aspect, une éthique comportementale interparlementaire si l'on ose dire. A ce dernier chapitre, Sa Majesté le Roi ne manque pas de rappeler que «l'observateur de la scène politique nationale en général, et parlementaire en particulier constate que le discours politique ne se hisse pas toujours au niveau des aspirations du citoyen, précisément parce qu'il est fortement arrimé à des calculs partisans ou politiciens». Et de préciser : «S'il est du droit de tout parti politique ou de tout parlementaire de penser à son avenir politique et à gagner la confiance des électeurs, cela ne devrait pas être au détriment des grandes causes nationales et des préoccupations réelles des citoyens». Le message est d'autant plus clair que les calculs partisans, les joutes oratoires entre leurs leaders – sur fond d'ambitions injustifiées – semblent porter un coup fatal à l'éthique et à l'harmonie institutionnelle. Quant à la justice, pilier des droits de l'Homme, il n'a pas hésité de rappeler son poids et de la contextualiser : «Cela nécessite, a-t-il déclaré, avant tout de se pencher avec le sérieux nécessaire sur les priorités nationales, tout en faisant prévaloir l'esprit de consensus positif, notamment lors de l'adoption des lois organiques relatives aux institutions constitutionnelles et aux grandes réformes». Puis, sans attendre, il enchaîne : «Dans ce cadre, la priorité doit être donnée à l'adoption des textes relatifs à la réforme de la Justice, notamment ceux portant sur la mise en place du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et l'approbation du statut des magistrats. En effet, la justice est le principe garant de la sûreté et de la sécurité des citoyens et de la protection de leurs biens. Elle est également le pilier de la sécurité judiciaire, considérée comme un catalyseur du développement et de l'investissement». Le Roi a mis le doigt sur une plaie aggravée, et dont la dimension devient rampante par sa médiocrité. C'est à un appel vigoureux et solennel que le Souverain appelle les représentants de la nation à assumer d'abord leurs responsabilités et ensuite à se déprendre de leurs calculs : «Le grand perdant, quant à lui, est incarné par ceux qui considèrent que leurs sièges sont une rente ou un héritage acquis ad vitam æternam. Tant et si bien que lorsqu'ils ne remportent pas les élections, ils prétendent qu'elles sont truquées. Mais quand ils gagnent, ils se taisent, profitant ainsi de la régularité des scrutins pour accéder à la gestion des affaires publiques».